Ça se passait il y a cinquante ans

ou  

(Dans l’bon vieux temps ça s’passait d’même)

 

Dans le causerie de ce soir, je vais essayer de démystifier pour le bénéfice des plus jeunes, une période que les vieux amateurs se plaisent à appeler “le bon vieux temps”. J’ai donc intitulé ce réseau, en sous-titres comme dans la chanson, “Dans l’bon vieux temps, ça s’passait de même”.

On en entend souvent parler, de ces années d’autrefois, parfois peut-être dans un langage qui se veut volontairement ou non, inflationniste. Est-ce que les cinquante ou soixante-quinze dernières années de la radio amateur au Québec ont été vraiment ce que les plus vieux en disent? Et ces vieux, comme on les nomme affectueusement parfois, est-ce qu’ils y retourneraient dans ce bon vieux temps?  Je ne saurais répondre à cette question et nos vieux, ils ne sont plus la pour y répondre.  Si vous me suivez jusqu’à la fin de cette causerie,  il y aura un forum tout à l’heure qui vous permettra de vous exprimer sur ce sujet.

A coup sûr, ces années, dites du bon vieux temps, étaient des années de découvertes. Tout était à inventer ou presque.  Au tout début de la radio, les lampes n’étaient même pas encore inventées, encore moins les transistors et les circuits intégrés.

Les radio amateurs et ils sont nombreux, qui ont obtenu leur licence dans la dernière décennie et surtout depuis la déréglementation ont souvent entendu parler du bon vieux temps de la radio amateur. Comment ça se passait sur les ondes il y a cinquante ou 75 ans. La plupart d’entre nous n’étions  pas encore nés et ceux qui étaient déjà de ce monde étaient encore bien jeunes. Le réseau d’aujourd’hui va essayer de vous transporter, tout comme la toupie du temps de Jacques Le Matamore, quelque 50 ou 75 ans en arrière et nous verrons ensemble ce qui en était vraiment de ce bon vieux temps que les anciens amateurs semblent tant chérir. Pour vous les plus vieux, ceux du moins qui ont vécu cette époque, vous n’apprendrez rien de bien nouveau, mais pour les amateurs de récente date, la connaissance de cette période établira, j’ose l’espérer, un lien ou un pont entre les anciens et les plus jeunes qui permettra de mieux comprendre l’évolution de notre passe-temps préféré à travers le temps.

Raconter tout ce qui s’est passé sur une période aussi longue demanderait un livre de plusieurs centaines de pages et dépasserait le cadre d’un simple réseau. Alors, ne soyez pas peinés si je suis obligé d’en sauter des bouts.  Si ma mémoire me permettait de me souvenir de tous les personnages  qui ont traversé ma vie de radio amateur depuis 50 ans, ce n’est pas de quelques heures dont j’aurais besoin, mais de plusieurs semaines pour ne pas dire plusieurs mois. C’est donc un simple survol des principaux événements qu’on va tenter de revivre ensemble.

Il est vrai que les débuts de la radio amateur  étaient des années fascinantes pour les adeptes de ce passe-temps.  Établir un contact entre Montréal et St-Hyacinte représentait pour les amateurs de ce temps  presqu’un exploit. Imaginez quand nous contactions Drummondville, Sherbrooke ou Québec. La bande de 75-80 mètres était utilisée intensément. Ceux qui utilisaient les autres bandes de 40, 20 et 10 mètres étaient presque considérés comme des génies. Ceux qui utilisaient le 2 mètres, étaient vus comme des plombiers, à cause des circuits résonnants qui utilisaient des lignes parallèles fabriquées de tuyaux en cuivre que les plombiers utilisaient. Pour ce qui est des fréquences plus élevées, on n’y pensait même pas.

Les répéteurs n’étaient pas encore dans les pensées des plus avant gardistes des expérimentateurs du temps. Au début, les communications se faisaient exclusivement en morse. Les moyens de moduler une onde porteuse n’avaient pas encore été trouvés. Les émetteurs étaient des éclateurs de Branly et les récepteurs des détecteurs de Hertz. 

C’est en 1923 que le Québec découvre la radio, alors que CKAC et CFCF s’implantent dans la métropole. Quelques amateurs, cependant, n’ont pas attendu l’arrivée de Marconi chez nous. Déjà, ils sont fasciné par la communication sans fil et ont commencé à apprivoiser la radio. Jean Fortier VE2AV est l’un de ceux-là. En 1920, il est âgé de 17 ans. Il demeure rue Adam et fait ses premières expériences. Il ne connaît rien à la radio. Il se destine à la comptabilité.Il est simplement attiré par ce nouveau médium.

Au début, l’apprentissage se fait par essais et erreurs. Avec son ami, Gaston Hébert, VE2AI, ils communiquent entre eux d’une maison à l’autre, sans fil, avec des émetteurs à étincelles.  Les deux camarades d’expérimentation s’initient à la radio, découvrent, tâtonnent et apprennent. Ils établissent même des communications de “longue distance” à Nicolet avec Mgr Destroismaisons et à St-Hyacinthe avec l’abbé Choquette. Un de leurs amis est un opérateur radio dans la marine marchande du Canada, Jean-Louis Bombardier, et il va sans dire que nos deux comparses profitent de ses connaissances pour améliorer un peu les leurs.

En 1923, les émetteurs à étincelles laissent leur place aux lampes. C’est une nouvelle étape qui débute. Quelques magasins spécialisés, pour amateurs, ouvrent leurs portes à Montréal. Entre autre, chez Racicot, Place d’Armes, et un peu plus tard, chez Payette Radio. Une lampe coûte alors quinze dollars.

C’est en 1926 que le ministère de la marine, de qui relève les communications radio, fait passer les premiers  examens pour l’obtention d’une licence.  C’est aussi cette année là que VE2AV fait ses premiers contacts à l’extérieur du Québec, à Binghampton, dans l’état de New-York, à 125 milles de Montréal. A cette époque, les amateurs sont assez peu nombreux au Québec. En 1929, on en dénombre 69, dont 16 francophones. En 1939, ils seront 500, et en 1973, plus de 1200.

Il semble bien que des les débuts de la radio, le gouvernement émettait des indicatifs mais ne faisait pas passer d’examen.  J’ai retracé en 1911 et 1912 les indicatifs XAC, XAM et XAP.  En 1913 et 1914, il y avait 16 amateurs dont l’indicatif débutait par la lettre X.  En 1922,  17 amateurs possédaient   un indicatif qui débutait par  le chiffre 2 suivi de deux autres lettres. Parmi eux, il y avait 2EK, Arthur Kemp, le fondateur du club de Trois-Rivières, et 2BE, Alex Reid, de St-Lambert. En 1923, 17 autres amateurs reçurent leur indicatif. 

Selon une liste du département de la marine, division de la radio, le 31 mars 1935, il y avait au Québec 219 amateurs de radio. Plusieurs de ces amateurs sont encore parmi nous et on peut les entendre à l’occasion. Ce sont  VE2DW, Aurèle Taillon, probablement au moment ou l’on se parle le doyen des amateurs au Québec avec ses 92 ans, VE2FA, Charles Frenette, qui fut le premier superviseur technique de la télévision de Radio Canada à Montréal. Depuis que  cet article a été écrit, plusieurs anciens  amateurs de cette époque nous ont quittés pour un monde meilleur. Ce sont René Frenette, VE2DL, décédé en 1999, l’abbé Charles Robert, VE2EC, de Trois-Rivières, décédé en 1997  à l’âge de 93 ans et Jean-Louis Huard, VE2IG, décédé en mai 98 à l’âge de 87 ans. Jean-Louis était un ancien directeur technique à la télévision de Radio Canada et il avait animé durant plus de 20 ans une chronique sur les ondes courtes du service international de Radio Canada intitulée “Allo-DX”. Il fut remplacé à cette émission par un autre amateur, Yvan Paquette, VE2ID, que vous pouvez voir de temps à autres à la télévision à titre de porte-parole  du ministère des transports du Québec.

Cette liste de radio amateurs, vous vous en doutez bien, est très incomplète. Il faudrait aussi mentionner Pierre Bélisle, VE2VO, amateur depuis 1946 et qui est toujours actif aussi bien en HF qu’en VHF. Il est maintenant à la retraite mais durant sa vie active, c’était un expert en équipement à rayons-X pour la compagnie Picker.

Il y eu aussi le docteur Paul Rivard, VE2BW, aujourd’hui décédé qui fut une légende en son temps, pratiquant une médecine de brousse dans un village isolé du Québec, Clova, en Abitibi, accessible à cette époque seulement par le chemin de fer.

Parlons de Paul Rivard. Il nait à Magog le 16 septembre 1900 et fait son éducation primaire à l’école paroissiale. Le début de ses longues études se fait à Chambly puis au Collège de Montréal, et le Collège Ste Marie. C’est à ce collège qu’il apprend les rudiments de la radio-amateur.  Puis, il fait ses études en médecine à l’Université de Montréal où il est reçu médecin en 1927. Son implication dans les appareils à ondes courtes le font connaître dans les milieux de la radio amateur. Il obtient ses lettres d’appel “2GC”, le préfixe VE étant encore inexistant.

Il nous quitte ensuite pour Paris afin d’y suivre un  cours de deux ans dans les recherches de la chirurgie avancée, à la Sorbonne, et nous revient chirurgien. C’est durant ses années en Europe qu’il rencontre une gentille et aimable canadienne et celle-ci devient Mme Rivard. Leur bonheur est hélas de courte durée car il perd sa compagne avant la fin de ses études. Inconsolable, pour trouver la paix, il se réfugie dans les plaines du Grand Nord.

En 1929, plusieurs centres de colonisation sont en voie de défrichement où la survivance n’est assurée que par la présence d’un médecin. Le gouvernement ouvre un petit centre hospitalier à Clova, petit village perdu au beau milieu de la forêt entre Senneterre et Parent, et le docteur Rivard y accepte un poste de médecin-chirurgien. C’est un territoire de 100,000 milles carrés habité par des travailleurs forestiers et de nombreux villages indiens.

Pour ses visites à domicile, le transport du médecin se fait de la façon la plus appropriée, en tenant compte de l’endroit à visiter; chiens avec attelage, skis, raquettes, avions en cas d’urgence s’il y a possibilité d’atterrir ainsi que par chemin de fer quand c’est possible. Paul Rivard a même la permission du CNR de se servir de la draisine pour les cas d’urgence, mais par des températures de 45 à 70 degrés F. sous zéro, même si la draisine ne peut atteindre que 25 milles à l’heure, sans pare-brise, ces voyages sont une véritable torture.

Le téléphone est encore à l’état rudimentaire. Pour le docteur Rivard, sa profession lui demande des communications rapides. La télégraphie se rendait seulement là où il y avait des fils. 99% de son territoire n’en avait pas. Un seul système au monde pouvait le servir, la radio-amateur.

Il prend la décision de dessiner et d’ériger une station de radio. La plus avancée à ce moment là. Il se choisit une chambre de dix par douze pieds, qui ne suffira pas à tout contenir lorsque tout sera en place. Différents articles resteront dans l’appartement voisin. Paul a pensé à tout, jusqu’à l’efficacité de l’opération.  L’opérateur a un fauteuil pivotant au centre d’une immense table en forme de fer à cheval et tout ce qu’elle contient doit être à la portée de sa main.

Pour avoir une idée de l’installation, imaginons entrer dans la pièce. En commençant par la droite, on voit des récepteurs d’usages différents, le téléphone rural à manivelle, l’horloge, le galvanomètre, la station météorologique pour aider le service aérien, le baromètre, le thermomètre, l’anémomètre, le chasseur d’émetteur. Sur la table, il y a un nombre impressionnant d’interrupteurs et de lampes témoins.  Dans le coin gauche, en haut, un enchevêtrement de fils qui disparaissent à l’arrière d’une carte géographique représentant toute la région. A gauche, ce qui lui est sacré, ses trois émetteurs. Au cas ou la génératrice de la CIP ferait défaut, il fait l’acquisition d’un générateur portatif d’une puissance telle que l’hôpital et sa radio peuvent fonctionner en cas de panne.

Le jour venu ou sa station est en opération, il donne sa première démonstration à un groupe canadien d’audacieux pilotes de brousse. Il leur démontre ce  que son centre de communication représente pour eux et dès ce moment, ces intrépides aviateurs lui vouent une confiance inébranlable.

Chaque base d’opération est identifiée sur la carte par une lampe témoin, au point exact où elle se trouve. Quelques unes de ces stations peuvent communiquer entre elles mais, seul, le docteur Rivard peut rejoindre le groupe. Ils adoptent alors un plan de sécurité régionale.

En premier lieu, ils déterminent  une fréquence qui ne servira que pour un signal de détresse.  Une autre fréquence est établie pour les cas urgents, et les communications régulières se feront sur une fréquence en commun.  Il explique à ses pilotes le fonctionnement d’un chasseur d’émetteur et ceux-ci ont tôt fait de comprendre qu’enfin, leur  sécurité est assurée.  Grâce au réseau, et dans les pires tempêtes, ces pilotes d’avions peuvent maintenant connaître l’endroit exact où ils se trouvent par le relevé différent de chaque station avec le chasseur-émetteur, co-ordonné par le docteur Rivard.  

Cette sécurité nouvelle en aéronautique ne perd pas de temps à être mise à l’épreuve, et aussitôt, on a la certitude que son fonctionnement est très efficace. Il s’en suivra des prouesses insensées.

Ce réseau d’opération fait ses débuts avec dix stations. Les techniques atteintes sont environ dix ans en avance. Durant la 2e guerre mondiale, un système identique fera le contrôle de l’aviation alliée.

Cette nouvelle ne tarde pas à arriver à la connaissance de la CIP. Qui a tôt fait de réaliser la valeur inestimable de cette communication récente. Sur la recommandation du docteur Rivard, ils ouvrent de nouvelles stations là où les distances sont trop vastes. Une deuxième chaîne fait son apparition, beaucoup plus au nord, avec de petits émetteurs de un demi watt, et si petits soient-ils, le signal émis par ces stations se rend à des distances incroyables. La fréquence d’opération est fixe et il est bien entendu que l’on ne doit s’en servir que dans les cas d’urgence. A sept heures précises, toutes les stations écoutent la fréquence “détresse”.

Si l’une des stations de l’ouest ou du sud désire passer un message à une station du nord ou de l’est, le docteur Rivard écrit la demande sur un bloc-notes et place celui-ci sous l’interrupteur qui allume la lampe témoin de la première station. Il émet le message à destination et revient à la station en attente. Si le sujet est simple et court, les lampes témoins s’éteignent rapidement.  Les habitants de la région ne perdent pas de temps à découvrir l’utilité de ce téléphone interurbain gratuit et à ce sujet, le docteur Rivard disait qu’il ne se souvenait pas d’avoir jamais fermé le réseau avant minuit. Il craignait même de voir sa carte prendre feu par le dégagement de la chaleur des lampes témoins.

L’étendue couverte par ses émetteurs était impressionnante.  Montréal, Trois-Rivières, Québec, Bagotville, Roberval, Mistassini, Chibougamau, Val d’Or, et même beaucoup plus loin.

Un jour, il reçoit las visite d’un représentant des Communications. Celui-ci est tellement impressionné qu’il revient plus tard avec des ingénieurs des Communications de la Province. Ceux-ci à leur tour sont émerveillés à tel point qu’ils lui demandent de continuer sa surveillance du nord en lui permettant même d’utiliser des fréquences prohibées.

D’autres appareils sont alors placés à des endroits stratégiques sous la surveillance du docteur Rivard et sa carte géographique se transforme en véritable arbre de Noël.

Heureusement, la lourde  tâche du  docteur Rivard est un peu allégée par la présence d’une assistante.   Deux ans plus tard, ils se marient et ont 5 enfants.  En l’absence du docteur, c’est sa femme qui devient opérateur de la station.

En 1954, l’Office National du Film envoie une équipe à Clova pour y tourner un documentaire. Ce film s’intitule “Médecin du Nord”.  Le seul exemplaire existant à l’heure actuelle se trouve aux archives de l’ONF. Deux livres ont également été publiés sur le Médecin du Nord, un en américain et l’autre en allemand.

En 1964, il adresse au Conseil de recherches médicales, le résultat de ses 35 années de recherches relatives aux vitamines et à la nutrition en général. Ces notes sont retournées car le Conseil n’accepte pas de prendre le risque des poursuites judiciaires de la part des distributeurs de produits alimentaires.

Le docteur Rivard a également pratiqué l’hypnose comme valeur thérapeutique, et il est une fois deplus contesté. Il aura cependant l’occasion de la pratiquer dans les cas où l’anesthésis s’avère inefficace. La procédure d’hypnose pratiquée par le docteur Rivard ainsi que des opérations sans anesthésie sont filmées par l’ONF.

Pendant son  séjour à Clova, le docteur Rivard fut appelé à remplir plusieurs autres fonctions telles juge, notaire, avocat et même constable. Il quitte Clova pour La Tuque en 1964 et un peu plus tard, il s’installe à Montréal mais toute sa vie restera marquée par ces 35 ans passées à Clova.      Telle est la magnifique histoire de l’un des nôtres, VE2BW, qui toute sa vie, a mis son passe-temps au service de sa communauté.

J’ai eu la chance, alors que j’étais jeune amateur, de parler avec le docteur Rivard sur la bande de 80 mètres. Il plaçait à Montréal un signal impressionnant, mais plus que la force de son signal, c’était surtout sa personnalité qu’il nous communiquait.  

Un autre des personnages des plus dévoué à la cause de la radio amateur dans la région de Montréal et au Québec fut Albert Daemen, VE2IJ. Il a été le penseur et l’organisateur de plusieurs événements d’envergure impliquant notre hobby. En plus d’un congrès mondial de radio amateurs à Montréal qui impliquait aussi l’ARRL, Albert avait été le fondateur, en 1973, de RASO, Radio Amateurs au Service des Olympiques. Un des sous-comités de RASO avait eu la responsabilité des communications pour le transport de la flamme olympique entre Ottawa et Montréal. Cette tâche avait été confiée à Lloyd Guénette, VE2KQ.   C’était lui aussi un amateur de la première époque.

VE2IJ est amateur depuis 1931, donc depuis 67 ans. Albert fut aussi le “QSL manager” de l’ARRL pour la région du Québec pendant 23 ans et durant toutes ces années il a acheminé aux VE2 plus de 4 millions de cartes QSL. Faut le faire. Malgré ses 83 ans,  Albert Daemen est toujours très actif sur HF où on peut l’entendre régulièrement. On peut aussi le rencontrer en personne aux hamfests et assemblées des différents clubs de la région métropolitaine.

La plupart des amateurs que je viens de nommer étaient tous là en 1935 et sont encore aujourd’hui, par leur implication continue,  des actifs importants pour notre groupe. Un amateur dont on a malheureusement perdu la trace fut Corey Thompson, VE2IR, celui-là même qui abritait le récepteur du répéteur VE2MT, et qui fut avec Jack Tietleman le co-fondateur de la station de radio CKVL.  Un autre amateur renommé fut Maurice Rousseau, VE2FO, ingénieur en radio et spécialiste des installations et de l’entretien de nombreuses stations de radio commerciale AM et FM à travers le Québec. Il avait été à l’emploi de Radio Canada et de CKVL avant de devenir consultant à son compte. Il est lui aussi décédé il y a quelques années. récemment.

Certains des renseignements qui précèdent m’ont été fournis par  un bon ami, amateur depuis très longtemps, Aurèle Taillon, VE2DW  il y a quelques années quand il avait appris que je m’intéressais à l’histoire de la radio amateur. Ce sont des documents précieux que j’ai pu consulter  pour rédiger ce texte. Juste quelques mots sur cet étonnant bonhomme qu’est Aurèle, maintenant âgé de 93 ans. Il est amateur depuis 1927 et a obtenu une autorisation de transmettre en décembre 1931. Il a passé ses tests en juin 1932 sous l’indicatif VE2DW, indicatif qu’il a conservé toute sa vie. Il bricole toujours ses appareils et expérimente sans cesse toutes sortes de circuits. Son plus grand plaisir est de réussir de nombreux  contacts avec les appareils qu’il construit lui-même tout en utilisant la plus basse puissance possible, et laissez-moi vous dire qu’il y réussit très bien. Aurèle fut aussi un pionnier de la modulation FM sur HF. Mais ne parlez pas à Aurèle de transistors, de circuits imprimés ou  intégrés. Son univers est demeuré l’univers des lampes et des cristaux.

Si le hasard vous met en contact avec cet amateur pas ordinaire, demandez lui comment il se porte. Invariablement, sa réponse sera: “je me sens comme un jeune homme. J’ai encore des projets pour les 20 prochaines années”.

Durant la guerre de 1939, les amateurs durent cesser leurs émissions. On croyait en haut lieu que des messages ou des informations privilégiées pourraient être dirigés vers l’Allemagne au moyen des ondes amateurs. Un amateur qui aurait été pris à transmettre durant cette période risquait le camp de concentration. Ce n’est qu’après la guerre que les émissions amateurs purent reprendre.

La science des communications avait fait d’énormes progrès depuis ses tous débuts. Et les amateurs avaient énormément contribué à l’avancement de cette technique. Plusieurs inventions furent attribuées aux amateurs, aussi bien dans le domaine de l’électronique que des antennes. Les années d’après guerre, entre 1945 et 1950  furent des années de consolidation et de réorganisation de ce passe-temps. 

Aux Etats-Unis, un début de déréglementation se pointait à l’horizon avec l’avènement de la classe novice qui rendait ce hobby passionnant beaucoup plus accessible. Au Canada, on parlait bien parfois de dé-réglementation, mais en termes plutôt timides. Les années 50 étaient l’époque des lampes à vide, que certains amateurs comme  Yvon, VE2AOT, de Sherbrooke, avaient baptisé  affectueusement des “bouteilles à feu”. L’expérimentation était à l’honneur, la plupart des amateurs construisant eux-même leur équipement, tout au moins leur équipement de transmission et certains accessoires. Les récepteurs, quant à eux, étaient généralement achetés tout construits, car tout comme aujourd’hui, il n’était pas facile de construire un récepteur performant fonctionnant sur toutes les bandes et surtout ayant une apparence un peu décente. Le récepteur, dans un shack, c’était le roi du bureau, et peu d’amateurs se mesuraient au défi de le construire eux mêmes.

C’était aussi l’époque de la télégraphie, de la téléphonie en modulation d’amplitude, du radio-télétype dont l’abréviation était  RTTY. C’était aussi les débuts de la télévision à balayage lent, des émissions en fac-similé utilisant des émetteurs récepteurs à tambour qui gravaient leurs textes et leurs dessins sur du  papier thermique qui dégageait la senteur du  petit canard à la patte cassée en brûlant son message. C’était l’époque des dynamoteurs et des vibrateurs qui fournissaient le haut voltage aux mobiles. Et parlant de haute tension, celle-ci pouvait varier entre  100 et quelques milliers de volts, selon la puissance désirée. La plus grande prudence était de mise quand il fallait manipuler ces voltages élevés. Plusieurs vieux amateurs portent encore la marque de ces chocs électriques qui auraient pu en faire des clef silencieuses. Il faut croire qu’ils étaient faits forts les amateurs en ces temps reculés.

Les répéteurs de deux mètres n’ayant pas encore vu le jour, les émissions mobiles s’effectuaient en HF surtout sur la bande de 80 mètres bien que les autres bandes fussent aussi utilisées à un degré moindre. Certains  inconditionnels du code morse, tel Jean Fortier, VE2AV, dont j’ai parlé plus haut, ne faisait que du CW en mobile. Comme on l’a vu tout à l’heure, Jean avait été un pionnier de la radio amateur au Québec, ayant débuté en 1920 au moment ou aucun poste de radio, commercial ou autre, n’existait encore au Canada du moins de façon officielle. Jean avait modifié un appareil de surplus de guerre et il attachait une clé de télégraphie à sa cuisse droite ce qui lui permettait de faire de nombreux contacts en code et en mobile. Je n’ai pas à vous dire qu’il avait son 12 mots.  

Son émetteur-récepteur, d’une grosseur plutôt impressionnante, était installé sur une partie du siège arrière de sa Vailliant, et pouvait lui servir de chaufferette en hiver. L’autre moitié du siège étant occupé par sa belle-mère qui devait être très prudente lorsqu’elle voulait bouger le moindrement,  les brûlures de radio fréquence étant la norme plutôt que l’exception dans cette installation plutôt broche à foin. Mais notre homme réussissait quand même à faire de nombreux contacts malgré la terreur que tout cet équipement inspirait à sa pauvre belle mère. Cet homme extraordinaire était né quelques années avant  la radio et toute sa vie, il en avait fait son passe-temps, sa passion, son unique sujet de conversation. C’était une encyclopédie vivante sur tout ce qui  avait trait à la radio amateur et sa mémoire extraordinaire le servait très bien quand il était question de ce hobby. Il dormait très peu et passait ses nuits à discuter de technique et de radio. Il allait se coucher au petit matin et à midi, il était de retour en onde.

Les années 50 avaient vu l’introduction de la licence novice aux Etats-Unis, ce qui avait ouvert la porte à l’arrivée massive de nombreux nouveaux amateurs. L’examen de code morse chez nos voisins avait été réduit à 5 mots à la minute et l’examen théorique se limitait à un test de base très simple. Par contre, cette licence n’était valable que pour une période d’un an et ne pouvait être renouvelée.  De plus, l’usage de certains segments de bandes  bien définis était obligatoire. La principale raison d’être de la licence novice était de préparer les nouveaux amateurs à la licence générale. L’American Radio Relay League, l’ARRL, avait publié le “Novice Licence Manual” qui contenait des exemples des questions et réponses, mais ce n’étaient que des exemples. Il n’était pas possible à un aspirant novice de passer le test simplement en mémorisant ces questions et réponses. Et le gouvernement américain ne les avait pas publiées. Personne ne pouvait donc en faire le commerce.

Au Canada, dans les années 50, les examens de radio amateurs étaient administrés par les inspecteurs du Ministère des transports, qui devint ensuite le ministère des communications, Communication-Canada et enfin Industrie-Canada. Au tout début de la radio, c’était le Département  de la Marine, division des radio-communications qui régissait les activités radio dans tout le Canada. Aux Etats-Unis, c’était et c’est encore le FCC, ou Federal Communication Commission. Pour ceux qui l’ignorent, les préfixes qui identifiaient les licences novices étaient les mêmes que les autres amateurs à l’exception de l’introduction de la lettre “N” après la première lettre de l’indicatif. Par exemple, WN1ABC ou WN8XYZ.

Au Canada, on parlait timidement de dé-réglementer la radio amateur mais le processus était très lent et ne se mit vraiment en branle que vers les  années 1975. Le ministère des communications de l’époque avait lancé une vaste consultation auprès des amateurs via leurs clubs et associations respectifs  et de nombreuses réunions d’information avaient été tenues un peu partout afin de faire le point sur ce projet. Bien entendu, toutes ces suggestions demeurèrent lettre mortes et le gouvernement n’en introduisit aucune dans sa formule finale.

Contrairement à ce qu’on a souvent entendu, les amateurs des années 50-60 étaient en faveur d’un allégement des pré-requis pour devenir amateur. En décembre 1954 le journal officiel du club VE2DN, qui était le club de langue française de Montréal à cette époque, avait publié  un éditorial sur le sujet signé par VE2AIK.  Vous serez à même de constater que les amateurs du temps étaient majoritairement en faveur d’un adoucissement des pré-requis pour l’obtention d’une licence amateur.  Cet éditorial était le reflet de cette volonté. Voici cet article: 

Un soir dernier, en écoutant les signaux des amateurs WN et KN sur la bande de 80 mètres, je me suis posé cette question: Pourquoi n’y aurait-il pas, comme chez nos voisins américains, une classe novice au Canada. En effet, depuis les quelques années que je pratique la radio amateur, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de parler de ce hobby fantastique avec des gens représentant plusieurs métiers ou professions. Beaucoup d’entre eux désirent se joindre à nous. Malheureusement, ces gens n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre les principes fondamentaux et le code morse nécessaire à l’obtention de la licence et par le fait même, n’ont jamais été en mesure de se présenter devant l’examinateur”

“Pour les amateurs qui possèdent déjà leur licence, le code morse et les principes de bases de la radio ne sont plus un problème. Mais tous par contre savent fort bien par expérience qu’avant de savoir le code à la vitesse requise, ils ont dû peiner et travailler de nombreuses heures qui se sont peut-être échelonnées sur plusieurs années. Tous savent aussi que, une fois la fameuse licence obtenue, le fait d’effectuer de nombreux contacts  avec des amateurs dont la manière de transmettre n’est pas la même de l’un à l’autre a été une expérience qui leur a fait augmenter graduellement leur rythme de transmission et de réception jusqu’à des vitesses plus que respectables”.

 “Ceci prouve que l’intérêt que l’amateur prend à faire de vrais contacts lui est sûrement d’un grand secours pour l’aider à augmenter lentement mais sûrement sa vitesse de copie du code morse. Il faut parfois plus d’un an de pratique pour en arriver à toucher de justesse le 10 mots à la minute afin de passer nos fameux tests, alors qu’après l’obtention de la licence cette vitesse est doublée et parfois triplée en l’espace de quelques mois. Il en est de même en ce qui touche l’aspect technique. Pour ceux qui possèdent de bonnes connaissances en radio, l’examen du ministère n’est qu’un jeu. Mais pour une autre personne qui peut à peine faire la différence entre un condensateur et une résistance et qui n’a pas la plus petite idée de ce qui se passe à l’intérieur d’une lampe de radio, l’examen devient une bien grosse montagne, presqu’une épreuve”.  

“L’adoption d’une classe novice au Canada aurait pour effet de contourner en partie ces difficultés. Le nouvel amateur novice aurait l’opportunité de se faire de nouveaux amis et apprendrait facilement, tout en pratiquant son hobby favori, son métier de radio amateur. De plus, le recrutement de nouveaux amateurs serait de nature à réveiller quelque peu les activités sur nos bandes qui ont considérablement diminuées depuis deux ou trois ans”.

“Cette baisse constante des activités a coïncidé étrangement avec l’accroissement de la popularité de la télévision montréalaise. Il y a des amateurs qui causent du brouillage (TVI) et qui ne viennent plus sur les ondes, et les autres qui ne causent pas de brouillage mais qui doivent regarder la télévision faute d’amateurs avec qui entrer en contact”.

“La mise en place d’une classe novice pourrait peut-être remédier à cet état de chose en facilitant l’entrée dans nos rangs de nouveaux membres intéressés. Il ne faudrait pas cependant donner des licences au premier venu qui ne voudrait un indicatif que pour le placer sur son auto. Il faudrait quand même conserver un certain contrôle. Le novice devrait, au renouvellement de sa licence après la première année, être en mesure de prouver son intérêt par de nombreux contacts affichés dans son livre de bord”. (Log book).

“Tout en exprimant ici une opinion personnelle, j’aimerais la voir partagée par de nombreux amateurs réellement intéressés à ce hobby fantastique. L’avènement d’une telle classe de licence au Canada apporterait certainement un essor considérable à notre passe-temps et ce serait pour le bien de nous tous, radio-amateurs”. Fin de l’article.

Voilà ce que les amateurs souhaitaient il y a 45 ans.  Ce n’est que quelques années plus tard que les autorités avaient proposé une première ébauche de dé-réglementation et ce qui avait été proposé était justement l’ouverture d’une classe novice. Cette nouvelle classe n’aurait exigé qu’un examen facile de code morse à 5 mots à la minute ainsi que des connaissances minimales en électronique. La durée de la licence de la classe novice aurait été de deux ans et aurait ainsi permis au titulaire d’acquérir les connaissances et l’expérience nécessaire à l’obtention du certificat supérieur de radio amateur. Mais comme dans tous les cas ou les gouvernements consultent  leurs commettants, en ce qui nous concerne, dans notre cas, les clubs de radio et les associations, ils ont dé-réglementé en ne tenant aucun compte des  suggestions faites et ont réussi à accoucher  du fouillis que l’on connaît tous. Revenons à notre causerie. Il n’est pas dans mon intention de faire un procès au gouvernement.

Avant la dé-réglementation, il y avait deux niveaux de licence pour accéder à la radio amateur. La première licence et la deuxième licence. Ou encore, le certificat de base et le certificat supérieur. L’examen qui donnait accès à la première licence consistait à recevoir et transmettre en morse à la vitesse de 10 mots à la minute durant trois minutes consécutives  avec un maximum de trois fautes. Le test de théorie consistait à dessiner les schémas d’un récepteur superhétérodyne de base, d’un émetteur très simple contrôlé à cristal, d’un bloc d’alimentation non régularisé et d’un fréquence-mètre simple. L’inspecteur posait alors des questions en utilisant les schémas de l’aspirant amateur. Il changeait les composantes de valeur ou en modifiait l’emplacement sur le dessin et l’aspirant devait expliquer ce que provoquait ces changements. Une note de passage de 90% était exigée.

Le premier certificat de compétence en radio permettait l’utilisation de toutes les fréquences en morse ainsi que la téléphonie sur toutes les fréquences supérieures à la bande de 10 mètres, soit 50 mhz et plus. Après une période de 6 mois et sur présentation d’une preuve de contacts en CW, on pouvait demander l’endossement de ce premier certificat sur les fréquences de 10 mètres. Cette preuve de contacts était fournie aux autorités par la tenue obligatoire d’un registre ou d’un livre de bord qu’on appelait “log book”. Chaque amateur tenait rigoureusement son livre de bord. Avec la dé-réglementation, cette obligation fut abolie et c’est un peu dommage, car après de nombreuses années de pratique de ce hobby, on pouvait retrouver, dans ce fameux livre de bord, de nombreux souvenirs des événements heureux ou malheureux de notre vie de radio amateur.

Revenons à nos moutons, c’est à dire à nos licences. Le premier certificat n’était pas limité dans le temps. Un amateur pouvait for bien opérer toute sa vie avec ce seul certificat, mais en aucun temps, il n’avait droit à la téléphonie sur les bandes HF, seul, le morse lui était accessible à l’exception bien entendu de la bande de 10 mètres s’il avait obtenu auparavant son endossement. Je peux vous affirmer qu’à cette époque, les règlements étaient scrupuleusement respectés. Qui, parmi les plus vieux, ne se souviennent de la réception d’un avis d’infraction et de la promptitude qu’on mettait à y répondre. On appelait ces avis, des tickets roses. Et on y répondait immédiatement.

Les amateurs qui désiraient faire le saut vers la licence supérieure devaient  se présenter au  deuxième examen au plus tôt un an après avoir obtenu leur  premier certificat et passer les tests du certificat supérieur. L’examen était cette fois beaucoup plus difficile mais après un an d’expérience et de pratique, rares étaient ceux qui rataient ce deuxième  examen.

Il fallait, lors de ce 2e test, dessiner le schéma d’un modulateur de classe B et expliquer son fonctionnement pour ensuite le faire fonctionner dans un émetteur conventionnel, dessiner  le schéma d’un moniteur de modulation, et plusieurs autres circuits du même genre. Le test de code morse était augmenté à 15 mots par minute. Ça peut vous paraître impressionnant, 15 mots par minute mais je peux vous affirmer qu’après avoir effectué des centaines de contacts en code  durant la première année, il n’était pas rare de pouvoir copier le morse à des vitesses de beaucoup supérieures.

Une autre classe de licence a existé durant quelques années; la licence numérique. Il n’y avait pas de test de code pour passer cette licence, mais l’examen technique était très difficile. Cette licence était réservée aux techniciens qui désiraient expérimenter avec les communications numériques. Ce fut la naissance du packet.

Les toutes premières expériences de transmission en packet se sont faites au Canada. C’est le dr. John De Mercado, alors directeur général de la réglementation au Ministère des communications qui avait été le maître d’oeuvre de ce projet d’introduire une classe spéciale pour les communications numériques au cours de l’année 1978. Cette licence avait encouragé les techniciens amateurs à expérimenter avec la radio par paquets bien avant que ce mode ne fut approuvé légalement.

Les premières émissions en packet ont été réalisées par le MARC, le Montreal Amateur Radio Club en mai 1978. Le groupe qui était responsable de ces expériences se nommait le MP-Net, ou Montreal Packet Net et les instigateurs de cette expérience étaient des amateurs de Montréal. On avait utilisé la bande de 220 mhz et le code ASCII pour ces  premières émissions, et le protocole utilisé était le CSMA/CD qui veut dire Carrier Sense Multiple Access with Collision Detection.  Le protocole qui est maintenant employé est, comme tous le savent, le AX-25 qui est un dérivé du X-25 commercial.

Ces expériences ont par la suite ouvert la porte aux émissions en Amtor, en Pactor et le reste. D’ailleurs, le pactor est la combinaison des mots packet et amtor. Ou le meilleur de deux mondes. Les ordinateurs venaient de faire leur entrée dans le shack des amateurs. C’est à partir du 15 septembre 1978 que le ministère des communications annonçait dans un communiqué officiel que tous les amateurs du Canada pourraient dorénavant  opérer en packet sans posséder  au préalable  la licence numérique qui fut alors abolie.

Fait à noter, aux États-Unis, ce n’est que le 17 mars 1980 que les amateurs de ce pays obtinrent l’autorisations d’utiliser le code ASCII pour les transmissions numériques par paquet.

Bien que les nouveaux amateurs pouvaient opérer en téléphonie sur la bande de 2 mètres, dès l’obtention de leur première licence, ils demeuraient peu nombreux à se prévaloir de ce privilège car, ne l’oublions pas, il n’existait pas de répéteurs dans ces années là et l’activité sur la bande de 2 mètres était réservée à ceux qui aimaient expérimenter. Pour ce qui est des bandes de 220 et 440 mhz, il fallait être un peu plombier pour construire des équipements sur ces fréquences, car les circuits résonnants étaient fabriquées le plus souvent en tuyaux de toutes dimensions. Ces bandes étaient très peu utilisées à l’exception des techniciens chevronnés.

Ce n’est que dans  les années 60 qu’on vit se développer à une vitesse fulgurante les activité sur la bande de 2 mètres avec l’installation des premiers répéteurs.  

La préparation de ce réseau m’a incité à faire une recherche sur les premiers répéteurs au Québec. Voici ce que j’ai trouvé. Ces informations proviennent du club de Granby. Tout d’abord, VE2TA. John Miller, le premier VE2TA, était un amateur bien connu de la région de Montréal, étant très actif au sein des différents clubs de langue anglaise tel le MARC. C’était une famille de radio amateurs, son fils était VE2BN, qui est maintenant domicilié en Australie sous l’indicatif VK4BN, et une de ses filles est par la suite devenue VE3.

John Miller était aussi le beau-père de Seymour Epstein, VE2TT. Au décès de VE2TA, Seymour et son frère Murray, VE2AUU, décidèrent de perpétuer sa mémoire en donnant son indicatif à un répéteur. Si ma mémoire est bonne, Seymour était un consultant employé par Power Corporation. Cette compagnie était propriétaire de la station de télévision CHLT de Sherbrooke dont l’ antenne  de transmissions était installée au sommet du Mont Orford. Seymour aurait donc obtenu des autorités du poste CHLT, l’autorisation d’installer un répéteur amateur dans leurs installations`du mont Orford.

Le 7 juin 1967, lors d’une assemblée du club de radio de Granby, Jean-Paul Meunier, VE2BMJ avait discuté du projet d’installation d’un répéteur sur le Mont Orford, qui utiliserait la bande de 2 mètres et qui pourrait couvrir 150 milles à la ronde. On pourrait compter sur une centaine de membres et le tarif fixé pour en faire usage serait de 5.00$ par année. Les dépenses de mise en service pourraient atteindre la somme de 100.00$. L’acceptation de ce projet est proposée par Jean-Jacques Beaudry, VE2BLP et secondée par Jean Pépin, VE2NT.

Au mois d’août 1967, VE2AUU qui était alors chef coordonnateur national de l’AREC (Amateur Radio Emergency Corp), avait été invité à rencontrer les membres du club de radio de Granby à cet effet. Des membres des clubs de Trois-Rivières, Québec et Sherbrooke assistaient également à la réunion.

L’antenne servant à la retransmission par la station  relais atteindrait une hauteur de 50 à 60 pieds au dessus du sommet du mont Orford, celui-ci se situant déjà à une altitude de plus de 3000 pieds au dessus du niveau de la mer. VE2BMJ serait responsable de la station. Des stations semblables à celle que voulait installer le club de Granby existaient alors à Québec, VE2OM, Montréal VE2MT et Trois-Rivières VE2RTR dont Pierre Gélinas, VE2AGI était le titulaire. C’est le club de Granby qui défraierait le coût de l’installation de la station relais automatique.

Vu l’intérêt presque provincial que représentait l’installation de ce répéteur sur le mont Orford, plusieurs amateurs de l’extérieur étaient présents à cette rencontre. Beverley Armstrong, VE2YK de Sherbrooke,  Murray Epstein, VE2AUU de Chomedey, Pierre Gélinas, VE2AGI, Claude Dessurault, VE2AJD et Léon Trépanier, VE2BVV, tous de Trois-Rivières, Jean Pépin, VE2NT de Bromont et Paul  Couture, VE2SS, de Sherbrooke.

C’est précisément en l’honneur de ce dernier qu’un répéteur de Sherbrooke porte cet indicatif.

L’équipement de transmission fut installé originalement dans le garage de l’émetteur de la  station de télévision CHLT sur le mont Orford, puis déménagé, au cours de l’année 1968,  dans son propre abri, une cabane de 4 par 4 par 8 pieds. La tour était une Beaty d’environ 30 pieds, qui ne put résister aux hivers rigoureux du mont Orford et qui fut éventuellement remplacée par un poteau de bois. Le rôle que Seymour Epstein et son frère Murray ont joué dans cette installation fut probablement d’intervenir auprès des autorités de CHLT et de Power Corporation pour obtenir les autorisations nécessaires, car il s’en est fallu de peu pour que ce répéteur soit mis hors service tout de suite après sa naissance.

En effet, le chef ingénieur de CHLT n’entretenait pas de très bonnes relations avec les amateurs. Lors d’une visite au site de l’émetteur de télévision, il avait vu dans le garage et sur le toit des équipements et des antennes qui étaient loin de présenter  l’apparence d’équipements commerciaux.  De retour à son bureau, il avait avisé les responsables du club de Granby d’avoir à enlever au plus tôt ces équipements encombrants et de les faire disparaître de sur la montagne. Comme les amateurs ne sont pas par nature des gens nerveux, les responsables du club de Granby téléphonèrent immédiatement à Seymour Epstein, qui a son tour donna un coup de téléphone à un officier supérieur de Power. Notre ingénieur malcommode reçu à son tour un appel de ses grands patrons avec l’ordre formel de laisser les amateurs tranquille, qu’ils avaient toutes les autorisations requises pour installer dans le garage de CHLT les équipements et les antennes qui étaient nécessaires à la mise en fonction du répéteur. Et VE2TA put être sauvé.  

En octobre 1969, pour accumuler des fonds pour l’entretien de VE2TA, une vaste collecte fut lancée sur le répéteur et des certificats furent accordés à ceux qui contribuèrent pour un montant minimum de 5.00$.

Le 4 février 1970, Jean-Guy Breton, VE2JB et André Deslandes, VE2AKX, acceptèrent  la responsabilité de l’entretien du répéteur. Se rendre sur la montagne en hiver était toute une expédition. Un voyage en remonte-pente suivi d’une bonne marche dans la neige jusqu’à la ceinture. Les bouteilles qui étaient transportées au site n’étaient pas toujours des bouteilles à feu, mais plutôt des 40 onces de bon vieux gin.

En mars 1970, Adéodat Lacasse, VE2ABO, fabriquait les pièces nécessaires à la construction de nouvelles cavités. Donat Rivard, VE2BVR voyait à leur assemblage et André Deslandes à la syntonisation.

La même année, Jacques Daigneault, VE2BIN et Adéodat Lacasse, VE2ABO construisirent un nouvel édifice d’une grandeur incroyable de 6 pieds par 8 pieds. Un vaste salon, quoi!  Sur le mont Orford, les cabanes construites par les amateurs n’avaient pas de porte. En hiver, il y avait tellement de neige et de glace sur la montagne qu’une porte aurait été inutile. A la place, de la porte, on accédait à l’intérieur de la cabane par une trappe fixée sur le toit.  J’avais été visiter personnellement cette installation, ce qui m’avait permis d’admirer le travail titanesque  de tous ces amateurs que rien n’arrêtait.

Les antennes, car il y en avait deux, étaient montées sur un poteau de bois de 60 pieds de hauteur, gracieusement fourni par Hydro Québec. Comme le mont Orford est plutôt rocheux, il n’était pas question de planter ce poteau dans le roc solide. Pour le faire tenir debout, on avait du l’ancrer sur le côté d’un promontoire rocheux à l’aide d’énormes ancrages fixés dans le roc. J’avais vu ce poteau et les ancrages qui le retenaient lors de ma visite, et laissez moi vous dire que ce n’était pas un travail d’amateurs. Encore moins pour des amateurs. Quel travail de professionnels ces amateurs de Granby ont-ils dû faire pour que ce répéteur devienne réalité et surtout pour qu’il continue de rayonner, de son immense couverture, sur un territoire aussi vaste.

Concernant cet énorme poteau, une anecdote à ce sujet voudrait que, le transport vers le haut du Mont Orford ne fut pas un pique nique. Il appert qu’un amateur bien connu et très impliqué dans les opérations du club à Granby,  Jean-Louis Tétrault, VE2AFY avait offert au club de transporter le fameux poteau  en haut de la montagne. Jean-Louis était à cette époque propriétaire d’une compagnie qui installait des annonces commerciales. Il était donc équipé de camions aptes à effectuer ce transport.

Il assigne donc un chauffeur et un camion, on charge cet énorme et lourd poteau dans le camion et on se met en route. Mais le chemin pour se rendre au sommet du Mont Orford n’est pas une autoroute. A un certain endroit, on y côtoie un précipice impressionnant juste dans une courbe suivie d’une pente prononcée. Arrivé à cet endroit, le chauffeur panique et s’arrête net en disant à ceux qui l’accompagnaient que la manoeuvre étant trop risquée, il ne va pas plus loin et que sa journée est terminée à la grande consternation de l’équipe présente qui pensait pouvoir installer ce poteau la journée même.

Monsieur le curé Pierre Connelly, VE2BLY, qui ne s’en laisse généralement pas imposer, se rend à pied aux installations de CHLT et téléphone à Jean-Louis. Il  lui fait part de la situation. Jean-Louis demande alors à  parler à son chauffeur. On ne saura jamais ce qu’il lui a dit mais notre homme rapplique en disant: OK les gars, je vais vous le monter votre maudit poteau, mais à condition qu’il soit déchargé du camion. Je vais le traîner  jusqu’à l’endroit où vous le voulez. On décharge le poteau, on l’attache à une forte chaîne, et le chauffeur, fermant probablement les yeux,  s’engage dans la pente dangereuse à une vitesse à faire frémir Jacques Villeneuve lui-même. Le camion ne s’est arrêté qu’une fois rendu au sommet à la grande satisfaction des amateurs présents. On dit que le chauffeur  ne voulut plus jamais rien savoir des radio amateurs et que jamais plus il ne s’est porté  volontaire pour de telles  expéditions

VE2TA est maintenant sous la responsabilité de  Sherham, le club de radio de Sherbrooke.  VE2TA était jusqu’à sa fermeture, l’un des répéteurs les plus importants du Québec. Ce répéteur faisait partie du patrimoine amateur et la décision de le fermer n’a pas été la décision la plus brillante de l’histoire de la radio amateur dans cette province.

Pour terminer ce bref historique de VE2TA, quelques mots d’André Deslandes, VE2AKX. C’est André qui avait installé le premier répéteur commercial sur le mont Rougemont à l’endroit même où est localisé maintenant VE2RXW.  Il avait construit une bâtisse en blocs de béton et l’électricité était fournie par une génératrice diesel. Même si l’accès à Rougemont ne représentait pas les mêmes difficultés que sur le mont Orford, ce fut quand même un travail de titan que d’y construire un abri et d’y installer des équipements de radio communication et de télé-chasseurs. La première tour à Rougemont était une DMX-48 dont les ancrages avaient été percées à même le roc.

VE2AKX a laissé à jamais sa marque sur le répéteur VE2TA. Grâce à son dévouement inlassable, à sa disponibilité et surtout à sa bonne humeur communicative, il a été un maillon important de la chaîne de radio amateurs dévoués qui a permis à ce répéteur de traverser le temps. Il a laissé dans le coeur de ceux qui ont eu la chance de le connaître, un souvenir impérissable. André, à cette époque, était secondé dans ses efforts par un autre amateur très impliqué du club de Granby, Jean-Guy Breton, VE2JB. Les efforts de Jean-Guy, bien que le plus souvent dans l’ombre, n’en étaient pas moins essentiels durant toute cette période.

Au  décès d’André, sa succession vendit à  Michel, VE2KYP, les installations du mont Rougemont et c’est grâce à lui maintenant si ce site est accessible aux radio amateurs. Les amateurs ont véritablement envahis la montagne de Rougemont. En plus des installations de VE2RXW, cette montagne abrite les répéteurs VE2RAW en VHF, VE2RAW en UHF, VE2RYM en UHF, VE2CSC en packet et son lien radio UHF avec Laval, VE2ROU, et depuis l’été dernier une station de repérage APRS, VE2AW-3, qui retransmet en signaux numériques la position   APRS des stations radio qui en font usage.

On a souvent cru que VE2TA avait été le premier répéteur à être installé au Québec, ce qui n’est pas le cas. Des répéteurs avaient été installés dans quelques villes dont VE2MT à Montréal, mis en service par Murray Epstein, VE2AUU, le frère de Seymour et qui était le répéteur plus ou moins officiel du MARC. L’émetteur de ce répéteur était installé au chalet du Mont-Royal et son récepteur installé quelques milles plus loin, dans la demeure de Corey Thompson, VE2IR. L’émetteur était relié au récepteur par une ligne téléphonique. D’où l’absence de toute désensibilisation. Une autre caractéristique intéressante de VE2MT c’est qu’il  était relié à VE2TA par un lien radio VHF dont l’indicatif était VE2ZO. On mettait ce lien en service en sifflant dans son microphone. La fréquence du sifflet n’avait pas d’importance. Quand on avait terminé, on sifflait de nouveau et le lien se refermait. Ce fut sans doute l’ancêtre préhistorique du touch-tone et probablement le premier liens inter-répéteur  amateur au Québec.

Le répéteur VE2RM était aussi en existence dans la région de Montréal, plus précisément sur le mont Rigaud, tandis qu’à Québec, les amateurs de la vieille capitale avaient installé VE2OM sur le mont Bélair.  Aux Trois-Rivières, Pierre Gélinas, VE2AGI,  avait installé VE2RTR sur le mont Carmel.  Le répéteur suivant à être mis en service fut VE2XW, maintenant RXW. La licence  a été émise au mois de mai 1968 et le répéteur a été mis en service le mois suivant, en juin 1968.  J’avais raconté, il y a quelques années, l’histoire de la mise en service de ce répéteur. J’y reviendrai à l’occasion d’un autre beau dimanche.

Quelque deux ans après la mise en service de VE2XW, j’avais installé VE2MT sur le mont Tremblant qui devint par la suite VE2RMT. La région au nord de Montréal à cette époque n’était pas très bien couverte par un système à grand rayonnement et je voyais dans l’installation d’un répéteur sur une montagne de 3000 pieds d’élévation une excellente opportunité de combler cette lacune. J’avais été assisté et encouragé dans cette entreprise par quelques amis, dont Gilles Tapp, VE2BTF, Roland Bourget, VE2BBG, Jean Lord, VE2PL et Jacques Roy, qui a bien mérité aujourd’hui de porter l’indicatif VE2MT car il était notre installateur de tours et d’antennes attitré. Jacques a du regretter souvent de se compter parmi mes amis. On l’avait baptisé Ti-singe, parce qu’il n’était heureux qu’au bout d’une tour. Et je lui ai fourni bien souvent l’occasion de mettre ses talents de singe en pratique et par le fait même de contribuer à son bonheur car il n’était heureux que grimpé dans une tour.  

A la même période, des expériences avaient été tentées à Laurel, dans les Laurentides,  pour mettre en service un répéteur sur les fréquences de 146.760. C’était VE2DN. Les tests préliminaires avaient pourtant été concluants avec Montréal mais une fois l’installation terminée, le rendement de ce répéteur s’est avéré si médiocre qu’il fut fermé après seulement quelques mois d’utilisation. 

Revenons à VE2RMT au Mont Tremblant. Il avait fallu presqu’un an de démarches pour obtenir de la Société Radio Canada les autorisations nécessaires à l’installation de ce répéteur dans leur site de transmission de télévision. Le loyer était de un dollar par année que j’ai acquitté religieusement jusqu’à l’année dernière. Je voulais simplement conserver ce privilège au Mont-Tremblant. Au cas ou... Mais comme je commence à me faire vieux, j’ai laissé tomber ce bail au Mont Tremblant. Je vais me contenter du mont Rougemont.

Un voyage au mont Tremblant n’était pas une sinécure. Il fallait tout d’abord aviser les autorités de Radio Canada de notre intention de s’y rendre, puis attendre qu’eux-même doivent y faire un voyage pour leurs propres besoins.  Nous avons eu la chance inouie d’avoir comme responsable un certain  monsieur Dubuc de Radio Canada qui aimait bien les amateurs. Plus souvent qu’autrement, il s’arrangeait pour trouver du travail à ses techniciens de façon à ne pas nous faire attendre trop longtemps.

La journée convenue, on sortait du lit à 5 heures du matin pour être au pied du mont Tremblant à 8 heures précise. Un technicien de Radio Canada nous y attendait, et si le terra-jet fonctionnait, il nous transportait tout là haut, 3000 pieds plus haut. Si le terra-jet refusait de fonctionner, comme c’était le cas une fois sur deux, il nous fallait transporter à pieds tout le matériel nécessaire à l’entretien du répéteur. C’était une marche de deux heures de montée hardue.  Par contre, la descente ne prenait qu’une heure. Le retour ne se faisait jamais avant 11 heures le soir.

Lors de notre premier voyage, alors que nous devions transporter en plus du répéteur dans son cabinet, les antennes, les tuyaux, le fil coaxial et l’outillage, nous avions échappé une cavité mal attachée sur le porte-bagages du terra-jet. Heureusement, les dommages avaient été minimes et la cavité avait quand même pu être installée.

Pour ceux qui n’ont pas connu ce qu’était un terra-jet, c’était un tout petit véhicule tout terrain fabriqué à Drummondville, ancêtre des Honda confortables qu’on trouve aujourd’hui. Quand je dis confortable, faut pas exagérer. Lors d’un de ces mémorables voyages, Jacques, VE2MT,  avait comme d’habitude travaillé très fort toute la journée grimpé à 180 pieds dans la tour de Radio Canada. Pour redescendre de la montagne, on lui avait assigné ce qu’on pensait être le meilleur siège du terra-jet, le porte bagage arrière. Comme il arrivait souvent, le moteur arrête au beau milieu de la descente. Pas de problème, on n’a qu’à se laisser descendre.

Après quelques minutes d’une descente endiablée ou l’ami Jacques flottait dans les airs tentant tant bien que mal de s’accrocher au véhicule, les freins commencèrent à donner des signes de fatigue et le terra-jet, lancé à toute allure sur les pentes de la montagne sans possibilité de contrôle était devenu un bolide fou, sautant de pierres en pierres.

Le technicien de Radio Canada, conducteur du véhicule, qui en avait déjà plein les mains à contrôler son bolide, ne se rendit pas compte qu’il avait perdu Jacques quelque part tout là haut, ainsi qu’une bonne partie du matériel que nous  avions arrimé au véhicule. Heureusement notre ami Jacques ainsi que l’outillage furent récupérés par le reste de l’équipe qui descendait à pieds et  cette folle aventure se termina sans autre dommage que quelques bleus au postérieur de Jacques suivis d’une marche forcée. Mais depuis le temps, nous commencions tous à y être habitués.

Une autre anecdote dont le souvenir est demeurée vivace dans la mémoire de ceux qui étaient des habitués du mont Tremblant.  Lors d’un de ces voyages, le regretté Fernand Gendron, VE2AXK, une des figures dominantes et colorée de l’UMS à ses débuts nous avait supplié de l’incorporer dans notre équipe lors de  l’une de nos excursions sur la montagne. Fernand avait apporté avec lui, en plus d’une quantité de nourriture impressionnante, tout son attirail de photographie pour immortaliser sur pellicule ce voyage assez particulier.

Ce matin là, le terra-jet refuse de démarrer et on dut, encore une fois  partir à pieds, bien entendu. Nous étions tous chargés comme des mulets, mais Fernand, à cause de son équipement de photographie et de son gros lunch était chargé un peu plus que les autres et transpirait toute l’eau de son corps. Nous devions nous arrêter à tout moment pour lui laisser reprendre son souffle, ce qui retardait d’autant notre arrivée au sommet et par le fait même les travaux que nous devions y effectuer ce jour là. Je dois dire que notre ami Fernand était un gros fumeur. Un très gros fumeur. Et que son souffle était plutôt court.  

Devant l’impatience de l’équipe grimpante qui commençait à se manifester par des grognements et des quolibets à l’endroit de notre pauvre Fernand qui semblait escalader un véritable calvaire, je suggérai aux amateurs de partager tous ensemble une partie de ses bagages.  Ce qui fut aussitôt accepté généreusement par l’équipe et permit à notre ami de terminer sa montée soulagé de son fardeau, mais traînant tout de même la patte enveloppé d’un nuage de fumée. Il avait l’air de la locomotive du mont Washington, chauffée au charbon, grimpant péniblement sa montagne interminable. Durant la dernière partie du parcours, Fernand ne cessait de répéter: Cârosse de cârosse, c’était son patois, c’est la dernière fois que vous m’emmenez ici vous autres. Vos cârosses de répéteurs, vous les installerez tout seul à l’avenir. Et pour lui tirer la pipe un peu plus, on lui répondait: Ben oui, ben oui, mon Fernand, un répéteur dans un salon c’est pas mal moins fatiguant, mais ça va pas mal moins loin qu’un répéteur sur une montagne.  De toute manière, on n’a pas l’intention de te ramener au mont Tremblant tant que t’arrêtera pas de fumer.  Ce qu’on lui en a fait voir  de toutes les couleurs à notre pauvre Fernand.

Il est vrai qu’il fallait être un peu cinglé pour oser installer un répéteur sur un site aussi inhospitalier, avec aussi peu de moyens. Tout comme les amateurs qui avaient installé VE2TA au sommet du mont Orford d’ailleurs. Après cinq ou six ans de voyages et de problèmes, et comme mon commerce de radio communication me demandait de plus en plus de temps, j’ai transféré mes privilèges au  site du mont Tremblant au Club Laval Laurentide.

En 1950, les lampes étaient partout et régnaient sur l’univers de l’électronique en roi et maître. Il y en avait de toutes les grosseurs et de tous les voltages. Un voltage était requis pour faire chauffer la cathode, un autre voltage devait être appliqué à la plaque, à la grille écran et parfois à d’autres éléments selon le type de lampe. Le voltage appliqué à la plaque pouvait s’échelonner entre 50 à plusieurs milliers de volts selon le travail que la lampe devait effectuer. Dans le cas des lampes de transmission, il fallait utiliser un énorme bloc d’alimentation, presque aussi volumineux que l’émetteur lui même. A notre époque ou les transistors et les circuits intégrés sont la norme et utilisent des courants et des voltages minimes, il est difficile d’établir une  comparaison avec les blocs d’alimentations utilisée en 1950 et ceux utilisés maintenant.

Comme exemple, un émetteur d’une centaine de watts utilisant la modulation d’amplitude devait posséder un bloc d’alimentation séparé pour l’émetteur et le modulateur. Si on additionne le poids des transformateurs de haut voltage, des bobines de filtrage (choke) et des transformateurs de filaments, on pouvait se retrouver avec une station qui pesait plusieurs centaines de livres.

Les bouteilles à feu, comme on les appelait parfois en ces temps reculés, possédaient quand même un certain charme. On n’a qu’à penser aux rectificatrices à vapeur de mercure qui s’illuminaient en bleu quand elles étaient mises sous tension et dont le bleu changeait d’intensité selon les charges de l’émetteur ou du modulateur. Un des avantages de ces bouteilles à feu c’était qu’elles dégageaient beaucoup de chaleur, rendant les froides soirées de nos hivers un peu plus confortables. Les lampes d’émission portaient des numéros tels 807, 813, 814, 815, 829, 4CX100 et ainsi de suite. D’ailleurs, la lampe 807 a donné naissance dans le jargon amateur, à une comparaison avec une bouteille de bière, alors que la 813, beaucoup plus grosse était jumelée à un liquide un peu plus alcoolisé  tel un scotch ou un gin.

En 1950, toutes les pharmacies étaient munies de vérificateurs de lampes. Ces vérificateurs permettaient aux consommateurs d’économiser sur le prix des visites à domicile des techniciens en télévision, et bien entendu, les radio amateurs ne furent pas les derniers à profiter de ce service gratuit.  Bien sûr, tout comme aujourd’hui Jean Coutu qui vend  à peu près de tout, les pharmacies vendaient aussi des lampes de radio.  Mais les amateurs qui utilisaient ces facilités ne pouvaient que vérifier les lampes de réception car les  lampes de transmission ne pouvaient pas être vérifiées sur la plupart de ces instruments.

Les constructions maison étaient très populaires dans les années 50. Les amateurs construisaient surtout leurs émetteurs, soit HF ou VHF, bien que la construction des émetteurs VHF était plus rare car on se contentait de modifier des équipement commerciaux. On construisait aussi  des blocs d’alimentation, des modulateurs, des convertisseurs et parfois des récepteurs pour ceux qui étaient un peu plus entreprenants. Tous ces équipements étaient construits à partir de pièces obtenues chez notre vendeur favori. A Montréal, qui ne se souvient pas de Payette Radio, de Canadian Electrical Supply, de Manis Radio, de Excel Radio et de quelques autres.

La maison Payette, certainement le magasin d’électronique le plus connu et le plus fréquenté par les amateurs avait pignon sur rue sur la rue Bleury, un peu au nord de la rue Craig. Au début des années 50, ils déménagèrent leurs pénates sur la rue St-Jacques, au 730, juste en face de ce qui est maintenant la tour de la bourse ou la Place Victoria. Payette  Radio était l’un des plus anciens magasin d’électronique de Montréal. Il avait ouvert ses portes en 1920 ou 1921 dans un tout petit local de la rue Ste Catherine avant de déménager sur la rue Bleury.

Les amateurs  avaient leurs coutumes et leurs habitudes chez Payette, et c’était par tradition le lieu de rassemblement par excellence des amateurs de la région de Montréal et peut-être aussi du Québec. Cette tradition était née en 1925 lors du salon de la radio, une exposition d’appareils électroniques avait  eut lieue dans les salons Orange et Prince-de-Galles de  l’hôtel Windsor. Parmi les nombreux exposants, se trouvait bien entendu le kiosque de Payette Radio, point de ralliement des amateurs. Ce salon avait été placé sous les auspices de l’ARRL et du MARC. 

Pop Payette, le propriétaire, était toujours très généreux quand venait le temps de participer aux activités des amateurs de l’époque. Cette générosité s’est maintenue jusqu’à la fermeture du magasin en 1981 qui avait changé de propriétaire deux ans auparavant.

Le premier catalogue de Payette avait été publié en 1923. Il ne comptait que six pages. On trouvait de tout dans ce magasin,   du transformateur Hammond aux condensateurs Centralab et aux résistances Ohmite. Payette était aussi dépositaire des principales marques de radio en vogue à cette époque, E.F. Johnson, Hallicrafter, Drake, National, Eimac, CDR, Hi-gain. Quand un amateur avait décidé de construire ses appareils, que de voyages devait-il effectuer chez Pop Payette. Quand j’étais jeune amateur, j’y allais à bicyclette à partir de Rosemont.

Construire son propre équipement devenait un défi en même temps qu’un objet de fierté. La première chose à faire quand on décidait de se mettre au travail c’était de décider quoi construire ou mieux, ce que nous avions les moyens de construire. Là était toute la différence. Les amateurs lisaient avidement les principales revues qui traitaient de la radio amateur. Ces revues étaient bien entendu toutes américaines. Il y avait QST, Ham Radio, CQ magasine, et dans les années 60 on vit apparaitre la revue 73 du controversé Wayne Greene, W1NSD, qui aimait se nommer en phonétique pas très internationales NEVER SAY DIE. Ces revues comportaient des articles de construction très intéressants et très bien documentés avec diagrammes, photos, liste de pièces. L’imagination du constructeur faisait le reste.

Une fois  la décision prise sur l’équipement à construire, il y avait la traditionnelle visite dans le junk box que tout bon amateur devait posséder dans un coin obscur de son schack, ou encore dans le junk box de ses amis.

Excusez les anglicismes, il n’y a pas de traduction adéquate pour qualifier cette boîte de pièces usagées dont on voit parfois apparaître le contenu dans les nombreux hamfest. Peut-être pourrions-nous l’appeler “boîte à cossins”.

Il est souvent arrivé qu’après avoir construit leur chef-d’oeuvre, les amateurs lors de leur premier essai les voyaient partir en fumée.  On appelait ce doux moment qui se faisait généralement loin des regards indiscrets,  l’opération boucane. Il n’est pas facile aujourd’hui de faire des opérations boucanes, les transistors et les circuits intégrés n’étant pas très “boucaneux” de nature. 

Trouver les bonnes pièces pouvait devenir un problème surtout si les fonds étaient un tant soit peu limités. La mecque des constructeurs maison de cette époque était le magasin de surplus de guerre qui, avec la fin de la 2e guerre mondiale avaient ouverts un peu partout. L’un de ceux-ci, était Eugène Hardy sur la rue Papineau coin Marie-Anne à Montréal. C’était un des plus importants serrurier de la ville et il avait flairé la bonne affaire en devenant le premier gros distributeur de surplus de guerre. On pouvait s’y procurer toutes sortes de pièces à des prix ridicules et en quantité illimitée. En 1949, ce fut mon premier emploi après la fin de mes études à l’Institut Teccart. C’est à cet endroit que j’avais connu André, VA2AF et son frère qui devaient devenir des confrères de travail à Radio Canada quelques années plus tard. Assis tous les trois sur des caisses de beurre dans le sous-sol du magasin, nous démontions tous ces équipements de télécommunication, radars et autres pour ensuite classer les pièces ainsi obtenues. Un peu comme le fait aujourd’hui notre ami Gille, VA2GM, avec les cossins qui proviennent du sous-sol de Clément, VE2BIA, à la seule différence que nous, nous étions payés pour faire ce travail. Un gros 18 dollars par semaine, assis sur des caisses de beurre de 8 heures le matin à 6 heures du soir. On avait les reins solides en ces années lointaines.

Certaines pièces pouvaient aussi se trouver dans les junk box de nos amis et confrères amateurs. A cette époque, du moins au Québec, il n’y avait pas de hamfest organisés comme aujourd’hui ni de marchés aux puces sur les ondes. En dernier recours, on faisait appel aux maisons spécialisées dans la vente par catalogue et enfin, à Payette Radio.  

Des amateurs bien connus ont travaillé chez Payette. Le regretté Adrien Plamondon, VE2AN, disparu hélas trop tôt, Roland Masse, VE2PX, que l’on peut parfois entendre sur HF, Lloyd Guénette, VE2KQ, le coloré et volubile amateur qui est maintenant domicilié à Cowansville,  et qu’on  avait parfois  le plaisir d’entendre raconter son époque. Son père avait été radio amateur sous l’indicatif de VE2YI à La Prairie.

Jacques Jourdenais, VE2BTN  a aussi travaillé chez Payette durant quelques années, juste avant leur faillite dans les années 80. Avant lui, Daniel Brouillard, VE2DSB, René Turcot, VE2ALV, Gus Gosselin, VE2AO et combien d’autres qu’il serait trop long d’énumérer ici y ont aussi travaillé.

Quand nous avions en main toutes les pièces nécessaires à notre projet, la construction pouvait alors débuter. Les chassis d’acier ou d’aluminium étaient utilisés et peu dispendieux. Les chassis d’aluminium coûtaient un peu plus cher mais ils étaient plus facile à travailler, ce qui les rendait très  populaires. Le chassis était tout d’abord recouvert d’un papier fort, genre papier d’emballage, de façon à marquer l’emplacement des différents composants tels les bases de lampes, les transformateurs, commutateurs et autres pièces. Il fallait un temps fou pour décider de l’emplacement des pièces, trouver le meilleur endroit où les placer afin de réaliser le montage le plus efficace et le plus beau possible tout en tenant compte d’une certaine symétrie dans l’apparence. Il fallait aussi que les fils qui reliaient ces pièces entre elles  soient le plus courts possible surtout dans le cas des émetteurs.

Un jour, je m’étais mis dans la tête de construire un amplificateur linéaire sur toutes les bandes en utilisant une lampe 813. C’était un projet qui avait été publié dans la revue QST et qui semblait relativement facile. J’avais presque terminé l’assemblage mais il me manquait un condensateur variable qui pouvait supporter quelque 2000 volts. J’en parlais occasionnellement lors de mes contacts sur les ondes sans plus.

Par un bel après midi d’été, quelqu’un frappe à la porte de mon atelier de réparation de radios rue De Fleurimont à Montréal. Le type se présente. Je suis Phil Rainville, auditeur SWL. Après les présentations d’usages, il se montre intéressé par ma station de radio amateur. C’était un vieux 19 de l’armée, vous pouvez vous imaginer! Je ne me fais pas prier pour lui fournir les explications qu’il n’arrêtait pas de me demander, et j’en mettait plus que le client en voulait sans aller cependant jusqu’à l’exagération. Plus je lui parlais, plus ses questions devenaient pointues à un point tel que je commençais à me demander à quelle sorte d’énergumène j’avais affaire.

Après une bonne demi-heure de ce manège ou j’avais voulu lui donner l’impression qu’il avait affaire à un amateur expérimenté, il partit d’un grand éclat de rire et, s’identifiant, il me dit qu’il était lui-même amateur depuis fort longtemps sous l’indicatif VE2NQ. Puis, il ajouta qu’il m’avait entendu demander sur les ondes un condensateur variable qu’il avait comme par hasard en sa possession chez lui. Il ne demeurait pas très loin de chez moi et partit subito presto chercher ce condensateur tant convoité. Il revint en effet une heure plus tard avec la pièce en question qu’il me vendit pour la somme de 10 dollars et il disparut de la même manière qu’il était venu.

Ce bonhomme était reconnu dans le milieu amateur comme un spécialiste des tours pendables et je m’étais fait prendre à son jeux comme un gamin. J’ai appris par la suite que je n’étais pas le seul à avoir goûté à sa médecine. En plus, le condensateur variable dont il s’était débarrassé avait probablement fait la guerre de 1914 car il était inutilisable.

Quand cet amplificateur  linéaire fut enfin complété, je n’eus même pas à le raccorder à un émetteur. Il partait en oscillation tout seul. Il transmettait très bien  sur toutes les bandes, mais sur toutes les bandes en même temps. Il fut démonté pour en récupérer les pièces.

En 1950, les circuits imprimés n’étaient pas encore inventés. Quand la décision  de l’emplacement de toutes les composantes était prise,  bien marqué sur le papier, et transposé sur le chassis, le perçage pouvait débuter. Les gros trous nécessaires au montage des bases de lampes présentaient un défi de taille, car il fallait terminer à la lime l’agrandissement de ces trous qu’on avait commencé avec une perceuse. C’est pourquoi les amateurs qui aimaient construire leurs appareils investissaient dans une collection de matrices ou punches de différents diamètres fabriqués par la compagnie Greenlee, ce qui rendait la tâche plus facile tout en faisant un travail plus propre.

Quand toutes les pièces étaient en place, alors commençait les soudures qui étaient faites avec des fers à souder American Beauty de 100 watts. Les fusils à souder de Weller n’avaient pas encore faits leur apparition sur le marché à cette époque.

Plusieurs amateurs encore de ce monde doivent certainement afficher dans leurs mains vieillies les stigmates que ces fers à souder y laissaient quand on les prenait distraitement par le mauvais bout. A l’école d’électronique que j’avais fréquenté, on faisait exprès de tourner le fer à l’envers, ce qui donnait pour résultat d’entendre parfois de retentissants jurons.

La fierté de son équipement était à cette époque une motivation  puissante et valait l’effort supplémentaire qu’il fallait apporter pour soigner le plus possible l’apparence de ces équipements fabriqués à la maison. Quel amateur aurait voulu se faire traiter de constructeur broche à foin par ses confrères qui venaient parfois visiter sa station car la visite des stations amateurs était en ces temps anciens un passe-temps des plus couru.

Plusieurs recherchaient dans la construction de leurs appareils une symétrie qui essayait par tous les moyens de se rapprocher de ce qui se faisait au niveau commercial. Il y avait des amateurs qui construisaient de façon vraiment professionnelle. Parmi mes souvenirs, j’ai celui de Pierre-Paul Thibault, VE2ADB, de Pierreville. Cet amateur était co-propriétaire d’une  industrie qui fabriquait des camions à incendie, Pierre Thibault Limitée. Pierre-Paul mettait les ressources de son atelier de mécanique dont il était le patron au service des constructions qu’il effectuait.

Ce qui était construit dans ses ateliers était aussi  beau et aussi bien fini que les appareils commerciaux les plus dispendieux. De plus, pour ajuster ses antennes, il faisait venir chez lui un camion à  échelles de pompier qu’il fabriquait aussi à son usine et bien confortablement assis tout en haut de l’échelle, il ajustait ses antennes.  Il va sans dire que le signal de cette station était très agréable à entendre.

Un autre amateur bien connu, Paul-Émile Caron, VE2BLT, était le propriétaire (et l’est toujours d’ailleurs), d’un chantier maritime sur la Rivière du Loup près de Louiseville. Il était, vous vous en doutez bien, équipé de grosse machinerie. Il s’était fabriqué une tour d’une centaine de pieds de hauteur qui supportait une antenne directionnelle pleine longueur sur la bande de 20 mètres. C’était une installation des plus impressionnante. Mais le plus spectaculaire de cette installation était le rotor pour faire tourner cet assemblage. Ce rotor un peu spécial, c’était la base d’une pelle mécanique alimentée par un moteur diesel qui faisait tourner la tour en même temps que l’antenne. C’était quelque chose à voir et à entendre.

Malgré tout, certains amateurs se fichaient éperdument de l’esthétique. J’ai vu de mes yeux des transmetteurs mobiles construits en plusieurs sections sur des planches de bois et occupant la totalité du coffre arrière de l’auto. Belle cause de divorce en perspective. J’en ai vu d’autres qui avaient découpé le tableau de bord de leur auto et installé toutes sortes d’équipements n’importe comment. Sans compter les expérimentateurs d’antennes mobiles dont l’auto ou le camion  réussissaient à ressembler plus à un porc épic qu’à une auto. En écoutant ces propos, vous comprendrez peut-être mieux l’aversion que certaines épouses ont développé envers la radio amateur. Un jour, j’ai vu un amateur qui avait accaparé la totalité du siège avant de son auto pour installer ses bébelles, alors que l’épouse devait se contenter de voyager sur le siège arrière.

N’allez surtout pas croire, en écoutant ces souvenirs du passé, que tous les amateurs de cette époque étaient des enfants de choeur. Loin de là! Mais les accrocs aux lois de la radio et au code d’éthique de la radio amateur n’étaient jamais malicieux, contrairement à ce que l’on peut constater aujourd’hui ou certains désaxés s’acharnent malicieusement sur la communauté amateur sans que l’on puisse en comprendre les motifs.

Durant les années 50, la communication sous toutes ses formes, y compris la radio fascinait presque tout le monde. D’entendre sa voix retransmise à distance par des ondes invisibles relevait pour plusieurs de la sorcellerie. Et de pouvoir converser librement avec ses amis, partout dans le monde à l’aide d’appareils de surplus acquis à peu de frais  devenait un loisir très recherché. Mais il y avait toujours la fameuse licence. De là à émettre quand même, il n’y avait qu’un tout petit pas qui était parfois vite franchi même si c’était illégal.

Certains “vieux” se souviennent-ils par hasard de Gérard Gaudet, VE2FD, qui avait installé un 19 sur le plancher de la camionnette de son employeur, (Frigon réfrigération), et qui passait le plus clair de ses temps libres à faire la chasse aux illégaux qu’on appelait des bootleggers. Ces illégaux  opéraient sur la fréquence 2.1 mhz, tout juste en dessous de la bande de 80 mètres. Gérard utilisait une antenne directionnelle fabriquée avec un “hula-hop”. Ses méthodes de recherche ne devaient pas être très efficaces car il n’en a jamais attrapé un seul. Ceux qui furent ainsi traqués par l’ami Gerry sont maintenant de vieux amateurs, que j’aurai le respect de ne pas identifier mais si vous écoutez attentivement certains répéteurs, certains d’entre eux  se plaisent  parfois à évoquer ces exploits.  Peu de radio amateurs de ce temps ont échappé aux enquêtes de Gérard car celui-ci, soupçonneux de nature, voyait des bootleggers partout.  

L’interférence à la télévision était un problème majeur dans les années 50. Il fallait installer ses équipements dans des cabinets d’acier dont la hauteur variait selon l’importance de la station. Pour un amateur issu de ces temps heureux, la seule vue de ces cabinets montés les uns à côté des autres représentait le summum de la beauté et de l’esthétique. Je peux vous en parler en toute connaissance de cause ayant moi même vécu ces moments lubriques de ma vie de radio amateur.

Les cabinets n’étaient jamais assez gros ni assez hauts. (Ni assez lourds évidemment). Plus il y avait de cadrans, plus on trouvait ça beau. Tous les paramètres possibles étaient placés sous surveillance. Courant de plaque, courant de grille, voltage de plaque, courant de plaque du modulateur et le l’étage final et j’en passe. Même le voltage de ligne était sous étroite surveillance au cas ou l’Hydro-Québec n’aurait pas été à la hauteur de la situation.

Une expérience qu’on aimait bien faire surtout si on possédait un mobile, c’était d’allumer un tube fluorescent en l’approchant de l’antenne alors que l’émetteur était en fonctionnement. Le soir surtout, le résultat était des plus spectaculaires. Si on voulait attirer une foule de curieux, on n’avait qu’à pratiquer ce tour de passe-passe et les gens croyaient vraiment qu’on était des magiciens. C’était une excellente façon d’attirer l’attention et de provoquer des attroupements. Essayez ce truc avec vos antennes de deux mètres. Ca fonctionne!

Une légende souvent entendue veut qu’un soir, ou plutôt une nuit, Georges Magnan, VE2AMG de regrettée mémoire, était allé vérifier ses antennes sur le toît de sa maison à Verdun. Il transportait avec lui un tube fluorescent qu’il avait planté dans son pyjama pour mieux escalader sa tour. Il semblerait que tout à coup, le tube se serait illuminé et Georges serait devenu presque transparent à la grande stupéfaction des badauds qui regardaient cet énergumène illuminé, le mot est juste, grimpé dans une tour à des heures ou le monde honnête est habituellement dans les bras de Morphée.

La construction de kits était devenu très populaire au début des années 60. Un des gros fournisseur de ces kits était la compagnie Heathkit. Il y avait aussi la compagnie Eico et les fameux transceiver Viking 2 de Johnson se vendaient aussi en pièces détachées. Quand vous achetiez un kit, tout arrivait en pièces détachées. Des montagnes de pièces. Les trous étaient percés aux bons endroits sur les chassis et les instructions de montage étaient des plus détaillées avec diagrammes, photos et instructions pas à pas. Ces kits réglaient le problème d’acquisition des pièces et le produit fini se comparait avantageusement aux équipements commerciaux, selon évidemment l’habileté de celui qui l’avait construit et de sa dextérité à manier un fer à souder.

La valeur de revente de ces kits était à l’avenant. Ces kits sont devenus aujourd’hui des objets de collection recherchés.

Certains amateurs des années 50 étaient de vrais mordus d’équipement de surplus.  La guerre avait pris fin une dizaine d’années plus tôt et l’équipement de surplus était abondant et varié. Qui ne se souvient pas des fameux 19, mark one, two and three. Pour une quarantaine de dollars on obtenait en plus du transceiver, un set de lampes de rechange, des antennes et un mât téléscopique de 40 pieds, un amplificateur de puissance utilisant  une 813 en final , les blocs d’alimentation de 24 et 110 volts et toute une panoplie de pièces de toutes sortes. Ces transceivers avaient été construits par Marconi du Canada, RCA Victor, Northern Electric. Ils étaient entièrement compatibles les uns avec les autres. Il y en avait même dont les indications étaient écrites en russe car la Russie était l’alliée des pays qui étaient en guerre contre l’Allemagne. Cet équipement couvrait les fréquences de 2 à 8 mhz et un petit segment dans la bande de 235 mhz qui délivrait quelques milliwatts était réservé pour les communications à très courtes distance. Entre 2 et 8 mhz, la puisance était de 40 watts en télégraphie  et de 5 watts en phonie. Cet attirail au complet devait bien peser dans les environs de 500 livres.

Beaucoup de radio amateurs de cette époque ont débuté leur carrière avec ces radios qui étaient indestructibles. Ils avaient été construits pour être parachuté d’un avion et ils avaient été traité pour séjourner au fond de la mer durant des siècles, donc à l’abri de l’humidité la plus écrasante.

Le récepteur de la section  235 mhz de cet appareil était du type super régénératif. Lorsqu’il était en réception il émettait aussi fort que lorsqu’il était en transmission. Mais durant la guerre, qui se souciait de ce détail?

Sur le marché du surplus de guerre on pouvait aussi se procurer des récepteurs et des transmetteurs fabriqués par la compagnie Bendiz aviation. Les TA-12. En plus d’être d’excellents transmetteurs et récepteurs, on obtenait en prime un radio-compas qui pouvait syntoniser la bande commerciale AM, de 600 kcs à 1.7 mhz, c’est à dire la bande de broadcast. Tous ces équipements étaient relativement faciles à convertir et la qualité de leurs  signaux était excellente.

Un autre équipement de surplus, fabriqué celui-là en Angleterre, portait le numéro 1155 et son compagnon  transmetteur, le 1154. Bizarrement construits mais très fonctionnels, l’émetteur affichait de gros boutons de syntonisation multicolore, chaque couleur représentant une bande de fréquences différente. Malheur aux militaires qui étaient daltoniens. En plus des équipements cités plus haut, il en existait  une multitude d’autres qu’il serait beaucoup trop long et fastidieux d’énumérer ici.

La modulation d’amplitude en ces années 50 était la norme. Le SSB ou bande latérale unique se pointait à l’horizon mais n’était pas encore devenu le mode de modulation à la mode.  Jusque là, la meilleure façon de moduler en amplitude une onde porteuse était la modulation de plaque avec un modulateur de classe B. Pour ceux qui ont grandi avec les transistors, ce terme ne veut peut-être pas dire grand chose, mais aux oreilles des vieux amateurs, c’est tout un monde de souvenirs qui refait surface à la seule mention de ces termes.

D’autres modes de modulation étaient aussi utilisés mais bien qu’ils ne soient pas aussi efficaces, ils avaient la qualité d’être beaucoup moins coûteux  comme par exemple le NBFM, ou fréquence modulée à bande passante étroite (3 kcs) ou encore la modulation de grille qui ne nécessitait pas un ampli audio très puissant.

Juste un exemple pour vous donner une idée des puissances qu’il fallait utiliser.  Un modulateur typique de classe B servant à moduler un émetteur de 100 watts devait délivrer une puissance de 50 watts. Quand vous écoutiez une telle modulation sur un récepteur de qualité, vous aviez l’impression d’écouter CBF. On disait alors de ces signaux qu’ils étaient du vrai broadcast. Ces émissions avaient aussi l’avantage de pouvoir être captées par des récepteurs très peux dispendieux.

Le grand désavantage, sinon le grand défaut de ce genre de modulation c’était la place énorme qu’un tel signal occupait sur la bande. En effet, comme la modulation d’amplitude générait sur l’onde porteuse deux bandes latérales de même amplitude de chaque côté de la fréquence centrale, chaque amateur occupait deux fois plus d’espace pour transmettre la même information. Mais quelle belle qualité de son quand même, comparée aux voix de canards que la modulation SSB nous fait entendre maintenant.  

La plupart des nouveaux amateurs à cette époque, tout comme aujourd’hui d’ailleurs, avaient une hâte bien compréhensible d’effectuer des transmissions en téléphonie sur les bandes HF et cette hâte devenait une puissante motivation pour passer les tests de la  licence supérieure. Mais, opérer en phonie sur HF demandait tout de même un minimum de puissance. C’est à ce moment que la compagnie Heathkit mit sur la marché son célèbre émetteur  DX-100 d’une puissance de 100 watts sur toutes les bandes avec VFO incorporé ainsi qu’un modulateur de classe B intégré. Et, fait non à dédaigner, le compte en banque ne risquait pas de tomber dans le rouge après en avoir fait l’acquisition. Le prix de cet appareil aux États Unis était de 180.00$. Le DX-100 est aujourd’hui un objet de collection. Ce kit fut le rêve de toute une génération de radio amateurs de cette époque.

Si les noms de Cheyenne, Mohawk, Comanche ne vous disent rien, ne chercher pas en direction d’Oka ou de Kahnawake, ça n’a rien à voir. C’était les noms que Heathkit avait donné à toute une gamme de ses radios. Ces kits étaient très beau à voir et intéressants à opérer. Énumérer ici tout ce que cette compagnie pouvait fournir aux radio amateurs serait beaucoup trop long et dépasserait le but de cette causerie. Nous allons donc nous arrêter ici, de toute façon, cette compagnie n’existe plus aujourd’hui.

Les conversation entendues sur les bandes HF dans les années 50 reflétaient la culture amateur de cette époque. Bien qu’il y ait eu parfois des amateurs un peu plus colorés que d’autres qui traitaient de sujets qui sortaient de l’ordinaire, la majorité des conversations étaient polies et réservées. Les conflits et les dissensions quand il en existaient étaient réglés hors des ondes. Les sujets tels la politique, la religion ou autres sujets disons...sensibles étaient rarement abordés. Les conversations amateurs avaient trait au travail, à l’équipement de la station, la température et autres sujets plus ou moins neutres. Comme beaucoup de radio amateurs construisaient leur propre équipement, les sujets d’ordre technique ne manquaient pas et étaient plus souvent qu’autrement à l’ordre du jour.

Les amateurs étaient conscients que beaucoup de personnes non amateurs pouvaient capter leurs émissions sur des récepteurs domestiques, raison de plus pour s’abstenir de tous propos qui auraient pu ternir un tant soit leur réputation. L’écoute des amateurs sur des appareils domestiques a encouragé plus d’un de ces auditeurs à joindre nos rangs, tout comme aujourd’hui, l’écoute des répéteurs à l’aide de balayeurs d’ondes qui a fait connaître la radio amateurs à une foule de gens.

Il y avait cependant des exceptions, car je ne suis pas en train de vous dire que tous les amateurs de cette époque étaient des anges. Un certain dimanche matin, un amateur qui avait la réputation de lever le coude parfois un peu trop haut avait mis en marche son émetteur d’une puissance de 1000 watts qu’il avait lui-même construit. Il avait cependant oublié d’allumer son cerveau, disparu dans les brumes éthyliques et notre homme  qui, ce matin là, avait essayé d’imiter  Yvon  Deschamps s’était mis à monologuer sur la bande de 80 mètres.

En plus de son habitude à lever le coude, il avait aussi la manie de se faire accompagner dans ses cuites par les saints du ciel les plus connus. Mal lui en prit ce jour là. On était à l’heure de la grand’messe à l’église d’en face et le signal de son kilowatts modulé en amplitude avait eu la malencontreuse idée de se faufiler jusque dans l’amplificateur du système de son de l’église. Quelle ne fut pas la surprise du curé quand il entendit son sermon sortir des haut-parleurs accompagnés d’un monologuiste qui utilisait à profusion les noms des mêmes personnages que lui même n’avait pas encore invoqués.

Je ne nommerai pas l’amateur en question, il est aujourd’hui parti à la rencontre de tous ces saints personnages qui accompagnaient ses cuites, mais je vous dirai, pour aider à la véracité de mon récit,  que l’église en question était l’église Saint-Pierre Claver située sur le Blvd St-Joseph coin De Lorimier.

Il y  eu aussi quelques autres cas ou l’éthique amateur en a pris pour son rhume. Ceux qui ont vécu ces aventures font maintenant partie de ce folklore amateur qu’on se plaît maintenant à évoquer et que parfois on ose appeler le bon vieux temps. La bouteille et le microphone, à cette époque tout comme aujourd’hui, n’ont jamais fait bon ménage. Heureusement que ces exceptions étaient plutôt rares, quand même.

Comme le dit le proverbe: l’esprit que l’on veut avoir fait souvent perdre celui que l’on a, mais quand cet esprit est en plus obscurci par les vapeurs de l’alcool, le résultat n’est jamais très intéressant. Ceci est valable pour toutes les époques.

Les opérations radio amateur des années 50 n’était pas toutes orientées vers la téléphonie sur les bandes HF. Le code morse était un moyen de communication répandu et à la mode et était pratiqué intensivement sur toutes les fréquences. Il y avait les fanatiques du code morse comme maintenant les fanatiques d’autres moyens de communication, tels le deux mètres, ou le packet.

Les fréquences au dessus de 50 mhz étaient considérées comme un territoire exotique et l’activité y était restreinte. Seuls, quelques expérimentateurs chevronnés s’y risquaient. La compagnie Hallicrafter avait même mis sur le marché des  récepteurs, le SX-71 et le SX-42, qui pouvaient recevoir, en plus des gammes de fréquences habituelles,   la bande de 6 mètre et la bande FM, entre 88 et 108 mhz qui commençait à devenir de plus en plus populaire  à ce moment. Ces deux récepteurs ont fait rêver plus d’un amateur de ce temps mais ils coûtaient si cher pour l’époque que peu d’amateurs pouvaient se les procurer.

Il y avait aussi les mordus du RTTY. Le radio-télétype. Les appareils RTTY étaient des mastodontes pesants et bruyants. Les vitesses de fonctionnement variaient de 60 à 100 mots à la minute. Ces mécaniques impressionnantes pouvaient être obtenues pour une bouchée de pain de Bell Canada ou de CN-CP communication. Les adeptes de ce mode se souviennent avec nostalgie des modèles 14, 19 ou 28 construits par les compagnies Siemen ou Western Electric. Quand un  amateur pouvait mettre la main sur  un modèle 28, il possédait alors ce qui se faisait de mieux en fait d’équipement de télétype. Ces appareils faisaient un tapage d’enfer. Il fallait les enfermer dans une boîte insonorisée si on ne voulait pas faire face à une demande en divorce ou à des coups de balais dans le plafond ou le plancher selon que vous résidiez au premier ou au deuxième étage. Ces appareils étaient de plus très lourds et plutôt encombrants. Mais pour les passionnés de mécanique, ces machines étaient une pure merveille à regarder fonctionner. L’arrivée des ordinateurs et du packet les a fait disparaître, car on pouvait désormais grâce aux TNC,  transmettre et reçevoir en RTTY sans aucun bruit.

Ces machines étaient munies bien entendu d’un clavier mais pouvaient aussi fonctionner à l’aide d’un ruban perforé. Certains amateurs avaient mis sur ces rubans de magnifiques images qui étaient reproduites à l’aide de X et de Z sur une feuille de papier. Lors de son édition de décembre 1976, le Journal de l’UMS affichait en page frontispice le dessin d’une petite bonne femme portant une chandelle en face d’un sapin de Noël. Cette image avait été reçue d’un amateur américain sur HF par Jean Larose, VE2DVC,  et avait été retransmise sur la bande de deux mètres.

Je ne serais pas censé vous raconter ce qui va suivre mais je ne peux résister à la tentation. Une des caractéristiques de ces télétypes, entre autre, était que l’on pouvait les laisser en attente sur une fréquence donnée quand nous étions absents de la maison. Un jour, notre ami Gerry, VE2AW avait laissé son modèle 28 en attente de messages possibles en son absence. Il avait confié la chose à quelques amis qu’il croyait sûrs. A son retour, Gerry avait eu la surprise de sa vie. Tout le rouleau de beau et dispendieux papier de télétype avait été utilisé à recevoir des hiéroglyphes et autres chinoiseries du genre au grand désespoir de Pauline, son épouse, qui regardait impuissante, sortir de la machine ce ruban de papier qui semblait sans fin. Plutôt que les messages escomptés, vous auriez du voir la montagne de papier qui attendait l’ami Gerry à son retour du bureau. Tout le rouleau de papier avait été déroulé par terre, grâce à ses amis qui avaient télécommandés l’opération.

La popularité des opérations mobiles VHF était également surprenante considérant que les équipements de cette époque n’avaient pas encore atteints les dimensions miniatures que l’on retrouve maintenant. Par contre, les automobiles étaient plus spacieuses et les mobiles de ce temps pouvaient y trouver leur place, quitte à sacrifier un peu l’espace réservé aux jambes de l’épouse ou de la petite amie.

Un des principaux problèmes relié aux mobiles des années 50 était  leur énorme consommation de puissance. Surtout que les autos de 1950 utilisaient encore des accumulateurs de 6 volts. Ces petites bouteilles à feu qu’on appelait des lampes consommaient beaucoup d’énergie, en comparaison des transistors d’aujourd’hui. Il fallait un voltage pour alimenter leurs filaments qu’on appelait le voltage A et un autre voltage pour la plaque et autres éléments internes tel la grille écran alimentés par un voltage qu’on appelait  B+ et qui était de l’ordre de 100 à 500 volts, et parfois, un troisième voltage, C, généralement négatif pour le “bias”, qui servait à polariser la grille de contrôle.

Une des sources de pouvoir utilisée pour le B+ était le dynamotor, un petit moteur qui entraînait un générateur de voltage monté sur le même axe et qui fournissait le haut voltage ou B+ nécessaire aux lampes.  Ces dynamotors étaient populaires parce qu’ils étaient disponibles  sur le marché de surplus à des prix raisonnables et qu’ils  pouvaient fournir à peu près tous les voltages possibles. Par contre, ils faisaient un bruit d’enfer et imposaient à l’accumulateur de l’auto une surcharge dont il n’était pas toujours capable. Un dynamotor demandait à la batterie de l’auto un courant de quelques centaines d’ampères à l’instant du démarrage, courant qui se stabilisait ensuite autour de 30 à 40 ampères selon la puissance de l’émetteur. Les câbles qui devaient alimenter ces goinfres d’énergie devaient être au minimum de calibre 4 ou 6 selon leur longueur.

Vers cette époque, la  compagnie Leece-Neville avait développé un système pour remplacer les générateurs dans les taxis et les autos de police. C’était un alternateur qui donnait sa pleine mesure de 60 ampères à très basse révolutions du moteur. Le bloc rectificateur en sélénium était indépendant de l’alternateur,  contrairement aux alternateurs d’aujourd’hui dont les rectificateurs sont partie intégrante de l’alternateur lui même. Les amateurs qui avaient la chance de se procurer un tel alternateur se comptaient bien chanceux. Mais, quels travaux d’adaptation mécanique devaient-ils effectuer sur leur auto  avant de voir le premier volt sortir de ces mini centrales électriques.

Les dynamotors sont disparus vers la fin des années 60 à l’exception de ceux qui fonctionnaient dans les  mobiles VHF de surplus qui continuèrent à les utiliser jusqu’à l’arrivée des transistors et l’apparition des premiers transceivers  japonais au début des années 70.

Le premier mobile japonais dont j’ai eu connaissance fut le Yaesu FT-2F. C’était un appareil de 10 watts à 12 canaux. Une pure  merveille! Il se vendait aux environs de 200.00$ mais quand on avait rempli les 12 canaux de cristaux  (24 cristaux à 4 dollars chacun), le prix total  dépassait vite les trois cents dollars.  Par la suite, d’autres compagnies emboîtèrent le pas et on vit lentement disparaître les vieux mobiles à lampes à une seule fréquence qui cédèrent doucement leur place à des équipements beaucoup plus petits comportant beaucoup plus de fréquences et surtout beaucoup moins énergivores. Plusieurs de ces compagnies sont maintenant disparues ou ont été fusionnées  à d’autres.  

Les années 70-80 virent peu à peu disparaître les kits. Les amateurs se tournaient de plus en plus vers les appareils commerciaux. La modulation à bande latérale unique (SSB) qui s’était implantée vers la fin des années 50 avait finalement remplacé de façon définitive la modulation d’amplitude bien qu’on pouvait parfois en entendre encore sur certaines bandes. Ici au Québec, il y avait un noyau d’irréductibles adeptes de ce mode de modulation dont, entre autre,  Victor Morin, VE2AIS, qui s’était fait l’ardent défenseur du AM. Ces amateurs ne voulaient rien savoir du SSB et donnaient  comme raison que ce mode occupait beaucoup trop d’espace sur les bandes causant par le fait même des interférences épouvantables. Il faut ajouter ici à la défense de ce mode de modulation que les récepteurs de l’époque n’avaient pas été conçus en fonction d’une bande passante aussi étroite, d’où cette  perception que le SSB prenait trop de place.

C’est aussi vers la fin des années 70 ou au début des années 80 qu’un des nôtres, Normand Bourgoin, VE2BNR, aujourd’hui décédé découvrit en lui des talents cachés d’écrivain et de vulgarisateur doublé d’un excellent technicien. Il publia chez Beauchemin un livre destiné aux radio amateurs. Ce livre par ailleurs très bien fait et très bien documenté s’intitulait justement “Électronique d’amateur” et  fut vendu à plusieurs centaines d’exemplaires. Cette publication était la suite logique de l’implication de Normand dans la fondation d’un club de radio amateurs à Longueuil et des cours qu’il y avait dispensés durant de nombreuses années. Ce fait est peut-être  méconnu mais Normand fut  responsable à cette époque de la venue  d’une multitude de nouveaux amateurs sur la rive sud de Montréal.

Jusque là, les émetteurs et les récepteurs étaient des appareils séparés, mais lentement les transceivers firent leur apparition. La cadillac des radios des années 50 était bien entendu le Collins. Un amateur qui possédait un Collins était considéré comme un amateur en moyens car son  prix dépassait les milliers de dollars. Les plus vieux se souviendront sans doute des KWM-1, KWM-2, la série des  récepteurs 51-J-1-2-3 et 4, qu’on pouvait se procurer sur les surplus de l’armée sous les numéros R-388, R-390. Ces appareils supportaient  facilement la renommé attachée à leur nom. De plus, une des caractéristiques importante des équipements que cette compagnie construisait était leur stabilité de fréquence. Une fois syntonisés sur une fréquence, rien ne les faisait bouger. C’était des équipements de très grande qualité qui sont encore aujourd’hui très recherchés par les collectionneurs.

Avant la fondation du club VE2DN à Montréal, le premier club de radio  en Amérique avait vu le jour à Trois-Rivières.  Il fut fondé par Arthur Kemp, VE2EK en 1923 au 20 rue La Violette.

Au milieu des années 50, un personnage célèbre avait fait une entrée remarquée dans le monde de la radio amateur. Il s’agissait de Michel Normandin, le très connu et coloré commentateur de la soirée du hockey, de la lutte au forum et de l’heure des quilles du dimanche après midi à la télévision de Radio Canada. A cette époque, j’étais employé de Radio Canada affecté en permanence aux cars de reportages qu’on appelait des unités mobiles  que je suivais partout. A chaque semaine, nous allions nous installer dans la ruelle en arrière de la salle de quille Leader rue Ste Catherine près de la rue  Guy et je stationnais mon auto tout juste derrière l’unité mobile de Radio Canada, ce qui me permettait, une fois mon travail terminé en attendant l’heure de la mise en onde, de faire quelques contacts en HF soit sur 20 mètres ou 80 mètres  confortablement installé dans mon auto.

Un jour, le réalisateur de l’émission fit demander Michel pour discuter d’un sujet quelconque.  Celui-ci descendit dans la ruelle par l’échelle de sauvetage par  laquelle on accédait à la salle de quilles. En  passant près de mon auto, il me voit parler au microphone. Michel étant un as du micro, et curieux comme il était, il s’installe à mes côtés pour  savoir à qui je pouvais bien parler directement de mon auto, oubliant complètement la raison de sa descente dans la ruelle. Ayant encore en mémoire mon aventure avec Phil Rainville, et sachant que j’avais  affaire, cette fois-ci,  à un professionnel de la communication, je lui avais expliqué du mieux que je pouvais certaines facettes de ce hobby passionnant. Michel se montrait de plus en plus intéressé, et nous étions tous les deux partis pour la gloire, lui avec ses questions et moi avec mes démonstrations,  et mes contacts radio quand le réalisateur qui trouvait que Michel prenait bien du temps à descendre se montra le nez dans la porte arrière de l’unité mobile, ce qui mit fin à la démonstration. Par la suite, tous les dimanches, dès qu’il le pouvait, il ne manquait jamais l’occasion de descendre écouter les conversations que je faisais de mon automobile tout en se renseignant d’avantage sur ce hobby qui semblait le fasciner de plus en plus. Quelques mois plus tard, il passait ses premiers examens et obtenait son certificat de base avec l’indicatif VE2AHZ qu’il devait remplacer plus tard par VE2VR.

Bien que grande vedette du monde du sport aussi bien à la radio qu’à la télévision et représentant officiel de la brasserie Dow, Michel était un bon vivant d’un caractère affable et d’une très grande simplicité. Il devint membre de VE2DN et introduisit beaucoup de piquant au club, peut être  à cause de son statut de vedette et de son affiliation avec le monde du spectacle mais surtout à cause de son caractère enjoué  et de sa simplicité. Mais par dessus tout, à cause de l’intense plaisir qu’on voyait dans ses yeux quand il était en compagnie de radio amateurs.

Si bien que lors d’un de nos Bar-B-Q annuel que j’avais organisé  dans une salle  qui devait devenir plus tard le premier  poste de police de ville d’Anjou blvd Métropolitain, on lui avait confié la tâche de réserver l’orchestre. Jusque là, la musique des party d’amateurs étaient fournie  par de bons vieux phonographes et les disques que les amateurs apportaient de leur domiciles. Il faut avouer ici que les amateurs n’avaient pas la réputation d’être de très bons danseurs, au grand désespoir de ces dames  qui ne parvenaient pas à faire danser leurs époux  et qui devaient se contenter de faire tapisserie pendant que leurs hommes placotaient de radio. Est-ce que par hasard, quelques uns parmi vous se reconnaissent? Ne répondez surtout pas! Revenons à notre ami Michel Normandin.

Comme les contacts de Michel dans le milieu professionnel de la radio-télévision étaient bien connus, il avait engagé des musiciens tous aussi professionnels, au nombre de cinq qui étaient venus jouer pour nous. Aucun club de radio n’avait  jamais eu un aussi bon orchestre mais à la fin de la soirée, quand vint le temps de payer la note, quelle ne fut pas ma surprise de constater que chaque musicien nous coûtait 150.00 dollars. Multiplié par cinq, ça faisait un total de 750.00 dollars payés au tarif de la guilde des musiciens de Montréal. Heureusement que la TPS n’existait pas à ce moment.

VE2DN ni le comité organisateur n’avaient prévu cette somme au budget car nous pensions tous que les contacts de Michel seraient suffisants pour nous assurer d’un excellent orchestre à prix réduit sinon à prix gratuit. Et notre ami  Michel n’eut d’autre choix que de payer de sa poche les employés qu’il avait engagés. On lui a longtemps rappelé, pour l’agacer un peu,  sa générosité peut-être un peu forcée mais il avait pris la chose avec l’humour qui le caractérisait.

Une autre anecdote concernant notre vedette nationale. L’inspecteur de la radio qui avait fait passer les examens à Michel, Charlie Carrier, VE2OO, s’était lié d’amitié avec ce généreux bonhomme. Quand celui-ci avait obtenu sa licence, et comme les ressources financières ne semblaient pas trop lui manquer, il avait acheté sa station de radio au complet, tour, antennes, beam et  microphone inclus. Et notre ami pratiquait sa télégraphie de plus belle. Il en faisait même pitié car Michel n’aimait pas particulièrement le code  morse, lui qui jasait depuis fort longtemps  dans tous les micros du Québec à titre de communicateur professionnel.

Un de ces soirs ou Charlie était allé lui rendre visite à son domicile, celui-ci lui fit les honneurs du propriétaire et lui fit visiter comme on s’en doute un peu tous les recoins de sa station nouvellement installée. Charlie commença à manipuler les boutons du récepteur, un beau National tout neuf. A un moment donné, il entendit un amateur local qu’il devait certainement connaître et qui appelait CQ sur la bande de 80 mètres. Notre inspecteur, n’écoutant que ses instincts de vieil opérateur prit le micro de notre ami Michel et répondit à la station en question en utilisant l’indicatif VE2AHZ. A titre d’inspecteur, il aurait mieux valu qu’il consultasse son CR-25 (même s’il n’existait pas à ce moment), car la station qu’il opérait n’ayant pas encore les pleins privilèges, même un inspecteur de la radio  n’avait pas le droit de l’opérer en phonie.

Vous auriez du entendre la tempête que cet incident avait déclenché. On chuchotait dans les chaumières que bien entendu, parce que c’était Michel Normandin, parce qu’il était un ami de l’inspecteur et surtout parce qu’il était une grosse vedette, les règlements n’étaient pas faits pour lui, et patati et patata.  La vedette d’hier était devenue en l’espace d’une seule petite conversation  le paria des ondes et le chou-chou de l’inspecteur.

Michel n’en fit pas un drame et cette incartade bien involontaire aux règlements fut vite oubliée mais il appert que notre inspecteur n’est jamais retourné visiter Michel. De toute façon, un an plus tard, notre ami devenait l’heureux détenteur de son certificat supérieur et on ne sut jamais ce qu’il était advenu de sa clé de télégraphie. Une autre chose qu’on a jamais su. Est-ce que Charlie s’était envoyé à lui-même un avis d’infraction quand il était  revenu à son bureau?

Michel Normandin, VE2VR, est décédé subitement à l’âge de 50 ans dans la même semaine que l’assassinat du président Kennedy. Ce fut une perte lourdement ressentie par les amateurs locaux, car en très peu de temps, il avait su se faire une multitude d’amis sur les ondes amateurs et il était devenu un actif  important du club et de la grande communauté amateur du Québec.

Revenons à VE2DN. Durant les années 50, le club avait réussit  à survivre à la concurrence de la télévision qui avait fait son apparition  en septembre 1952, et cette survivance avait durée jusqu’au début des années 60.  En juin 1961, le gouvernement provincial à qui appartenait l’édifice de la rue Laurier avisait le club qu’il ne pouvait plus tenir ses assemblées à cet endroit. Le club dut se trouver un autre local.

Le lundi, 23 octobre 1961, une assemblée fut tenue dans un nouveau local le manoir Laurier, au 1258 Bélanger est. Il y eut des élections et Yvon Dionne, VE2ARS y fut élu président. Ce fut la dernière assemblée officielle de ce club. Par la suite, durant quelques mois, certains  amateurs se rendaient à cet endroit, un peu par habitude mais on sentait bien que le coeur n’y était plus car à la fin, nous n’étions plus que quatre ou cinq à nous rencontrer au manoir Laurier, prendre un café ou une liqueur douce tout en placotant. Ce fut la fin, toute en douceur, de ce club pompeusement baptisé “Le Cercle des amateurs canadiens français de TSF et vidéo”. La télévision n’était peut-être pas étrangère à cette fin, et  le désintéressement de ses membres avait fait le reste.  

Pour montrer à quel point les époques se ressemblent parfois, j’ai trouvé un court message dans une des  revues 73 de ce club qui va vous rappeler quelques souvenirs en même temps que démontrer que toutes les époques se ressemblent. Cet article avait été écrit en novembre 1954. Je n’ai rien ajouté ni retranché. Je vous le lis tel qu’il a été écrit par le responsable  de la revue 73.

“MESSAGE SPÉCIAL: De la façon dont les amateurs réagissent, l’intérêt de leur journal ne semble les préoccuper guerre. Depuis l’édition de la première revue 73 il semble qu’aucun d’entre vous ne veut collaborer. Personne ne nous fait part de ses activités ou de ses exploits.

Ce n’est qu’avec votre collaboration que nous pourrons réussir. Nous lançons donc un appel spécial à tout amateur intéressé à l’acheminement de leur journal vers des horizons plus prometteurs. Nous sommes sur que tous répondront à cet appel de désespoir et que chacun voudra bien collaborer.

La direction se réserve cependant le droit de changer ou corriger tout article lui provenant et la publication en est laissée à son entière discrétion. Nous remercion donc à l’avance et attendons patiemment ces articles. C’était signé VE2AVR.

Comme on peut le constater, rien n’a changé sous le soleil.

Le 23 mars 1926, le Radio Club de Québec était incorporé par son président fondateur, Alexandre Larivière, VE2AB. Ce club toujours très vivant est toujours en activité après plus de 73 ans d’existence.

Quelque temps après  la fin de VE2DN, plus précisément en décembre 1968, un groupe de jeunes amateurs avait formé Le Club des jeunes opérateurs. Le CJO. Deux conditions étaient requises pour faire partie de ce club. La première, être amateur ou SWL intéressé à la radio amateur et la deuxième, être âgé d’au plus 27 ans. La cotisation était de deux dollars par année. Ce club publiait six fois par année un journal qui s’appelait VE2JC appelle. L’exécutif de ce club était formé de Jean Achim, VE2ATL, président, Gilles Pagé, VE2ABE, 1er vice-président, Stanley Frizzle, VE2AOI, 2e vice-président, Jean-Guy Dussault, VE2BVC, secrétaire, Gaston Théberge, VE2ACD, trésorier. Le représentant des SWL était Guy Gaudet. Tous les samedis après midi, un cours de code était donné par VE2ABE et VE2AWR.

Le rapport financier de l’année 1959-1960, la première année d’opération du CJO, se lisait comme suit: Contributions et dons: 89.28$; Dépenses: Journal, 80.03$, licence, 5.00$, ARRL, 4.25$. Total des dépenses: 89.28$, en caisse: 69.15$. Ces chiffres vous-font-ils sourire, quand on sait ce que coûte aujourd’hui le maintien de la moindre organisation.

J’ai retrouvé dans la liste des membres du CJO à titre d’ étudiant, notre ami Jean-Guy De Gagné, VE2DHA qui fut un des premiers utilisateurs de VE2XW à ses débuts. Jean-Guy possédait à ce moment un véhicule 4 X 4 et il a effectués de nombreux voyages sur le mont St-Bruno. Il est toujours actif aujourd’hui.Il y avait aussi parmi les membres du CJO qu’on peut retrouver aujourd’hui, André Hould, VE2BAA, Roger Casavant, VE2BBR, Marien Desrosiers, VE2EA qu’on peut entendre sur HF du fond de la Gaspésie où il demeure maintenant, Michel Boisvert, VE2UU, Camille Roch, VE2SO anciennement VE2BDU qui réside maintenant au Saguenay et qui encore aujourd’hui est un des amateurs les plus actifs sur la bande de 80 mètres, Jean-Claude Vachon, VE2JC qui fut probablement le dernier président du CJO et nombre d’autres dont on a perdu la trace. Si par hasard il y a des amateurs de cette époque qui assistent présentement à ce réseau ou qui lisent cet article, ils voudront bien se manifester lors du forum qui suivra tout à l’heure.

Un amateur à ne pas oublier et qui fut l’un des fondateurs du CJO est Gerry, VE2AW qui encore aujourd’hui est un amateur des plus actifs et très impliqué dans la communauté. Je souligne en passant que notre regretté Adrien Plamondon, VE2AN, avait été nommé membre honoraire du CJO pour services rendus. Adrien a travaillé de nombreuses années chez Payette, et peu d’ancien amateurs ne l’ont pas connu.

Les activités du CJO n’ont pas duré très longtemps. Un de ses principaux animateurs, Gilles Pagé, VE2ABE, qui était devenu entre temps VE2PY, est décédé tragiquement aux chutes Darwin à Rawdon dans les années 60 en faisant de la photographie. Il était employé de Radio Canada télévision à son décès. Ce club de jeunes avait quand même été une pépinière très efficace de nombreux   amateurs et on retrouve encore en onde 30 ans plus tard, un bon nombre de ceux qui y avaient été formés.

Concurremment au CJO, vers la fin des années 60, un autre club de radio s’était formé, celui-ci parmi les employés de Radio Canada au Québec. En juin 1961, un relevé des amateurs Radio Canadiens avait donné comme résultat le nombre assez impressionnant de 54 amateurs au Québec seulement. A la grandeur du pays, les amateurs étaient au nombre de 145, tous employés permanents de Radio Canada répartis dans les différentes provinces et territoires du pays. Le Québec était la province qui comptait le plus grand nombres de radio amateurs parmi ses employés.

Quelques mots maintenant de notre association provinciale. RAQI fut fondée en 1950 par un groupe de radio amateurs de Québec, au nombre desquels était Gérard Vaillancourt, VE2VD, de Québec, J. Albéric Marquis, VE2JAM, de Montmagny, Lionel Groleau, VE2LG, fonctionnaire au parlement de Québec, le docteur J.E. Mignault, VE2ZL, aussi de Québec, Jean Fortier, VE2AV, de Montréal, Eugène Lajoie, VE2RA, employé de Radio Canada à Ottawa et demeurant à Hull.  VE2VH, Fernand Lanouette et VE2ZZ, Georges Desrochers faisaient aussi partie du groupe.  Les bases de l’association furent discutées lors d’un pique-nique à Cap Santé en août 1949. Le comité organisateur était composé de VE2RA, VE2VD, VE2VH, et VE2ZZ  qui était inspecteur de Communication Canada à Montréal.  

Lors d’une réunion subséquente à Chicoutimi le 23 juillet 1950, un groupe de travail avait été formé sous la présidence de Gérard Vaillancourt, VE2VD, pour faire une demande d’incorporation au nom de Radio Amateurs du Québec Incorporé. Ce groupe de travail était composé en plus de Gérard Vaillancourt, de VE2RA, Eugène Lajoie, VE2ALV, Lionel Groleau, qui devint plus tard VE2LG, le docteur Mignault, VE2ZL,  Albéric Marquis, VE2JAM, Fernand Lanouette, VE2VH et Georges Desrochers, VE2ZZ.

Les lettres patentes furent émises le 24 avril 1951 et le comité suivant fut formé parmi les 18 administrateurs élus: Président, VE2VD, Vice-président, VE2RA, secrétaire, Stella Bélanger, VE2AOB, Directeurs: Lionel Groleau, VE2LG,  Doc Mignault, VE2ZL et Alex Reid, VE2BE qui représentait l’élément anglais de l’association.

Les directeurs des régions étaient: Abitibi, Marcel Phaneuf, VE2RB; Chicoutimi, Pierre Joron, VE2DV; Gaspésie, Georges-Henri Emond, VE2NE; Hull, Bob Lajoie, VE2ADW; Iberville, Gabriel Demers, VE2AHK; Montréal, Jean Fortier, VE2AV et Georges Desrochers, VE2ZZ; Québec, Albert Duberger, VE2HB et Marcel Vidal, VE2OE; Sherbrooke, Pierre-Paul Thibault, VE2ADB, et enfin de Trois-Rivières, Ernest Doyon, VE2JZ.

La première assemblée générale de la nouvelle association fut fixée à Cap-Santé le 12 août 1951. Lors de cette première assemblée du bureau de direction, un vote avait été tenu sur une  résolution de remerciement à l’Honorable Onésime Gagnon, alors lieutenant-gouverneur pour l’obtention du privilège des plaques d’automobiles aux membres. Comme on peut le constater, l’association n’avait pas attendu ses lettres de noblesse pour demander au gouvernement d’autoriser l’émission de plaques VE2 aux membres. Le lobby de nos amis fonctionnaires amateurs avait été des plus efficaces, car si on s’en souvient, Maurice Duplessis était au pouvoir et contrôlait la province avec une main de fer.

Au début, il était obligatoire d’être membre de RAQI pour obtenir ses plaques VE2 et il fallait débourser la somme de 2.50$ en surplus de sa cotisation pour obtenir ce privilège. L’obligation d’être membre de RAQI fut abolie lors de la refonte de la loi sur les véhicules automobiles, mais RAQI demeura tout de même l’organisation mandatée par les autorités pour la distribution des plaques VE2.

A deux reprises, la Société d’assurance automobile du Québec tenta d’abolir le privilège des plaques VE2 aux amateurs mais à chaque fois, les représentations de RAQI firent tourner le vent en notre faveur. Je suis bien placé pour vous en parler car la première fois, en 1973, j’étais président de RAQI et je dus aller à Québec rencontrer Ghislain Laflamme pour débattre de ce cas. Grâce à l’aide encore une fois de nos amis fonctionnaires amateurs, tels VE2LG, VE2OU, et d’autres, et à l’appui inconditionnel des amateurs du Québec, les autorités renversèrent leur décision et les amateurs purent conserver leurs plaques, ce précieux symbole de leur identité, sur leurs automobiles.

La dernière fois que ce sujet revint sur le tapis, au milieu des années 80, RAQI mobilisa de nouveau ses effectifs pour une fois de plus défendre ce privilège.   Mais rien n’est coulé dans le béton. Demeurons vigilants et surtout, ne laissons pas notre association provinciale disparaître, faute de membres. Ce ne sont pas les seules fois ou RAQI s’est porté à la défenses des Radio amateurs, et il y aura encore beaucoup d’occasions ou la force de la solidarité viendra à la défenses des amateurs.  

A ses débuts, RAQI se voulait une organisation sans buts lucratifs, financée entièrement par ses membres. Ce n’est qu’après 1975 que notre association reçut du gouvernement, par l’intermédiaire de la Fédération des Loisirs du Québec, des subventions annuelles de fonctionnement qui durèrent jusqu’à tout récemment. C’est aussi à compter de ce moment qu’une permanence fut assurée au secrétariat par une directrice générale, Gisèle-Floch Rousselle, assistée d’une secrétaire. Jusque là, le secrétariat logeait  dans la demeure des différents secrétaires nommés par le conseil d’administration.

Il y aurait tant à dire sur cette association qu’il faudrait une émission spéciale entièrement consacrée à ce sujet. Ceux qui ont eu la chance d’assister aux piques-niques et conventions qui étaient organisés dans une ville hôte différente à chaque année s’en souviendront longtemps. Dans les années 60, assister à la convention annuelle de RAQI ne coûtait pas une fortune et c’était l’événement radio amateur de l’année. Mais avec l’augmentation du coût de la vie, ces agapes étaient devenues ruineuses pour les membres aussi bien que  pour l’association, qui dut y mettre fin vers la fin des années 70. Mais quels souvenirs extraordinaires, nous les plus vieux, qui étions alors de jeunes amateurs, avons conservés de ces merveilleuses retrouvailles. Parlez-en à des gars comme Adrien Dupuis, VE2AID, Jean-Paul Godmaire, VE2AST, Roland Masse, VE2PX et bien d’autres qui ne pourront jamais oublier les nuits blanches suivies de  réveils brutaux et de bains forcés dans les piscines des différents motels que nous habitions et qui marquaient les débuts d’une autre journée de festivités. On ne s’ennuyait jamais aux conventions de RAQI, mais les retours au travail le lundi matin étaient parfois, pour ne pas dire souvent  pénibles.

Un événement majeur dans l’histoire des communications  radio s’est produit en 1962 avec l’ouverture par le département du transport de la bande du service radio général, plus connu sous le nom de CB. (Pour citizen band en anglais). Ce service avait été créé pour répondre à un besoin du grand public ayant à utiliser un moyen de communication à prix abordable à court rayon d’action. La licence coûtait 10 dollars et était valide pour  trois ans. De plus,  il n’y avait aucun test à passer. La seule restriction étant que les appareils utilisés pour ce mode de communication devaient être homologués par le ministère.

Ce service a pris  rapidement un essor considérable car un an après sa mise en service, il comptait plus de 13,000 adeptes et en 1976, plus de 300,000. L’utilisation de cette bande dans un but récréatif n’était pas autorisée, mais cependant tolérée s’il n’y avait pas d’abus. On sait ce qu’il advint par la suite. Les fréquences qui avaient été assignées  étaient les fréquences de la bande du 11 mètres qui  avaient été empruntées aux amateurs

Parlons maintenant de l’UMS. Après la fin des activitée de VE2DN en 1961, Montréal et sa grande région n’étaient plus représentés par un club de radio de langue française. Certains amateurs s’étaient tournés vers le club de langue anglaise de Montréal, le Montreal Amateur Radio Club, le MARC. Les assemblées de ce club comptaient toujours une assez forte délégation de membres francophones. J’ai souvent assisté à ces assemblées et je peux vous dire que les membres de langue française y étaient fort bien accueillis.

Il y avait eu entre temps, en 1968, la mise en service du répéteur VE2XW qui avait comblé pour un temps le vide laissé par l’absence d’un club organisé et ce répéteur était devenu par la force des choses le parapluie sous lequel se regroupaient les amateurs de la grande région de Montréal. Il s’était formé spontanément autour de ce répéteur ce qu’on avait baptisé à l’époque, le groupe XW. Lorsqu’il y avait des organisations quelconque auxquelles nous pouvions apporter notre support, le groupe ne manquait jamais d’y être représenté et d’offrir ses services. Les amateurs y  participaient joyeusement et en grand nombre.

Entre autre organisations auxquelles ce groupe avait assuré le service de radio communication, il y avait la parade de Noël organisé par la chambre de commerce de St-Bruno durant quelque 5 années, les Jeux du Québec sur les pentes de ski de St-Bruno, les courses de vélo Québec-Montréal organisées par un restaurateur bien connu de Montréal-Nord, courses auxquelles participaient une cinquantaine d’amateurs. On n’avait qu’à lancer un appel sur le répéteur quelques jours avant l’événement et on n’avait aucune difficulté à recruter les équipes  nécessaires. Presque toujours, c’était Gilles Tapp, VE2BTF qui prenait le contrôle des opérations et qui avait la charge de recruter les amateurs. Il s’est toujours acquitté de cette tâche d’une manière très efficace et les amateurs répondaient toujours présent à ses appels.

Il en avait été de même lors de la construction des facilités du répéteur sur la montagne de St-Bruno. Quand on prévoyait des travaux le samedi, que ce soit sur la montagne ou ailleurs, on en parlait sur le répéteur durant la semaine et le samedi matin à six heures, il y avait toujours devant ma porte une dizaine d’automobiles prêtes à se lancer à l’assaut de la montagne dans la joie et la bonne humeur. Ce fut sans aucun doute une des périodes les plus exaltantes de l’histoire de ce répéteur.

C’est dans ce contexte que l’UMS vit le jour suite à une idée que caressait depuis quelque temps un grand bonhomme, Adrien St-Martin, VE2BLN. Il était venu un soir me rendre visite accompagné comme d’habitude de ses deux gardes-du-corps, Robert Carbonneau, VE2AVG et Bernard Dupont, VE2BTW. Lors d’une de ses visites, par un beau soir de printemps, après avoir consommé quelques bonnes bouteilles de vin, Adrien avait lancé l’idée de fonder sur les bases de son école de radio amateur au collège Marie-Victorin un club de radio qui faisait cruellement défaut aux amateurs de langue française de Montréal.

Je trouvais l’idée d’autant plus intéressante que déjà, un noyau d’une centaine d’amateurs utilisaient le répéteur VE2XW et que nous pourrions puiser dans ce groupe pour jeter les bases de ce qui pourrait devenir un club de radio viable. Aussitôt dit, aussitôt fait. Adrien convoque une assemblée d’information au Collège Marie-Victorin, assemblée à laquelle répondirent près de 75 amateurs. C’était en mai 1974, quelques semaines seulement après en avoir discuté autour de ma table de cuisine en dégustant une bonne bouteille. Ce sont de merveilleux souvenirs.

Il y eut durant l’été quelques assemblées d’information et un comité provisoire  formé de Gaby, VE2AIT, maintenant VE2AI, Jean-Marie Beaujean, VE2HM  et Adrien St-Martin, VE2BLN qui agissait à titre de secrétaire, avait été mis en place. A l’automne, tout était prêt, les premières assemblées furent convoquées et les lettres patentes de l’UMS furent finalement émises en janvier 1975.  

Le premier président élu en 1975, fut Jean Talon, VE2ZO, qui portait à ce moment l’indicatif VE2DPD.  Les présidents qui se succédèrent par la suite furent en 1977, le regretté Adrien Plamondon, VE2AN suivi en 1979 de  Gerry Paquette, VE2AW, en 1981, Pierre Roy, VE2JO, en 1982, Marcel Thibault,  VE2GAJ, en 1983, Robert Leulier, VE2FKD, en 1985, Pascal Charlebois, VE2HAD, qui fut remplacé par son épouse Solange Brunet, VE2TSF en 1986. En 1987  Victor Guerriero, VE2GDZ,  prend la relève suivi par Michel Chotard, VA2MC, ex. VE2JEU. En 1991, c’est Michel Lalande, VE2LAL. En 1992 c’est François Dubois, VE2TLS,  un amateur français qui est depuis retourné en France, remplacé en 1993 par Marc Tardif, VE2SDQ, maintenant VA2MT. En 1993, au transfert de Marc au Nouveau Brunswick, c’est Monic Melançon, VE2AJK qui prend la relève et enfin en 1995, le président actuel, Yvon Boivin, VE2CVB.

J’ouvre ici une parenthèse pour vous raconter une anecdote. Ca s’est passé  sous la présidence de Gerry, VE2AW. Comme tout le monde le sait, Gerry à fait carrière dans l’armée canadienne. Il en a donc pris les manières et les habitudes un peu militaires. Tu obéis OU tu la fermes, ou encore, tu obéis ET tu la fermes. Lors d’une assemblée mensuelle régulière, alors que les sujets traités étaient plus ou moins soporifiques, par une chaleur torride, dans une salle ou l’on n’entendait rien à cause de l’écho, il y avait au fond de la salle un fort noyau d’amateurs qui ne semblaient pas très intéressés par ce qui se disait en avant et qui jasaient de plus belle dans un QSO local des plus enlevant.

A un moment donné, Gerry arrête net sa présentation et haussant le ton pour être bien entendu, il demande: Est-ce que vous m’entendez bien au fond de la salle? Et les jaseux de répondre: Oui, oui, on t’entend très bien Gerry. Et le président de renchérir: Moi aussi je vous entend, pourriez-vous vous la fermer, s’il vous plaît?  Et l’ami Gerry de reprendre sa dissertation là où il l’avait laissé comme si de rien n’était. La suite de l’assemblée fut, on s’en doute bien, un peu plus silencieuse.

Je dois ici admettre, pour être juste avec ces placoteux, que la salle où nous tenions nos assemblées au Collège Marie-Victorin était l’ancienne chapelle, entièrement ronde et en béton, et que l’écho était tel que même avec la meilleur volonté du monde, il nous était impossible de suivre la moindre discussion venant de la table du conseil. Les amateurs de ce temps s’en plaignaient beaucoup, d’ailleurs.

Dès sa fondation, l’UMS publiait un journal à l’intention de ses membres. Le premier éditeur de ce journal, en format tabloïd, c’est à dire la grandeur du Journal de Montréal, était Jean Bellemare, VE2BGJ. Vinrent ensuite Bernard, VE2EDM, Richard Gaulin, VE2FBD assisté de son épouse Rita, VE2FBE de février 1979 jusqu’à avril 1982. Marcel Provost, VE2FEM prit ensuite la relève suivi de Michel, VE2GMS et Bernard, VE2LC. Bien que la nomenclature de tous ces responsables ne soit pas complète, j’ai obtenu de Carole, VE2MME, certains renseignements concernant les éditeurs du journal. En janvier 1990, Michel, VE2JEU, maintenant VA2MC avait la responsabilité du journal. Puis ensuite, Claude Cossette, VE2FUR en 1993, Bruno Noreau, VE2BNJ en février 1994, Stéphane Burgoyne, VE2OWL et enfin depuis septembre 1995, Francis Memten, VE2ZFM, malheureusement décédé depuis la composition de cet article.

Si j’en ai oublié, je m’en excuse. Un texte comme celui-ci demande beaucoup de recherches et les archives des organisations dont j’ai parlé ne sont malheureusement pas toujours très complètes.  

J’ai dit plus haut que le premier journal de l’UMS était en format tabloïd et comptait 12 pages. En plus des articles portant sur la radio amateur, il y avait une page féminine tenue par Claudette, VE2ECP, une page destinée aux enfants, une page de bricolage écrite par notre doyen, Aurèle, VE2DW et une foule d’autres chroniques toutes aussi intéressantes et amusantes les unes que les autres, telles la télévision à balayage lent par Robert Gendron, VE2BNC. Guy Poirier, VE2AJG était aussi un collaborateur occasionnel de la revue, son sujet préféré étant les blocs d’alimentation ainsi qu’Alain,  VE2ARA, qui est maintenant recyclé dans les recherches généalogiques. Il y en a eu bien d’autres dont on a perdu la trace.

En plus de Jean, VE2BGJ, qui en était le rédacteur en chef, Yves Couture, VE2DYC était le publicitaire et Hubert Thibodeau, VE2BZ,  le graphiste. Faut pas le dire trop fort, mais notre ami Yves devait travailler plus souvent pour les amateurs que pour son patron car le journal contenait une foule d’annonces et arrivait à s’auto-financer grâce à ses nombreux commanditaires.

Parmi les activités de l’UMS, à part les assemblées mensuelles, il y avait le marché aux puces sur le répéteur VE2XW, dont le premier titulaire fut nul autre que Bernard, VE2ACT, puis Jean-Guy De Gagné, VE2DHA, Michel Boisvert, VE2UU, Denis, VE2FYZ, Pierre, VE2AGC et Roland, VE2BBG. Oui, le même Roland qui anime actuellement certains réseaux  de l’UMS. Le club organisait aussi son field day annuel qui était toujours fort couru, et un encan de fin de saison burlesque, que Jean Taillon, VE2BEU, animait avec brio.

On ne s’ennuyait pas durant cet encan, laissez moi vous le dire. Plusieurs des premiers membres du club doivent encore s’en souvenir, avec sans doute un pincement au porte-monnaie. En effet, quand Jean animait cet encan, il était défendu dans l’assistance de se gratter le bout du nez, d’éternuer, de bouger le moindrement sur sa chaise ou de faire quelque signe que ce soit, même de cligner des yeux au risque de se voir octroyer des objets dont personne ne voulait plus et d’en devenir les heureux nouveaux propriétaires moyennant le paiement en espèces sonnantes et trébuchantes qui allaient grossir un tant soit peu le compte en banque du club. Cet encan était une vraie partie de plaisir, rien de mieux  pour se dilater la rate. C’était un événement à ne pas manquer.

Lors de ces encans,  il y eu des démangeaisons qui ne furent jamais calmées devant la terreur de devoir rapporter à la maison et déballer devant l’épouse en furie toutes ces cochonneries que Jean nous forçait à acheter.

A un certain moment de son existence, le club comptait 600 membres et l’atmosphère qui régnait aux assemblées était indescriptible. La demande était là, il suffisait d’y répondre, et Adrien St-Martin l’avait bien compris.

Il n’était pas rare, au tout début de l’UMS, de voir des assistances de 150 à 200 personnes aux assemblées mensuelles. L’amitié et la camaraderie étaient de mise. Durant quelques années après sa fondation, le club tenait ses assemblées dans l’auditorium du Collège Marie-Victorin, c’est donc dire que nous y étions plus que confortables.

En 1985, le club avait publié un bottin qui contenait la liste de ses membres. Il y avait alors 248 membres en règle et 96 membres étudiants. En 1985, on retrouvait au conseil d’administration du club à titre de président, Pascal Charlebois, VE2HAD, comme vice-président Michel Dugal, VE2FEC, comme secrétaire Pierre Fisher, VE2AH, trésorier Paul Letourneau, VE2HBL et comme directeur, Robert Leulier, VE2FKD.  Mario Dumont, VE2GMD  était le responsable des réseaux, Roland Bourget, responsable du marché aux puces, Bernard Leblanc, responsable du journal, Robert Leulier, responsable des cours de radio et Claudette Taillon, VE2ECP, responsable des cotisations, de l’adressage et d’une foule d’autres services qui se font toujours dans l’ombre mais qui n’en sont pas moins essentiels pour la bonne marche de toute organisation.

Il est bien évident que les réalisations de l’UMS ne se comptent plus. Tout comme RAQI, il me faudrait un réseau complet juste pour raconter en détail tout le travail bénévole qui s’est accompli depuis sa fondation. Je n’aurais qu’à laisser parler tous ceux qui se sont impliqués de près ou de loin pour la bonne marche du club, mais comme le réseau de ce soir se voulait surtout un survol de ce que d’aucun appelaient le bon vieux temps, je reviendrai une autre fois sur ces sujets précis que sont RAQI, l’UMS, et aussi d’autres organisations dont on ne connaît pas l’historique.

Je m’en voudrais de ne pas profiter de l’occasion que ce  réseau m’apporte pour remercier en votre nom et au mien, tous ceux qui de près ou de loin ont contribué au maintien et à l’essor, non seulement de l’UMS, mais aussi de notre association provinciale et de tous ces autres clubs qui ont été fondés au Québec durant cette longue période, surtout depuis une vingtaine d’années. On a souvent à l’endroit de ces bénévoles la critique plus facile que  la reconnaissance. Profitons donc de cette occasion pour leur exprimer nos remerciements.

Une des raisons du succès de l’Union Métropolitaine des Sans Filistes de Montréal pourrait peut-être trouver sa source dans une réflexion du premier président, Jean Talon, VE2ZO. Quand Jean avait été élu président à la première élection, il avait présenté à l’assistance la constitution du club en disant: Vous voyez ces papiers, regardez les bien car c’est la dernière fois que vous les voyez. Je les place dans un tiroir, je met ce tiroir sous clé et je perds la clé. Je ne veux pas perdre mon temps et vous faire perdre le vôtre à discuter de la position des virgules dans cette constitution. Ce club est un club d’amis radio amateurs et non d’avocats. Nous allons nous amuser à discuter de radio et non de constitution. Jean a tenu sa promesse et les présidents qui lui ont succédé aussi.

Je me suis attardé longuement sur l’UMS. J’avais plusieurs  bonnes raisons pour ce faire, dont la meilleure et non la moindre est que j’en fus l’un des membres fondateurs. J’ai vu naître ce club sur la table de ma cuisine et les souvenirs que je conserve  d’Adrien, VE2BLN, de Bernard, VE2BTW et de Robert, VE2AVG sont des souvenirs qui me rattachent par la force des choses à tout ce qui touche à ce club. Mais il y avait aussi d’autres clubs qui fonctionnaient très bien dans la grande région métropolitaine, pendant qu’à Montréal, le club n’était qu’à l’état de projet. Des clubs existaient à St-Jean sur Richelieu, à St-Hyacinthe, à Laval et en reculant de quelques années, à St-Lambert et à Longueuil ainsi qu’à Trois-Rivières et Québec. Sait-on seulement que le club de Trois-Rivières est le plus ancien club de radio amateur en Amérique? Il fut fondé dans les années 20 par Arthur Kemp, VE2EK et l’abbé Charles Robert, VE2EC, qui vient de nous quitter à l’âge vénérable de 93 ans. Ce club, c’est VE2MO, et nous lui souhaitons longue vie.

En 1985, le club de Longueuil actuel, VE2CLM fut fondé par Pierre Fisher, VE2AH, Georges Whelan, VE2TVA et Jean-Pierre Rousselle, VE2AX. Ce club de la rive sud est maintenant en pleine expansion et perpétue la tradition de service au public si chère aux radio amateurs en participant à de nombreux événements annuels. Durant les 10 ou 15 années qui viennent de s’écouler, les clubs ont poussé comme des champignons un peu partout, répondant à un besoin certain de regroupement des forces. A chaque année, durant le mois de janvier, l’UMS devient l’hôte lors d’un de ses réseaux de 7 heures,  de tous les présidents de clubs qui veulent bien faire connaître leurs associations respectives. Cette initiative à pour origine Gilles Roch, VE2AYH qui en a eu l’idée il y a quelques années et qui a mis son idée en pratique pour la première fois à l’occasion d’un réseau qu’il animait à ce moment.

On peut retrouver encore aujourd’hui plusieurs des personnages dont je vous ai parlé durant les minutes qui viennent de s’écouler. Ils ont traversé le temps et ils sont toujours aussi dévoués à la cause de la radio amateur qu’elles ou qu’ils l’étaient à époque heureuse ou nous étions tous 30 ou 50 ans plus jeunes et que l’enthousiasme de notre jeunesse  rendait parfois un peu matamores. Malheureusement, plusieurs de nos vieux amis nous ont quitté pour un monde meilleur. S’ils étaient avec nous en ce moment, je suis persuadé qu’ils porteraient toujours aussi haut ce magnifique flambeau qui a fait rayonner au fil du temps ce passe temps auquel nous sommes si attaché.

Que nous réserve l’avenir? Que sera la radio amateur dans 50 ans? Bien malin celui qui pourrait risquer quelque prédiction à cet effet. Il est de plus en plus clair que la radio amateur comme passe temps est gravement menacée. Le projet de déréglementation que le gouvernement veut nous imposer, même s’il est enrobé de sucre, tuera très certainement à moyen et long terme le hobby dans sa forme actuelle. Nous devrons demeurer vigilants et réagir vigoureusement à ces attaques. Nous devrons serrer les rangs en nous joignant à nos différents clubs et associations. Ce sera la seule façon  de faire entendre nos voix, manifester notre désaccord et faire avorter ces projets nés dans les officines des fonctionnaires d’Ottawa qui n’ont pas autre chose à faire que de nous voir disparaître.  

Devant les progrès inouis des techniques de communication, de l’informatique et de la science en général, l’être humain se sent bien petit. La planète rétrécit à vue d’oeil et les communications par radio ont largement contribué à ce phénomène de rapprochement des peuples. Maintenant, c’est internet, les satellites de communication, qui ne sont finalement que des répéteurs sophistiqués placés très hauts dans l’espace. Les radio amateurs, par leurs contributions aussi minimes qu’elles aient pu être, ont contribué à ce rapprochement de façon significative. Aurons-nous encore un rôle à jouer à l’aube de ce 21e siècle ou la puissance de l’argent et du pouvoir est devenue le moteur de nos gouvernements. Est-ce que nos appareils de plus en plus sophistiqués ne seront plus que des  jouets de luxe dans les mains de grands enfants qui ne sauront plus s’en servir. Saurons-nous conserver cette éthique radio amateur sans l’aide des lois qui servaient de balises et de l’indifférence  de nos dirigeants pour lesquels nous serons devenus un fardeau.

La réponse est entre vos mains, tous et chacun de vous. Si la radio amateur conserve un peu d’humanisme dans ses relations des uns avec les autres, alors, notre hobby continuera-t-il de nous faire vivre de merveilleux moments de détente. Car après tout, pourquoi fait-on de la radio si ce n’est que pour nous rapprocher les uns des autres, se serrer les coudes entre amis qui partagent une même passion et d’y retrouver un peu de cette chaleur et de cette fraternité dont les amateurs se sont de tous temps entourés et de sentir que nous ne sommes pas seuls sur cette immense planète.

Ceux qui ont déjà entendu sur cette fréquence il y a quelques années la conclusion du radio roman futuriste Cébiste et Hamteur se souviendront sans doute que parvenues aux  années 2050, les machines se parlaient entre elles sans l’intervention des êtres humains qui les avaient construites. Faites en sorte que notre passe temps ne finisse pas de la même manière.

Ceci termine le réseau de ce soir. J’avais assez de matériel  pour vous tenir éveillé toute la nuit mais j’ai voulu laisser un peu de temps pour vous permettre de vous exprimer sur le sujet. Vous aussi avez sûrement vous aussi des choses intéressantes à raconter. C’est maintenant votre tour.

Avant de terminer, je veux remercier tous ceux, qui, de près ou de loin m’ont aidé à rédiger ce bref survol des 75 dernières années de radio dans le région de Montréal. Parmi ceux là, un merci particulier à Rita Gaulin, VE2FBE, l’épouse du regretté Richard, VE2FBD, qui a eu l’amabilité de me prêter ses archives personnelles le temps nécessaire à la rédaction de ce texte. A Gerry Paquette, VE2AW, pour ses souvenirs de la période du CJO et de son passage à la présidence de l’UMS.

A Aurèle Taillon, VE2DW, qui m’avait donné il y a déjà quelques années des documents pertinents aux débuts de la radio amateur.  A Gille Masson, VA2GM, qui a bien voulu revoir le texte et en corriger les inexactitudes. A Jean Bellemare, VE2BGJ, qui fut avec moi de toutes les aventures tant à RAQI qu’à l’UMS et  dont les archives aidées en cela d’une excellente mémoires  m’ont permis de faire revivre et de coucher sur le papier de très beaux moments. Merci aussi à son épouse Catherine, qui a patiemment corrigé mes nombreuses fautes d’orthographe en les faisant passer diplomatiquement pour des fautes de frappe.

Enfin, merci à vous tous qui avez assisté nombreux à ce réseau. Il n’est pas facile de concrétiser en quelques heures des souvenirs d’une aussi longue période,  mais j’ose espérer qu’après avoir entendu ce récit vous serez  plus en mesure  de vous rendre compte de la distance parcourue depuis les 75 dernières années en plus de mieux comprendre ce qui faisait la valeur de nos certificats radio amateurs au temps passé.

Je termine en formulant une pensée qui m’est très personnelle. Que la fierté d’être radio amateur redevienne la norme et que la valeur de ce privilège ne soit pas évaluée en fonction de la facilité ou de la difficulté à obtenir une  licence ou un  certificat de compétence, mais en fonction de la valeur de ceux qui en sont les détenteurs et en fonction aussi des services inestimables que ce passe temps pas ordinaire peut rendre à nos semblables.

Il fut un temps ou un certificat de radio amateur était un passe-port qui nous ouvrait toutes les portes. Une reconnaissance acceptée et respectée. Ce certificat représentait à nos yeux une valeur telle qu’on en prenait soin comme la prunelle de nos yeux. Ne laissez pas se perdre dans la médiocrité les si belles traditions d’amitié et d’entr’aide établies si laborieusement au fil des ans par ceux qui ont construits ce passe-temps.  Surtout, ne vous laissez pas décourager par les quelques individus qui essayent de détruire par quelques coups de gueule anonymes et leurs frustrations, ce qui a été construit si péniblement par les générations d’amateurs qui nous ont précédés.

La parole est maintenant à vous. C’est votre tour de nous faire part de vos souvenirs, de vos expériences heureuses ou moins heureuses de votre vie d’amateur ou encore de tout autre sujet touchant la radio dont vous auriez envie de parler.  

 

Réseau des Beaux dimanches, le 21 décembre 1997.  
Réseau des Beaux dimanches, le 17 octobre 1999.

    


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