Dans
les années 1870, l’Allemagne réalise son unification sous l’égide
de la Prusse. D’une simple région où se confrontaient les intérêts
des pays européens, l’Allemagne est passée à un État puissant
et fortement industrialisé. C’est le 14 mars 1879, dans un climat
de glorification de la force et de la culture allemande, que naît
Albert Einstein. Fils d’une famille juive peu pratiquante, Albert
Einstein est un enfant solitaire. Ses professeurs voient en lui un
élève lent et moyennement doué. Cette opinion vient du fait
qu’il ne porte aucun jugement hâtif et qu’il mûrit longuement
chaque réflexion. Au début de l’année 1895, Einstein a 16 ans.
Ecœuré par la discipline militaire qui règne au sein des
Gymnasium (les lycées) et face à l’hostilité de certains de ses
professeurs, il part rejoindre ses parents installés en Italie
quelques temps plus tôt après un revers de fortune. Sa décision
est confortée par son refus de faire son service militaire. Il décide
alors de préparer le concours de l’École polytechnique de
Zurich. Il l’obtient à la deuxième tentative, en 1896. Einstein
y fait la rencontre de Mileva Maric, étudiante en mathématiques et
en physique. Il ne l’épousera qu’en 1902, après la mort de
Hermann Einstein qui s’opposait farouchement à ce mariage.
Malgré
son diplôme obtenu en 1900 et une première publication sur la
capillarité en 1901, son esprit indépendant et son caractère
frondeur lui interdisent un poste d’assistant à l’université.
Ce n’est qu’en juin 1902, après une période de chômage,
qu’il obtient le poste d’expert auprès du Bureau des brevets de
Berne. Ce travail lui offre une réelle liberté car il peut réfléchir
aux problèmes de physique le soir après sa journée de travail.
En
ce début de XXe siècle, la physique traverse une grave crise. Les
deux théories qui permettent d’expliquer les phénomènes
physiques semblent incompatibles. La mécanique, science du
mouvement, repose en effet sur le principe de relativité, énoncé
par Galilée. Rien n’est absolument immobile ; tout dépend du référentiel
dans lequel on se place. Or, la théorie de l’électromagnétisme
élaborée par Maxwell dans les années 1850, avérée par les résultats
expérimentaux, décrit la lumière comme une onde se propageant
dans l’éther. Mais aucune description physique de l’éther
n’a pu être trouvée. Seule certitude, il est d’une immobilité
absolue. Ce qui se révèle en totale contradiction avec le principe
de relativité. Une autre contradiction jette les physiciens dans le
trouble. La matière est constituée d’atomes. Elle est donc
discontinue. Or, lorsqu’on chauffe un filament, celui-ci émet de
la lumière ; lumière qui est nécessairement continue d’après
Maxwell. Comment quelques chose de discontinue peut-il produire un
phénomène continue ? Aucun des physiciens de l’époque ne
peut apporter de réponse et la physique se trouve dans une impasse.
C’est
alors qu’Einstein fait publier deux articles dans Annalen der
Physik qui se révèlent révolutionnaires. Le premier paraît
en mars 1905. Il décrit comment l’énergie d’un corps chauffé
peut se transformer en énergie lumineuse. Cette transformation
n’est possible qu’en considérant la lumière constituée de
"grains" qu’Einstein appelle "quanta de lumière"
(les photons). La lumière n’est alors ni continue ni discontinue,
mais les deux à la fois. Einstein ne sait toujours pas dans quelles
circonstances la lumière se révèle continue ou discontinue mais
son hypothèse n’en demeure pas moins exacte. Le deuxième article
paraît deux mois plus tard, en juin. Il se propose de résoudre le
problème posé par l’éther, en totale contradiction avec le
principe de relativité. Pour Einstein, l’éther n’a pas lieu
d’être. La seule donnée qui permet de décrire la lumière est
sa vitesse c, constante quelle que soit la vitesse de
l’observateur. Il énonce alors sa théorie de la relativité qui
unifie les théories de la matière et de la lumière. La matière
comme la lumière subissent le principe de relativité et la
simultanéité de deux événements devient dépendante de
l’observateur. Le temps n’est plus un concept invariant et est
lui aussi relatif.
En
septembre 1905, Einstein ajoute un post-scriptum à son article et démontre
la célèbre formule E=mc², induisant une équivalence entre
la matière et l’énergie. Formule qui sera à l’origine du développement
de l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins civiles ou
militaires. Mais Einstein ne s’arrête pas là. Dès 1907, il
commence à réfléchir à sa théorie de la relativité générale
qui permettrait d’expliquer le phénomène de la chute des corps.
Mais elle nécessite de plus grandes connaissances en mathématiques
modernes. Il quitte alors le Bureau des brevets et obtient un poste
universitaire d’abord à Berne puis à Prague en 1911. En 1912, il
devient professeur à l’École polytechnique de Zurich et y
retrouve un ancien camarade, Marcel Grossmann. Il a enfin l’aide
qu’il désirait en mathématiques et entreprend la mise au point
de sa théorie. Une erreur le conduit à une impasse et il perd
trois ans. Mais le tir est rapidement corrigé et la théorie de la
relativité est achevée à la fin de l’année 1915. Elle offre
une nouvelle interprétation de la chute des corps.
La force d’attraction de Newton est remplacée par une déformation
de l’espace autour des corps. Comme une balle déforme une toile
tendue en y formant un creux, un corps modifie l’espace autour de
lui. Cela explique pourquoi tous les corps, quelle que soit leur
masse, tombent avec la même accélération ; ils suivent en fait la
ligne de plus grande pente du creux formé dans l’espace. De plus,
Einstein énonce le fait que l’espace et le temps ne peuvent
exister sans matière. Comment vérifier simplement cette théorie ?
Si un corps déforme l’espace autour de lui, alors les rayons
d’une étoile située derrière le soleil seront déviés et son
image ne sera pas là où elle devrait être. Les observations
effectuées lors d’une éclipse par sir Arthur Eddington,
astronome britannique, confirment pleinement les calculs
d’Einstein. La théorie de la relativité générale est avérée.
Les médias s’emparent alors de l’histoire et offrent à
Einstein la reconnaissance et la gloire. La science devient aux yeux
du monde un symbole de paix et de réconciliation : un Anglais a
confirmé la théorie d’un Allemand ! Une illusion qui sera bientôt
balayée par les événements.
Mais
la nouvelle popularité d’Einstein lui permet de reprendre ses
activités politiques et l’aide à promouvoir son idéal de paix.
Il défend la cause du peuple juif et milite en faveur de la
construction d’une université de haut niveau en Palestine. Une
tournée aux États-Unis en 1921 lui offre les fonds nécessaires.
Juif,
pacifiste et mondialiste, Einstein subit rapidement les foudres des
extrémistes national-socialistes. Il revient d’un voyage aux États-Unis
lorsque Hitler prend le pouvoir en 1933. Il ne rentre pas à Berlin
et rejoint les savants de l’Institute for Advanced Study de
Princeton. Il prendra la nationalité américaine en 1940. Son exil
ne l’empêche pas de poursuivre ses activités politiques. Il
sauve de nombreux chercheurs européens et convainc le président
Roosevelt de développer le programme de la bombe nucléaire avant
que l’Allemagne n’y parvienne. Il regrettera amèrement son
geste et soutiendra, de 1945 à sa mort, en 1955, l’action du
Comité d’urgence des savants atomistes qui vise à limiter les
ingérences de l’État dans la recherche scientifique.
Si
Einstein est respecté et écouté, il n’en est pas moins, à la
fin de sa vie, en bute avec la jeune génération de physiciens
comme Heisenberg, Pauli et surtout Bohr. En effet, Einstein a posé
les fondations d’une nouvelle théorie, la théorie quantique,
qu’il n’accepte pas. Cette théorie interdit toute représentation
réelle des objets physiques élémentaires comme les électrons,
les protons, etc. Ils ne peuvent être décrits qu’en termes de
probabilité : probabilité qu’ils suivent une certaine
trajectoire, qu’ils aient une certaine position, une certaine
vitesse. Or Einstein n’adhère pas à cette vision probabiliste de
la réalité. Pour lui, " Dieu ne joue pas aux dés ".
Il refuse que le résultat d’une expérience ne puisse être
unique et prédit avec certitude. Pour lui, la mécanique quantique
est sinon inexacte, du moins incomplète. Einstein se révèle en
cela le dernier des physiciens classiques.
Photos
"Amas de galaxies" et "Galaxie" : remerciements
à la NASA
Gracieuseté
de : http://www.infoscience.fr |