Messages aux extraterrestres

Quand une image vaut mille mots

Avant même de savoir s'il existait une vie intelligente extraterrestre, les astronomes se sont permis d'envoyer leurs premiers messages codés. Écrits dans la langue de notre temps, illustrés d'images commentées en anglais, ils peuvent sembler en contradiction avec les principes d'universalité du projet SETI. Le problème est qu'il faut choisir un support conceptuel. Parler javanais luxuriant, le langage binaire ou anglais, celui qui peut sonder l'espace peut traduire cette pierre de Rosette.

La première émission radioélectrique visant ouvertement une civilisation extraterrestre fut effectuée le 16 novembre 1974 avec l'antenne fixe de 300 m de diamètre de l'observatoire radio astronomique d'Arecibo installée à Puerto Rico. Le message binaire mis au point par Frank Drake et son équipe fut envoyé vers l'amas globulaire Messier 13 en 169 secondes. Il fut émis avec une puissance de 450 kW à 12.6 cm de longueur d’onde. Cet amas contient uniquement des étoiles âgées, autour desquelles peut-être nous trouverons aussi des civilisations avancées. Situé dans la constellation d'Hercule, il contient 1 million d'étoiles dont certaines ne sont séparées que de 0.5 a.l. l'une de l'autre. Notre chance y est donc plus élevée que notre message soit capté par l'un ou l'autre soleil. Mais cet amas se situe à environ 25000 a.l., ce qui signifie que si nous recevons une réponse, nous ne devons pas l'attendre avant 50000 ans : cinq fois le temps que pris l'évolution de l'homme depuis notre ancêtre de Cro-Magnon ! Ce jour là peut-être, les professionnels se rappelleront notre tentative primitive. Mais il se peut aussi que ces civilisations nous aient rendu visite. Dans 50000 ans les vaisseaux relativistes sillonneront peut-être le ciel et leurs ambassadeurs arriveront peut-être juste à temps pour répondre à notre message... Que ne s'est-il pas passé en 50000 ans, depuis l'homme de Cro-Magnon... Pour lui aussi nous serions des Martiens !

Le message d'Arecibo et son premier objectif : l'amas globulaire M13. Documents NRAO et Gralak.

Des messages écrits ont aussi été embarqués à bord des vaisseaux spatiaux. Citons la plaque commémorative d'aluminium, déposée sur la Lune par l'équipe d'Apollo XI le 21 juillet 1969. Elle contient une représentation de la Terre et un message de paix du Président Nixon. 

Une autre tentative consista à placer à bord de la sonde spatiale Pioneer X, lancée en avril 1972, une carte postale aux extraterrestres. Sur une jaquette métallique on a représenté un couple nu, sans marquer de type racial précis, symbolisant l'humanité, ainsi qu'une représentation de l'atome d'hydrogène, le système solaire avec la place de la Terre, la trajectoire de la sonde, ses dimensions par rapport à notre stature, ainsi que le rythme d'émission des 14 principaux pulsars qui permettront peut-être à nos contacts de situer avec précision son émetteur dans le temps et l'espace. En 1986 Pioneer X devint le premier vaisseau que l'homme ait construit à quitter le système solaire, affranchi de l'attraction du Soleil. Il fut suivi de près par Pioneer XI sur lequel était fixé la même plaque. Un super cargo sidéral les croisera peut-être dans quelques millions d'années... La sonde Viking Lander contient aussi, gravé sur une petite plaque le nom de son constructeur.  

Messages de paix

Au-dessus à gauche le message abandonné sur la Lune par l'équipe d'Apollo XI. A droite le message des Sagan placé à bord de la sonde Pioneer X. En-dessous la jaquette dorée et le disque multimédia placé à bord des sondes spatiales Voyager 1 et  2

Documents NASA.

D'autres bouteilles ont été jetées dans l'océan cosmique, telles les tentatives effectuées avec les sondes Voyager 1 et 2. Il s'agit en fait d'une véritable encyclopédie multilingue à l'usage des extraterrestres : 100 images et 1h30 d'enregistrements analogiques traduisant des sons et de la musique de notre temps, la jaquette dorée étant elle-même un message codé.

Enfin, en 1999 deux physiciens canadiens, Yvan Dutil et Stéphane Dumas ont élaboré un nouveau message qu'ils ont intégré dans le projet Cosmic Call qui comprend les messages de Braastad, d'Arecibo et celui de l'équipe d'Encounter 2000. L'intégralité du message fut transmis à trois reprises, le 24 mai, le 31 juin et le 1er juillet 1999 à partir de l'antenne de 70 m de diamètre du Evpatoria Deep Space Center situé en Ukraine avec une puissance de 148 puis de 152 kW. Il fut émis à destination de quatre étoiles similaires au Soleil : HD 186408, HD 178428, HD 190406 et HD 190360 situées dans des directions où la poussière interstellaire altèrera peu le message au cours de sa propagation.

Le message de Yvan Dutil et Stéphane Dumas

Documents Dunil/Dumas/Evpatoria.

Ces messages émis en quelques minutes vont se propager jusqu'à l'espace extragalactique en quelques milliers d'années. Mais une sonde spatiale telle Voyager 1, même animée d'une vitesse de quelques dizaines de kilomètres par seconde ne rencontrera la première étoile, Ross 248 d'Andromède, que dans 40000 ans et Voyager 2 rencontrera la première étoile à 14.6 années-lumière (AC+79 3888) et il lui faudra encore des millions d'années pour approcher d'un système planétaire. Ces chiffres traduisent bien l'insignifiance de telles tentatives. Mais bien que dérisoires, elles sont très importantes sur le plan symbolique et philosophique.

Si vous n'avez pas eu la chance d'envoyer un message dans l'espace, ne désespérez pas car d'autres opportunités se présenteront dans les mois et les années qui viennent. Suivez les nouvelles sur le web, en particulier sur le forum américain alt.sci.seti ou à travers les magazines électroniques, Internet demeurant la source d'information la plus rapide.

KEO : des messages du XXe siècle

A gauche, Tysor R. Chan, directeur d'une société privée proposa en mai 1999 de réémettre le message d'Arecibo de 1974 en le complétant de 23 pages d'informations scientifiques. A droite, lancé en 2001 en orbite autour de la Terre, Keo retombera dans 50000 ans avec les messages des internautes.

Au su de ce qui vient d'être dit, on peut se demander s'il faut vraiment chercher à communiquer si aucun référentiel n'existe avec une civilisation extraterrestre ? 80% des gens estiment qu'il faut rechercher le contact. Mais il faut rappeler que les chances qu'il existe deux civilisations simultanément à un instant précis du temps cosmique sont faibles. Si nous représentons l'histoire de la Terre (4.6x109 années) par 1 année, nous sommes le 31 décembre. La vie existe depuis le 27 mars. Durant cette année, l'époque à laquelle nous avons envoyé nos premières émissions dans l'espace se situe à la dernière seconde ! La recherche d'une civilisation techniquement avancée introduit un facteur relativement faible dans les équations.

Encounter 2000

Encounter 2000 fut proposé en 1999 dans le cadre du Cosmic Call I. Son but est de placer une voile solaire munie d'un message de l'Humanité à bord d'une sonde de classe Deep Space à destination de l'espace interstellaire. Le message contient également des dessins, des photos et des signatures biologiques (cheveux, etc) de toutes les personnes participants financièrement au projet ($25).

Du reste, aucune étude de probabilité n'existe, nos calculs se basent uniquement sur des estimations. L'avantage de cette méthode est de permettre aux radioastronomes de déterminer eux-mêmes s'ils ont une chance de réussir un programme d'une telle envergure. Il est peut-être ridicule de parler du programme SETI en termes de "petits hommes verts". Car SETI essaye de répondre à une question fondamentale, "il nous force à nous examiner comme une espèce intelligente" comme aime le dire Woodruff Sullivan de l'Université de Washington, "SETI nous apprendra autant sur nous-mêmes que sur Eux". Il converge ainsi vers l'idée exprimée par Carl Sagan.  

Concluons sereinement avec Papagianis[1] : “Si nous trouvons d’autres civilisations avancées dans notre Galaxie, il pourrait s’agir de la plus grande découverte de tous les temps. Mais même si après avoir concentré tous nos efforts nous devrions conclure que nous sommes quelques unes si par la seule civilisation avancée dans la Galaxie, ce serait également une importante découverte, parce que le fait de connaître la rareté de notre civilisation parmi les centaines de milliards d’étoiles qui composent la Voie Lactée, pourrait espérons-le nous faire réaliser combien il est cosmologiquement important de la préserver”.  

[1] M. Papagianis, Nature, 318, 1985, p139.

Gracieuseté de : http://www.astrosurf.com

 

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