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Jules César traverse le Rubicon le 11 janvier
de l'an 49 avant JC.
En franchissant ce petit fleuve côtier d'Italie centrale avec
son armée, le conquérant des Gaules entre sur le territoire
administré en direct par les magistrats romains. Il viole la
loi de Rome.
«Anerrifthô Kubos» (Que soit jeté le
dé!), aurait-il alors lancé... en grec, la langue des élites
romaines de l'époque. La traduction latine de cette formule
nous a été léguée par l'historien Suétone: «Iacta esto alea»,
ou, selon l'opinion commune, «Alea jacta est»
(Le dé est jeté).
La traversée du Rubicon avec une armée constitue une déclaration
de guerre au Sénat qui dirige Rome et ses vastes possessions.
Coup d'État
Quand Jules César traverse le Rubicon, la république
romaine agonise depuis déjà plusieurs décennies.
Il ne reste plus rien du premier triumvirat constitué
dix ans plus tôt par César, Pompée et Crassus
pour mettre fin aux guerres civiles.
Crassus a trouvé la mort au combat en 53 avant JC tandis
que Pompée, qui a obtenu le titre
de consul, bénéficie du soutien des sénateurs (parmi lesquels
l'orateur Cicéron).
Il se fait couramment appeler «princeps», ce qui signifie
le premier des citoyens (d'où nous vient le mot prince).
Mais il n'ose pas intervenir avec ses troupes à l'intérieur
de Rome pour imposer ses volontés au Sénat et mettre fin aux
luttes de factions.
En 50 avant JC, il convainc le Sénat de lancer un sénatus-consulte
contre César, enjoignant à celui-ci de prendre congé de son
armée!
C'est le retour des guerres civiles!
César, ayant franchi le Rubicon avec la XIIIe Légion, entre
dans la Ville éternelle, en chasse Pompée et soumet en neuf
semaines l'Italie entière. Il met le siège devant Massilia (Marseille)
qui a pris parti pour son rival.
L'année suivante, il poursuit Pompée en Épire et le 6 juin -48,
écrase son armée à Pharsale. Ce succès lui vaut d'être nommé
par les comices romaines dictateur pour un an.
Pompée, en fuite, se réfugie en Égypte où il est assassiné
sur ordre du jeune pharaon Ptolémée XII Philopator (13 ans).
César arrive à son tour en Égypte, réprime une révolte à Alexandrie
et se rend bientôt aux charmes de la jeune reine Cléopâtre,
issue d'une série de mariages incestueux des Ptolémées.
Là-dessus, iI soumet Pharnace, roi du Pont (la région
de l'actuel détroit du Bosphore) à Zéla en 47 avant JC. Un peu
plus tard, commémorant sa victoire de Zéla par
un défilé triomphal à Rome, il se fait
précéder par un porteur qui présente une
pancarte assortie de trois mots: «Veni, vidi, vici!»
(Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu!).
S'arrêtant à peine en Italie, César passe en Afrique
et écrase une armée de partisans de Pompée à Thapsus - sa dictature
est prolongée de dix ans -, puis une autre à Munda,
en Espagne, en 45 avant JC.
Fort de ses quatre triomphes, César obtient dès
lors la dictature à vie ainsi que les pouvoirs d'un tribun
et ceux d'un censeur, avec le titre de préfet des murs...
Il a désormais partie gagnée contre ses adversaires et devrait
pouvoir se reposer sur ses lauriers... Toujours généreux, César
n'oublie pas de distribuer toutes sortes de prébendes pour s'assurer
ce que l'on appelle ouvertement une clientèle.
Il entreprend des réformes civiles, étend le bénéfice de la
citoyenneté à de nouvelles catégories d'habitants et limite
de moitié les bénéficiaires des distributions
gratuites de blé.
Il établit ses vétérans dans les régions
dépeuplées d'Italie, unifie les constitutions
municipales des villes de province sur le modèle de Rome...
Il porte de 600 à 900 le nombre de sénateurs en
élevant à cette dignité beaucoup de provinciaux,
en particulier des Gaulois!
Il réforme même le calendrier,
fait commencer l'année en janvier et... donne son propre
nom au septième mois (juillet, déformation de Julius).
Il s'essaye enfin à une politique de réconciliation nationale
après cinquante ans de guerre civile.
Sans rien changer à la forme des institutions, César met ainsi
en place une monarchie inavouée pendant les cinq années qui
courent de la traversée du Rubicon à son assassinat.
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