Née à Paris le 9 janvier 1908. Elle fit
ses études jusqu'au baccalauréat dans le très catholique Cours Désir.
Agrégée de philosophie en 1929, elle enseigne à Marseille, Rouen et
Paris jusqu'en 1943. "Quand prime le spirituel" fut achevé bien
avant la guerre de 1939, mais ne paraîtra qu'en 1979. C'est "L'Invitée"
(1943) qu'on doit considérer comme son véritable début littéraire.
Viennent ensuite "Le sang des autres" (1945); "Tous les
hommes sont mortels" (1946); "Les Mandarins", roman qui lui
vaut le prix Goncourt en 1954, "Les Belles Images" (1966) et
"La femme rompue" (1968).
Outre le célèbre "Deuxième Sexe"
paru en 1949, et devenu l'ouvrage de référence du mouvement féministe
mondial, l'oeuvre théorique de Simone de Beauvoir comprend de nombreux
essais philosophiques ou polémiques, "Privilèges", par exemple
(1955), réédité sous le titre du premier article "Faut-il brûler
Sade?" et " La vieillesse" (1970). Elle a écrit, pour le théâtre, "Les bouches inutiles" (1945) et a raconté certains
de ses voyages dans "L'Amérique au jour le jour" (1948) et
"La longue marche" (1957).
Après la mort de Sartre, Simone de Beauvoir a
publié "La cérémonie des Adieux" (1981) et "Lettres au
Castor" (1983) qui rassemblent une partie de l'abondante
correspondance qu'elle reçut de lui. Jusqu'au jour de sa mort, le 14
avril 1986, elle a collaboré activement à la revue fondée par elle et
Sartre, "Les Temps Modernes", et manifesté sous des formes
diverses et innombrables sa solidarité totale avec le féminisme. (Tiré
du livre Mémoires d'une jeune fille rangée)
Simone de
Beauvoir par elle-même
"On a forgé de moi deux images. Je suis une folle, une
demi-folle, une excentrique [...] J'ai les moeurs les plus dissolues; une
communiste racontait, en 45, qu'à Rouen, dans ma jeunesse, on m'avait vue
danser nue sur des tonneaux; j'ai pratiqué tous les vices avec assiduité,
ma vie est un carnaval, etc." (La force des choses)
"Souliers plats, chignon tiré, je suis une cheftaine, une dame
patronnesse, une institutrice (au sens péjoratif que la droite donne à
ce mot). Je passe mon existence dans les livres et devant ma table de
travail, pur cerveau. [...] Rien n'interdit de concilier les deux
portraits. [...] L'essentiel est de me présenter comme une
anormale." (Ibid)
" Économiquement je suis une privilégiée. Certains censeurs me
reprochent cette aisance: des gens de droite, bien entendu; jamais à
gauche on ne fait grief de sa fortune à un homme de gauche, fût-il
milliardaire; on lui sait gré d'être de gauche. L'idéologie marxiste
n'a rien à voir avec la morale évangélique, elle ne réclame à
l'individu ni ascèse, ni dénuement: à vrai dire, elle se fou de sa vie
privée." (Ibid)
La force de l'écriture
"[...] Le fait est que je suis écrivain: une femme écrivain, ce
n'est pas une femme d'intérieur qui écrit mais quelqu'un dont toute
l'existence est commandée par l'écriture. ( Pour l'écrivain, il s'agit
de communiquer "le sens de l'être dans le monde"). Cette vie en
vaut bien une autre. Elle a ses raisons, son ordre, ses fins auxquels il
faut ne rien comprendre pour la juger extravagante." (La force des
choses)
"Il y a d'évidents avantages à être un écrivain connu; plus de
corvées alimentaires mais un travail voulu, des rencontres, des voyages,
une prise plus directe que jadis sur les événements. L'appui des
intellectuels français est recherché par un grand nombre d'étrangers en
désaccord avec leur gouvernement; souvent aussi on nous demande de
marquer notre solidarité avec des nations amies. Nous sommes tous un peu
accablés par les manifestes, protestations, résolutions, déclarations,
appels, messages qu'il nous faut rédiger ou signer. Impossible de
participer à tous les comités, congrès, colloques, meetings, journées
auxquels on nous invite." (Ibid)
"Pourquoi ai-je choisi d'écrire? [...] La première raison, c'est
l'admiration que m'inspiraient les écrivains [...] les livres, tout le
monde les lisait: ils touchaient l'imagination, le coeur; ils valaient à
leur auteur la gloire la plus universelle et la plus intime. En tant que
femme, ces sommets me semblaient en outre plus accessible que les pénéplaines;
les plus célèbres de mes soeurs s'étaient illustrées dans la littérature.
[...] En écrivant une oeuvre nourrie de mon histoire, je me créerais
moi-même à neuf et je justifierais mon existence. en même temps, je
servirais l'humanité: quel plus beau cadeau lui faire que des
livres?" (Mémoires d'un jeune fille rangée)
"[...] la sincérité littéraire n'est pas ce qu'on imagine
d'ordinaire: il ne s'agit pas de transcrire les émotions, les pensées,
qui instant par instant vous traversent, mais d'indiquer les horizons que
nous ne touchons pas, que nous apercevons à peine, et qui pourtant sont là;
c'est pourquoi, pour comprendre d'après son oeuvre le personnalité
vivante d'un auteur, il faut se donner beaucoup de peine. [...]" (La
force de l'âge)
Réflexions sur
le public
"D'ordinaire, le public, s'il découvre que vous n'êtes pas
surhumain, vous rabaisse au-dessous de l'espèce: un monstre. Entre 45 et
52, en particulier nous invitions aux distorsions parce que nous résistions
aux classifications: à gauche, mais non communistes, et même fort mal
vus du P.C., nous n'étions pas "bohèmes"; on me reprochait
d'habiter l'hôtel et à Sartre, de vivre avec sa mère; cependant nous
refusions les cadres bourgeois, nous ne fréquentions pas "le
monde", nous avions de l'argent mais pas de train de vie; intimement
liés, mais non asservis l'un à l'autre, cette absence de repères déconcertait
et agaçait." (La force des choses)
"Pendant plusieurs années j'ai détesté me montrer en public
[...] Cette réserve s'accordait avec le peu de goût que j'ai pour la
publicité [...] Je ne voulais pas devoir mes réussites à des
interventions extérieures, mais à mon seul travail. [...]" (Ibid)
À propos de
Jean-Paul Sartre
"Il y a eu dans ma vie une réussite certaine: mes rapports avec
Sartre. En plus de trente ans nous ne nous sommes endormis qu'un seul soir
désunis. Ce long jumelage n'a pas atténué l'intérêt que nous prenons
à nos conversations [...] nous disposons pour saisir le monde des mêmes
instruments, des mêmes schèmes, des mêmes clefs: très souvent l'un achève
la phrase commencée par l'autre; si on nous pose une question il nous
arrive de formuler ensemble des réponses identiques. [...] Nous ne nous
étonnons plus de nous rencontrer dans nos inventions mêmes; j'ai lu des
réflexions notées par Sartre vers 1952 et que j'ignorais; j'y ai découvert
des passages qui se retrouvent, presque mot pour mot, dans mes Mémoires,
écrits près de dix ans plus tard. Nos tempéraments, nos orientations,
nos choix antérieurs demeurent différents et nos oeuvres se ressemblent
peu. Mais elles poussent sur un même terreau. [...]" (La force
des choses)
"Ce n'est pas un hasard si c'est Sartre que j'ai choisi: car enfin
je l'ai choisi. Je l'ai suivi avec allégresse parce qu'il m'entraînait
dans les chemins où je voulais aller; plus tard, nous avons toujours
discuté ensemble notre route. [...] Reste que philosophiquement,
politiquement, les initiatives sont venues de lui. [...] Sartre est idéologiquement
créateur, moi pas; acculé par là à des options politiques, il en a
approfondi les raisons plus que je n'étais intéressée à la faire:
c'est en refusant de reconnaître ces supériorités que j'aurais trahi ma
liberté; je me serais butée dans la lutte des sexes et qui est le
contraire de l'honnêteté intellectuelle. Mon indépendance, je l'ai
sauvegardée car jamais je ne me suis déchargée sur Sartre de mes
responsabilités: je n'ai adhéré à aucune idée, aucune résolution
sans l'avoir critiquée, et reprise à mon compte." (Ibid)
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