L'Espagne
découvre l'intolérance
Le 6 juin 1391, à Séville, deux synagogues sont converties en églises.
L'affaire s'accompagne de nombreux meurtres et de rapines contre la communauté juive de
la ville. Les violences s'étendent très vite à Tolède, Valence,...
Les rois de la péninsule tentent de s'opposer aux mouvements populaires. Ils sanctionnent
lourdement les fauteurs de troubles mais rien n'y fait.
Deux mois plus tard, le 5 août, à Barcelone, les émeutes atteignent leur paroxysme. Des
marins castillans, qui avaient déjà pris part aux émeutes de Séville et Valence,
mettent le feu au quartier juif et tuent une centaine d'habitants. Les survivants se
réfugient dans le château royal voisin de leur quartier.
Plusieurs responsables des violences sont arrêtés, ce qui a l'effet de déclencher une
émeute populaire. Le château royal est assiégé et ses archives brûlent. Le tocsin
sonne. Les juifs sont extraits de leur refuge et contraints au baptême. 300 s'y refusent
et sont exécutés.
L'Espagne catholique découvre l'intolérance et la haine alors même qu'elle triomphe des
envahisseurs musulmans qui ont conquis la péninsule 700 ans plus tôt.
Le temps est loin (1150) où Alphonse VII de Castille se proclamait «roi des trois
religions» (christianisme, islam et judaïsme). Il était alors habituel que les
armées cessent de combattre du jeudi soir au lundi matin pour respecter les jours de
repos des uns et des autres!
A mesure que les rois chrétiens d'Espagne repoussent les musulmans et conquis de
nouvelles terres, les habitants musulmans ou juifs sont invités à se convertir.
Après les malheurs du XIVe siècle (Grande Peste, guerre de Cent Ans et autres guerres,
Grand Schisme de l'Église catholique), les esprits sont troublés dans la péninsule comme
dans le reste de l'Europe occidentale.
Limpieza de la sangre
Le peuple des villes s'échauffe contre les juifs, nombreux dans toutes les villes, et
surtout contre les conversos, musulmans ou juifs convertis au catholicisme et que
l'on soupçonne non sans raison d'être restés fidèles à leur première croyance.
Dans ce pays où se sont établis une diversité prodigieuse de
peuples (Ibères, Celtes, Basques, Grecs, Carthaginois, Latins, Juifs,
Germains, Berbères, Arabes, Gitans,...), on commence à exalter la «limpieza
de la sangre» (la pureté du sang) et l'on s'en prend violemment
aux faux convertis soupçonnés de corrompre la foi.
Les conversos juifs sont surnommés de façon
méprisante marranes (d'un mot arabe qui signifie impur et en est venu
à désigner les porcs).
En 1478, les souverains espagnols importent le tribunal de l'Inquisition pour s'assurer de
la sincérité des marranes. Ceux qui refusent d'abjurer sont brûlés. Ceux qui
se rallient pleinement à la foi catholique sont épargnés.
Sur la peinture ci-contre, qui date du XVe siècle, on reconnaît des marranes
voués aux flammes et d'autres qui, ayant accepté de se convertir, ont été coiffés
d'un chapeau conique en signe de reconnaissance.
Les juifs restés fidèles à leur foi sont purement et simplement expulsés l'année
même de la découverte de l'Amérique, en 1492.
De
l'antijudaïsme à l'antisémitisme
En quittant le Moyen Âge et en entrant dans la Renaissance, l'Espagne passe
insensiblement de l'antijudaïsme médiéval à l'antisémitisme
moderne. Elle ouvre la voie aux horreurs du XXe siècle européen.
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