Le Premier Empereur chinois

 

 

L'armée en terre du Premier EmpereurLe 29 mars 1974, des paysans creusent un puits non loin du mont Li, dans la province du Shanxi, en Chine du nord.

Cette colline célèbre est consacrée à la mémoire d'un antique empereur dont le souvenir se noie dans la légende.

Tout à coup, les paysans découvrent une cavité et à l'intérieur,... un guerrier en terre cuite! Il appartient à l'armée qui garde pour l'éternité la dépouille dudit empereur.

C'est la plus fabuleuse découverte archéologique depuis la tombe de Toutankhamon. Tout un pan de l'histoire et de la culture chinoises s'illumine depuis cette date sous les yeux ébahis des historiens.

De son vrai nom Zhen Ying, le premier empereur chinois est resté dans l'Histoire sous le nom de Qin Shi Huangdi, qui signifie «Premier empereur Ts'in» en mandarin, la langue dominante de la Chine du nord (dans l'ancienne graphie chinoise, le nom s'écrit Ts'in Che Houang-ti).

L'œuvre de Qin Shi Huangdi «égale en importance et dépasse singulièrement en durée celles d'Alexandre et de César» (René Grousset, Histoire de la Chine).


Naissance d'une Nation

Zhen Ying monte sur le trône du royaume Qin à l'âge de 13 ans, en 247 avant JC.

Le pays de Qin fait partie des multiples principautés qui se déchirent à cette époque en Chine du nord. Guerres impitoyables, razzias et massacres caractérisent cette époque dite des «Royaumes combattants».

Les féodaux et les roitelets locaux avaient pris le pouvoir en profitant de la déliquescence de la première dynastie impériale, les Tcheou. Cette dynastie était apparue dans la province du Chen-si vers l'An 1000 avant JC.

Le pays de Qin, protégé par sa situation dans la haute vallée de la Wei, au-dessus de la riche plaine céréalière du Ho-nan, est considéré comme la «Prusse»  de la Chine.

Doté d'une armée redoutable que d'aucuns évaluent à plusieurs centaines de milliers de combattants, il a une vocation naturelle à la suprématie.

Dans un premier temps, le jeune Zhen laisse les rênes du pouvoir à un vieux conseiller, Lü Buwei.

Lui-même se prépare assidûment à ses devoirs de monarque. Dès l'âge de 21 ans, il va l'exercer dans toute sa plénitude (comme Louis XIV après la mort de Mazarin).

Avec l'aide dévouée de son Premier ministre, Li Si, le roi de Qin entreprend derechef la conquête des autres royaumes de la Chine du nord.

L'un après l'autre, les États de Zhou, Han, Zhao, Wei, Chu, Yan et Qi tombent sous sa domination en une dizaine d'années, de 230 à 221 avant JC.


Un bâtisseur infatigable

Pour prévenir de nouvelles scissions, Zhen Ying fait table rase du passé et unifie l'administration.

«Son césarisme autoritaire en finit avec une féodalité qui semblait inhérente à la société chinoise» (René Grousset, Histoire de la Chine).

Il remplace les anciennes subdivisions par 36 gouvernements sous l'autorité d'un gouverneur civil, d'un gouverneur militaire et d'un intendant.

Il unifie la monnaie, les systèmes de mesure, l'écartement des essieux et surtout l'écriture (en Chine, où l'on parle encore aujourd'hui de multiples langues, les idéogrammes restent le principal facteur d'unité)...

En 213 avant JC, sur une suggestion de Li Si, le souverain détruit tous les livres anciens de littérature et de philosophie, lui-même se réservant le droit d'en conserver un exemplaire dans sa bibliothèque (celle-ci sera incendiée par des émeutiers après sa mort).

L'empereur signe un édit portant que «ceux qui se serviront de l'Antiquité pour dénigrer les temps modernes seront mis à mort avec leur parenté».

Il veut de la sorte prévenir toute contestation des lettrés disciples de Confucius, Lao Tseu et Mencius, qui cultivent la nostalgie du régime féodal antérieur. En guise de précaution supplémentaire, 460 de ceux-ci sont enterrés vivants l'année suivante.

Despote éclairé, Zheng se fait bâtir une nouvelle capitale, Xianyang, où il réunit la noblesse dans de nombreux palais afin de la tenir sous surveillance.

Il lance par ailleurs de gigantesques travaux de génie civil et multiplie les canaux d'irrigation pour prévenir sécheresses et famines, avec le concours d'un brillant ingénieur, Cheng Kuo. Beaucoup de ces canaux sont encore en service dans la Chine moderne.

Contre la menace permanente d'invasions mongoles, il entreprend de réunir en une ligne continue les fortifications éparses des confins septentrionaux de la Chine.

C'est ainsi qu'au prix d'efforts immenses, la Chine se dote de la «Grande Muraille», le plus long monument créé de main d'homme (plus de 2000 km de long).

En 214 avant JC, l'empereur envoie une armée au sud du fleuve Yang Tseu Kiang, où vivent des populations sans rapport avec la culture chinoise.

Les militaires occupent Canton et l'empereur ordonne des échanges massifs de populations afin d'entamer la sinisation du sud.

L'empire, jusque-là limité au bassin du fleuve Houang Ho, voué à la culture du blé, va étendre son emprise dans les régions méridionales au climat tropical, aux collines boisées et aux vallées rizicoles. 

A la recherche de l'immortalité

Le meilleur reste à venir avec la construction du futur tombeau de l'empereur.

Redoutable et haï, Zheng Ying a été pendant son règne l'objet de plusieurs attentats qui ont ébranlé son équilibre mental, l'amenant à changer de palais en permanence dans sa capitale de Xianyang.

En 227 avant JC, un érudit, Jing Ke, réussit ainsi à l'approcher avec un poignard empoisonné et c'est de justesse que l'empereur échappa à la mort. Il fut aussi agressé en 219 avant JC par un musicien aveugle.

Obsédé par la quête de l'immortalité, Zheng Ying consulte en vain mages et médecins. Il envoie même une puissante expédition navale à la recherche d'un légendaire pays de l'immortalité (le Japon?). On n'aura jamais de nouvelles des milliers de personnes engagées dans l'expédition.

Enfin, l'empereur engage la construction de son tombeau, une œuvre plus colossale encore que la Grande muraille. Plusieurs centaines de milliers d'ouvriers et de condamnés sont affectés à sa construction.

Il est prévu, selon l'usage antique, que les proches du défunt empereur soient inhumés avec lui pour l'accompagner et le servir dans le monde de l'au-delà.

Comme cela ne lui suffit pas, Zheng Ying veut aussi se faire accompagner par les meilleurs  de ses généraux et de ses soldats, ou du moins par leur représentation en terre cuite.

C'est ainsi que 7.000 soldats plus grands que nature, sans compter les chars et les chevaux, sont enfouis dans des salles adjacentes au tombeau, rangés en ordre de bataille.

Depuis 1974, à mesure que les archéologues excavent ces figures, ils découvrent des personnages saisissants de vérité, tous différents et remarquablement expressifs, depuis le fantassin bêtasse jusqu'au général rude et brutal (si vous avez la possibilité de voir ces soldats en terre cuite, à la faveur d'un voyage ou d'une exposition itinérante, vous éprouverez des sensations inoubliables).


Rupture et continuité

Conscient de la grandeur de son œuvre, Zheng fit ériger dans tout l'empire des stèles à sa gloire dont beaucoup subsistent aujourd'hui encore: «Il a réuni pour la première fois le monde», dit celle du T'ai-chan.

Mais en dépit de ses efforts, l'empereur n'échappa pas au sort commun. Il meurt de maladie en 210 avant JC, lors d'une expédition.

Ses conseillers, craignant à juste titre pour leur vie, cachent sa mort tant bien que mal pendant un certain temps. Mais lorsque celle-ci vient à se savoir, des soulèvements populaires se multiplient dans le pays contre le gouvernement et les institutions du despote défunt. Li Si lui-même est exécuté.

Tandis que le fils et héritier de Zheng échoue à se maintenir au pouvoir, on peut craindre que la Chine retombe dans ses divisions d'autrefois.

 

 

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