Tonnerre
faisait beaucoup de bruit. On le craignait partout. Il
obtenait, à cause de sa force, à peu près tout ce
qu’il voulait. Mais il ne faisait jamais de mal à
personne.
Un
jour qu’il voyait Moustique se gaver de sang, il
s’approcha de lui et dit :
-
Où prends-tu tout ce sang ? Moi, j’en cherche et je
n’en trouve pas.
Moustique,
qui craignait la puissance de Tonnerre, réfléchit
longuement avant de répondre.
«
Si je lui dis mon secret, pensa-t-il, il tuera tous les
hommes pour avoir le sang qui coule dans leurs veines.
» Alors, il répondit :
-
Tu vois la grande forêt là-bas. C’est là que je
prends le sang. Je pique les grands arbres.
Tonnerre,
très content de cette nouvelle, s’écria :
-
Merci ! J’y vais !
Aussitôt
Tonnerre réunit les gros nuages gris et les éclairs.
-
Allez ! Au travail ! leur dit-il. Frappez et crachez le
feu !
Les
nuages gris et les éclairs foncèrent droit devant eux.
Dans un bruit épouvantable, ils frappèrent un rocher
de granit.
-
Non ! s’exclama Tonnerre. Les rochers n’ont pas de
sang. Frappez plutôt ce grand pin.
Les
nuages et les éclairs se ruèrent sur l’arbre immense
qui se dressait au milieu de la forêt.
Ils
réussirent à l’éventrer et à le déchiqueter du faîte
aux racines. Mais il ne contenait pas une seule petite
goutte de sang.
Tonnerre
alla voir Moustique.
-
Tu m’as menti, gronda-t-il. J’ai massacré le grand
pin et je n’ai pas trouvé la moindre goutte de sang
-
Tu as mal choisi ton arbre. Essaye celui-ci, dit
Moustique en indiquant un autre pin au pied duquel
dormait un porc-épic.
Tonnerre
et ses aides entrèrent en action. Ils déchiquetèrent
l’arbre en entier et trouvèrent un peu de sang près
des racines. Mais Tonnerre n’était pas satisfait. Il
ne pouvait croire que Moustique lui avait dit toute la vérité.
Il retourna donc le voir :
-
Moustique, dit-il, je crois que tu mens. Dis-moi enfin où
tu prends le sang dont tu te nourris.
Encore
une fois, Moustique hésitait à dévoiler son secret.
«
Si Tonnerre tue tous les hommes pour sucer leur sang, il
ne me restera rien pour survivre », pensa-t-il.
-
Essaye la rivière, dit-il à Tonnerre, tu trouveras ce
que tu cherches.
Tonnerre,
les nuages gris et les éclairs s’en allèrent à la
rivière. Là, ils réussirent à attraper trois saumons
mais leur sang ne réussit pas à rassasier Tonnerre.
-
Ces poissons sont trop petits, dit Moustique à
Tonnerre, dont la colère augmentait. Il te faudrait les
gros poissons de la mer.
Alors
Tonnerre repartit et provoqua une énorme tempête sur
la mer. Avec ses complices, il attrapa un dauphin mais
son sang pâle et glacé le dégoûta. Il quitta la mer
en furie et arriva chez Moustique.
-
Je sais que tu mens, hurla-t-il.
Et
sans laisser prévoir son geste, il changea Moustique en
grêlon. Il déclencha ensuite une tempête tout aussi
violente que la précédente. Elle dura plus d’un mois
et secoua les forêts aussi bien que les rivières et la
mer. Toutes les régions du pays reçurent des averses
de grêle et la foudre brisa plus d’un arbre, éventra
plus d’une montagne. Enfin Tonnerre se calma.
Il
oublia Moustique et sa quête de sang. C’est pourquoi,
aujourd’hui, quand le tonnerre blesse ou tue un homme,
on sait que c’est par accident. Car jamais Moustique
n’a révélé son secret à Tonnerre.
Mais
les moustiques existent toujours et se gavent, comme en
ce temps-là, du sang des hommes.
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