Le Vengeur
livre son dernier combat
Le dimanche 1er juin 1794, au plus fort de la
Révolution, une escadre française livre un combat désespéré à la flotte anglaise, au
large de Brest.
Depuis la chute de la monarchie, l'ancienne marine royale souffre d'un grave
délabrement matériel.
Les officiers qui n'ont pas émigré ont pour la plupart perdu toute compétence et les
équipages ne connaissent plus de discipline.
L'amiral Louis Thomas Villaret de Joyeuse, qui commande l'escadre, ne dispose que de 23
vaisseaux et 16 frégates, avec des équipages et des officiers de très médiocre valeur.
Il figure parmi les rares officiers de qualité de l'Ancien Régime qui se sont mis au
service de la Révolution. Il s'est illustré sous les ordres du bailli de
Suffren.
En ce jour fatidique du 13 prairial An II (selon le calendrier révolutionnaire), il doit
assurer le passage d'un gigantesque convoi de 170 vaisseaux chargés de blé en provenance
d'Amérique. La cargaison est attendue avec impatience en France pour soulager la disette
qui menace.
Les 33 vaisseaux anglais de l'amiral Howe, bien équipés et bien commandés, mettent hors
de combat la moitié de l'escadre française et 5.000 hommes. Ce succès reste connu en
Angleterre sous le nom de «The glorious First of June».
Mais Villaret de Joyeuse n'en réussit pas moins à éloigner les Anglais de la rade de
Brest où se réfugie le convoi de blé.
Construction d'une légende
La mystique révolutionnaire est alimentée par les premiers rapports expédiés aux
députés de la Convention.
Ils font état de la perte d'un navire, le Vengeur, qui aurait coulé avec tout
son équipage criant à pleine gorge: «Vive la Patrie, vive la République».
Les Conventionnels s'enflamment. Le poète André Chénier écrit des vers dithyrambiques:
«Lève-toi, sors des mers profondes,
Cadavre fumant du Vengeur
Toi qui vis le Français vainqueur
Des Anglais, des feux et des ondes...,»
Dans les faits, l'équipage du navire a été secouru par l'ennemi et près de 400 marins
et officiers seront libérés quelques mois plus tard. Cela ne changera rien à la
légende.
|