Abraham Lincoln est né le 12 février 1809, dans une misérable
baraque en bois, de l'état du Kentucky, à la lisière d'une grande forêt.
Abraham n'est allé en classe qu'une année et chaque fois qu'il s'y
rendait, il devait parcourir neuf milles (ce qui est égal à 14,4 kilomètres
) à l'aller et autant au retour.
Lorsque son père, Tom Lincoln vendit sa ferme, toute la famille partie en
direction de l'Ouest
. En Indiana, ils s'installèrent dans la clairière d'une forêt pour y bâtir
leur maison.
L'automne suivant la maison fut terminée.
La mère d'Abraham tomba malade, Abraham avait sept ans quand elle mourut.
Un an après la mort de Nancy Lincoln le père se remaria et la nouvelle mère
qui eut trois fils aimait Abraham comme s’il avait été son propre
fils.
Abraham ne se servit d'une arme à feu qu'une seule fois dans sa vie pour
tuer une poule (ses dix ans à peine sonné.)
Lorsque Abraham (ou Abe pour la famille et les intimes) eut seize ans. Il
conduisait la charrue et maniait la hache parfaitement. Il ne faisait pas
le travail d'un adolescent mais celui de deux hommes bien musclés. A ses
travaux de bois et des champs, il ajoutait une autre activité, celle de
passeur sur le fleuve (L'Ohio). Durant ses longues heures d'attentes, il
savait s'occuper : il lisait.
La nouvelle mère d'Abraham avait apporté tout un lot de livre : la
bible, les aventures de Robinson, Simbad le marin... Chacun de ces livres,
il les avait lus au moins trois fois. Puis il s'en était procuré
d'autres. Il connaissait tous les gens qui possédaient des livres à
cinquante milles à la ronde. Les imprimeries ou les librairies, en ce
temps-là dans l'Indiana, étaient moins nombreuses que les chats sauvages
dans la forêt. Chez un des voisins Abe trouva un livre qui traitait de
l'art de l'éloquence, avec de nombreux exemples pris dans les discours
des hommes politiques de tous les temps et de tous les pays.
Abe ne détestait pas de répéter quelques-uns de ses discours à haute
voix, et c'est d'une voix vibrante qu'il lançait dans les forêts de
l'Indiana une apostrophe de Marc Antoine : "Ainsi, Romains,
Concitoyens, prêtez une oreille attentive : il nous faut en finir avec César.
"Souvent il parlait à ses bœufs.
Durant les temps de pause, les champs retentissaient alors d'éclats de
rire. Abe avait une façon inimitable de lire et surtout de mimer les
personnages.
A 21 ans Abraham quitta sa famille et s'établit dans l'état de
l'Illinois, où il essaya d'exercer plusieurs métiers. A l'occasion d'un
voyage à la Nouvelle-Orléans, il assista, pour la première fois de sa
vie, à une vente d'esclaves noirs ; il en conserva une vive impression.
Il avait entrepris des études de droit pour devenir avocat ; cette
profession l'attirait, car elle lui permettait d'étudier et de connaître
la nature humaine.
En 1842 Mr. Lincoln avait épousé Miss Todd.
ABRAHAM CANDIDAT A LA PRÉSIDENCE
Sa popularité s'accroissait. Jeune encore, il entra dans la carrière
politique et devint bientôt l'un des hommes les plus important du parti républicain.
Les gens le connaissaient par ses plaidoiries, et aussi par les discours
qu'il tenait dans les salons, les salles publiques et jusque dans les
chambres d'hôtel.
L' "Honorable Abe " était aussi réputé dans tout l'Illinois
pour ses mots à l'emporte-pièce et ses anecdotes.
Au-delà des frontières de l'état, Abraham ne craignait pas, de contrer,
chaque fois qu'il en avait l'occasion, son adversaire : le sénateur Stephen
Douglas.
"L'homme aux deux visages"
Physiquement, Lincoln n'était pas beau. Il mesurait presque 2 mètres, et
sa taille était encore accentuée par sa maigreur et ses longs bras.
Malgré les efforts de son tailleur, Aucun costume ne parvenait à faire
de lui un homme élégant. Sa tête, aux cheveux noirs et raides, coiffés
en arrière, semblait posée en équilibre sur un cou trop long.
En 1858, il présenta sa candidature au sénat, contre Stephen Douglas ;
tous deux présentèrent, en public, plusieurs débats oratoires.
Il s'exprimait d'une manière simple, efficace ; dès qu'il commençait à
parler, les auditeurs oubliaient ses vêtements et sa silhouette dépourvue
d'élégance, pour suivre le fil des pensées intéressantes qu'il
exposait clairement, en termes extrêmement vivants.
Maintenant tous connaissaient Abraham Lincoln. Et non seulement ceux qui
l'avaient entendu de leurs oreilles, mais une grande foule à travers tous
les états.
M. Lincoln et Mme. Lincoln eurent des enfants : Tad, Willie et Robert. Un
jour des coups de canon retentirent c'était en l'honneur d'Abraham qui
avait été élu président. Au canon qui avait tiré pour fêter à
Springfield la victoire d'Abraham Lincoln, répondirent mille canons dans
tout le pays ou du moins dans les états du Nord qui par la majorité écrasante
de leurs voix, portèrent Lincoln à la Présidence le 6 novembre 1860.
Le bruit des canons se renforça encore lorsque le nouveau Président prêta
solennellement serment devant le Capitole à Washington le 4 mars de l'année
suivante, le serment de maintenir de toutes ses forces la Constitution des
U.S.A., de la protéger et de la défendre.
Ainsi tour à tour berger, bûcheron, passeur sur le Mississippi,
convoyeur de flottage, chauffeur de bateau, épicier, étudiant, avocat, député,
le jeune Abraham entre à la Maison Blanche comme seizième Président des
États-Unis.
Cependant, il arriva, hélas, ce qu'Abraham en ce matin de mai avait
murmuré à l'oreille de son épouse, Mary. Le bruit des canons qui
avaient tonné en son honneur, éveilla un écho qui ne devait pas s'éteindre
de sitôt : celui de la guerre et de la pire des guerres : la guerre
civile.
A l'aube du 12 avril 1861, la Caroline du Sud et six autres états du Sud
se déclaraient indépendants de l’union et formaient, avec Jefferson
Davis pour président, une nouvelle nation : les états Confédérés d'Amérique.
Cette guerre, en tant que Président et en même temps chef suprême des
armées, Abraham Lincoln avait la charge de la conduire. Ce fut la première
pensée obsédante du nouveau Président en entrant à la Maison Blanche :
"Je dois faire la guerre et la gagner, mais comment ?" Abraham
tint son premier Conseil de Cabinet et commença à s'habituer aux
tactiques de ses ministres.
Après de nombreuses bataille Lincoln était invité à l'inauguration du
cimetière militaire à Gettysburg.
Abraham avait d'autre chat à fouetter que de préparer de longs discours.
Dans le train qui l'emmena à Gettysburg, il jeta quelque phrase sur un
fragment de papier qu'il fourra dans sa poche.
-...Il y a quatre-vingt-sept ans nos pères ont fondé sur ce continent
une nouvelle nation d'hommes libres et égaux en droits. Aujourd'hui, nous
sommes au cœur d'une immense guerre civile dont l'enjeu est de savoir si
cette nation, où toute autre fondée sur les mêmes principes, peut être
assurée de survivre... "Aujourd'hui nous sommes venus sur ce champ
de bataille pour consacrer une portion de ce sol ou reposeront en paix
ceux qui ont donné leur vie pour celle de notre pays. Mais en un sens
profond, ce geste que nous allons faire est presque inutile. Car ce sont
les hommes courageux qui ont lutté ici, vivants ou morts aujourd'hui, qui
ont consacré et sanctifié cette terre, qui n'ont pris possessions. A cet
acte nos faibles forces ne pourraient ni ajouter ni retrancher quoi que ce
soit.
"Ce que les morts attendent de nous, ce n'est pas une reconnaissance
supplémentaire et bien inutile de leurs mérites ou de leur gloire, c'est
que nous poursuivions l’œuvre qu'ils n'ont pu mener à terme. A ce prix
seulement leur sacrifice ne sera pas vain. A ce prix, la nation, avec
l'aide de Dieu, connaîtra une nouvelle naissance pour que le règne du
peuple, pour le peuple et par le peuple, ne disparaisse pas de cette
terre.
Les applaudissements ne furent ni très spontanés, ni très convaincants.
Le lendemain les journaux répandirent en commentaire plutôt négatif.
Aucun des trente milles auditeurs présents au cimetière de Gettysburg ne
se doutait que les quelques dix phrases prononcées ce jour-là par
Abraham Lincoln, et presque intraduisibles dans leur beauté dépouillée
et leur étonnante poésie, passeraient à la postérité et figureraient
dans tous les livres d'écoles.
Ce fut une dure année pour l’union, et une victoire paraissait plus
improbable que jamais. Les troupes nordistes avaient subi une deuxième défaite
à Bull Run, et Abraham cherchait toujours un chef un chef militaire
capable. Sur tous les fronts les Confédérés faisaient pression.
Toutefois, comme par miracle, le combat des Antietam se termina par une
victoire assez nette des états du Nord, et les sudistes durent abandonner
le Maryland. C'était l'instant qu'attendait Abraham. Il convoqua le
Cabinet, et deux jours plus tard le texte de proclamation de la libération
des esclaves était promulgué et remis à la presse.
La nouvelle courut à travers le télégraphe, franchit les océans, et en
quelques heures le monde appris que le Président des États-Unis venait
d'annoncer que les esclaves étaient libres pour toujours. Libre d'aller
et de venir où ils voulaient, d'apprendre à lire et à écrire, de
travailler où et pour qui ils voulaient. La nouvelle loi avait effet au
premier janvier 1863.
Vint le jour de la réception du Nouvel- an à la Maison Blanche. Ronde de
voitures élégantes, officiers en uniforme chamarrés, membre du Corps
diplomatique, représentant de tous les états d'Europe, hauts
fonctionnaires. Tous voulaient voir le Président et se faire voir. Aucun
n'évoqua la mise en vigueur de la proclamation. Était-il sûr que le Président
signerait le texte d'applications ?
Le Président, épuisé, se retira dans son cabinet de travail et il
inscrivit son nom sur un document qui donnait la liberté à trois
millions neuf cent mille esclaves.
Lorsque la guerre civile éclata, l'homme qui allait finalement forcer la
victoire en faveur des Nordistes, occupait la place modeste d'employé
comptable dans une petite boutique de cuirs et peaux à Galena (Illinois).
Ulysse Samuel Grant.
Les initiales du nouveau Général de brigade devinrent célèbres : U. S.(Unconditional
Surrender) Reddition sans condition.
Après quelque bataille, Abraham avait pris comme décision de lui confier
le commandement suprême de toutes les troupes de l'union. Il fut nommé
à un grade militaire qui n'avait été conféré que deux fois avant lui,
à George Washington et Winfield Scott, celui de lieutenant Général.
En mai, le nouveau Commandant en chef marcha avec son armée sur Richmond.
"J'espère terminer la guerre dans cette campagne, télégraphe
a-t-il au Président. Même si je dois y employer tout l'été, L'été se
passa sans que Richmond fut pris. L'automne et l'hiver suivirent. C'est
seulement le 3 avril 1865 que les troupes du général Grant entrèrent
dans Richmond qui n'était plus qu'une ville en ruines.
Le lendemain, les morts de l'armée du Sud jonchaient encore les rues, une
petite barcasse accosta au Canal devant Richmond.
Un homme très grand, en vêtements civils, en descendit, suivi d'autres
messieurs également en civil. Seuls quelques Noirs travaillant dans un
jardin, aperçurent le petit groupe. Ils les regardèrent avec curiosité.
Soudain le plus vieux reconnut l'homme très grand et maigre qui marchait
en tête du groupe.
Puis il se précipita et tomba sur ses genoux.
-Gloria ! Alléluia ! Notre sauveur est là ! Il pressa alors son visage
contre le sol, et tous ses compagnons firent de même.
Le Président s'avança et les releva.
D'autres Noirs accoururent. Une mère éleva en l'air son enfant malade.
Tous cherchaient à toucher les habits d'Abraham, comme ils l'avaient
appris pour le Christ dans la Bible.
Bien vite les survivants de la ville morte jaillirent. Les fenêtres des
maisons épargnées se garnirent, les arbres se couvrirent d'enfants et
d'adolescents. Mais tous regardaient en silence. Aucune acclamation, aucun
cri de haine non plus.
Enfin on atteignit la "Maison Blanche" des Confédérés.
Abraham pénétra dans les couloirs froids et déserts. Seul un vieux
serviteur apparut et conduisit les hommes du Nord à travers les dédales
du palais gouvernemental, qui lui aussi avait bien souffert de la
bataille.
A la surprise de ceux qui l'accompagnaient, Lincoln rentra à Washington
sans avoir lancé la moindre proclamation, ni s'être préoccupé du sort
des habitants de la ville conquise.
Le 9 avril, jour des Rameaux, il reçut de Grant un télégramme annonçant
la paix définitive. "Le Général Lee signera aujourd’hui après-midi
la reddition de l'armée de Virginie"
Pourtant l'homme solitaire de la Maison Blanche ne parvenait pas à
trouver la joie... Peut-être parce que les mots qu’il avait prononcés
un jour, aux plus sombres heures de la guerre, lui revenaient à la mémoire
: "-Je ne survivrai pas longtemps à la fin de la guerre."
Lorsque le Président fut revenu dans son cabinet de travail, il trouva un
message du lieutenant général et de Mme Grant qui priaient le Président
et Mme Lincoln de les excuser s'ils ne pouvaient assister, comme il était
prévu, au spectacle dans la loge présidentielle le soir même.
-Je m'en abstiendrais bien aussi, dit Abraham.
Malheureusement il avait promis d'assister à la représentation de la comédie
"Nos Cousins d'Amérique" et sa présence avait été annoncée
dans tous les journaux. Il ne pouvait décevoir les spectateurs qui
viendraient sûrement plus pour lui que pour écoute une pièce de théâtre.
La représentation était déjà commencée lorsque Lincoln et ses hôtes
apparurent dans la loge présidentielle. Miss Keene, l'étoile de la soirée,
fut interrompue, dans sa réplique par les applaudissements qui
s'adressaient au Président.
Pour le Président on avait installé un siège dans la partie arrière
afin qu'il ne soit pas en permanence sous le regard du public. Mme Lincoln prit place à son côté.
La représentation se poursuivit. Abraham était appuyé au dossier de son
fauteuil. , il avait la tête presque cachée dans la draperie de velours
qui tapissait la loge.
Soudain on entendit un claquement sourd. Le bruit était venu de la
cloison arrière de la loge. Le major Rathbone se dressa d'un bond, mais
il ne vit qu'une chose : Le Président qui vacillait et s'écroulait en
travers de son fauteuil. Au même instant, la porte de la loge s'ouvrit et
l'officier se trouva face à face avec un jeune homme qui levait sur lui
un poignard, la lame lui blessa l'avant bras. Il resta un instant suspendu
aux draperies, puis atterrit sur la scène au milieu des acteurs.
Quelques habituées du théâtre avaient reconnu l'étrange silhouette
apparue. C'était John Wilkes Booth, le plus jeune de frères Booth qui
montaient les spectacles de Shakespeare. Acteur lui-même. Les spectateurs
pensèrent d'abord qu'il s'agissait d'une improvisation introduite dans le
spectacle.
Mais un cri de Mme Lincoln éclata...
-Il a tué le Président !
Une panique incontrôlable s'empara d'une partie des spectateurs. Les
occupants des premiers rangs bondirent sur la scène. Peut-être l'homme
était-il resté caché dans les coulisses. On baissa le rideau et la
foule consternée s'écoula. Un médecin qui assistait au spectacle s'était
fait connaître dès les premiers cris.
A la porte de la loge une foule se pressait. Le président avait été étendu
sur le sol, et le médecin était penché sur lui. Il saisit la main. Le
pouls battait faiblement. Les battements du cœur étaient perceptibles.
Le médecin examina alors la blessure à la nuque. Le médecin affirma que
le Président avait perdu conscience dès qu'il avait été frappé. La
blessure était mortelle, et il n'y avait rien à tenter. La balle tirée
de très près avait traversé le cerveau.
Six soldats transportèrent Abraham dans une maison face au théâtre. Ils
le couchèrent sur un lit dans une chambre au premier étage. Le combat
d'Abraham contre la mort dura jusqu'à l'aube.
A six heures vingt-deux minutes le médecin recueillit le dernier
battement de ce cœur gigantesque. L'aube pointait, en ce 15 avril de
1865, jour du Samedi Saint, jour de repos dans le tombeau, avant qu'éclatent
les cloches de Pâques dans la joie de la Résurrection.
C'était un cortège funèbre comme on n'en avait encore jamais vu en Amérique.
Six chevaux gris tiraient le char noir sur lequel, reposait le seizième
Président de l’union. Le vendredi 22 avril, le corps fut chargé sur le
train spécial de la "Washington Railroad", tous ceux qui s'étaient
déplacés n'avaient même pas pu l'apercevoir une dernière fois.
FIN
Daniel Jenni
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