Ondes radio et ionosphère

D'après un article de Ian Poole, G3YWX, dans QST, Nov 1999

Traduit de l'anglais et adapté par Robert L.E. Billon, F3WM

Las update
2010-11-02

Avant propos

Bien qu'il soit requis des radioamateurs d'avoir une certaine familiarité avec la physique de l'ionosphère, une connaissance plus approfondie de celle-ci peut faire la différence dans l'exercice de votre hobby. Cet article est à même de remplir quelques blancs et vous lancera dans un voyage fascinant.

La propagation des ondes radio via l'ionosphère est un moyen important des radio-communications à longue distance. Des milliers de radioamateurs et d'opérateurs commerciaux utilisent l'ionosphère chaque jour pour réaliser des contacts sur de vastes distances. Pour utiliser à plein et avec efficacité ces modes de propagation, cependant, nous devons comprendre la physique qui se cache derrière la magie. Savoir quand écouter, les meilleures fréquences à utiliser, d'où les signaux peuvent provenir, rend capable un DXeur expérimenté de travailler des stations là où des opérateurs moins expérimentés seront courts. En fait la connaissance de la propagation et un feeling des conditions et de ce que chaque bande peut apporter sont des éléments de valeur pour chaque opérateur radio.

L'atmosphère

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Avant de regarder comment les signaux sont réfléchis par l'ionosphère, nous devons voir où ces réflexions prennent place et comment les zones de réflexion se forment. L'atmosphère peut être découpée en différentes couches en fonction de leurs propriétés. La figure 1 montre les noms les plus communément utilisés. Nous pouvons voir que la troposphère est la partie de l'atmosphère la plus rapprochée du sol, s'étendant jusqu'à une hauteur d'environ 10 km. Aux altitudes entre 10 et 50 km nous trouvons la stratosphère, laquelle contient la fameuse couche d'ozone à une hauteur d'environ 20 km.

Pour les communications en ondes courtes, l'ionosphère est la couche la plus importante, bien que la troposphère joue un role clé dans les communications VHF et UHF. L'ionosphère s'étend sur plusieurs couches "météorologiques" entre 50 à 650 km.


L'ionosphère

L'ionosphère est ainsi nommée par ce que c'est une région de l'atmosphère où existent des ions. Dans la plupart des régions de l'atmosphère, les molécules sont à l'état combiné et restent électriquement neutres.

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Dans l'ionosphère, cependant, le rayonnement solaire (principalement l'ultraviolet) est si intense que lorqu'elle frappe les molécules de gaz elle les partitionne, on dit qu'elle les ionise, un électron est ainsi rendu libre. Le résultat est un ion positif (molécule ou atome à qui il manque un électron) et un électron libre. Bien que ce soit les ions qui ont donné leur nom à cette région, ce sont principalement les électrons qui affectent les ondes radio. Le nombre d'électrons commence à croître à une altitude d'environ 30 km mais leur densité n'est pas suffisante pour affecter les ondes radio jusqu'à environ 60 km.

On pense souvent à l'ionosphère comme ayant un certain nombre de couches distinctes. Ceci convient pour beaucoup d'explications mais ce n'est pas entièrement exact car toute l'ionosphère contient des molécules ionisées et des électrons libres. Au lieu de cela, les couches doivent plutôt être vues comme des maxima de niveau d'ionisation.

Pour identifier de façon simple et rapide les couches, maxima ou régions nous nous réfèreront à elles par les lettres D, E et F. Il existe aussi une couche C mais son niveau d'ionisation est si bas qu'elle n'a pas d'effet détectable sur les ondes radio.

Les couches

La couche D est la plus basse, à des altitudes comprises entre 50 et 80 km. Elle est présente durant la journée, quand elle est frappée par le rayonnement solaire. Cependant, du fait que la densité de l'air est encore élevée à cette altitude, les ions et les électrons se recombinent assez rapidement. Après le coucher du soleil, quand le rayonnement solaire est bloqué par la terre, la concentration en électrons libres chute rapidement et la couche D disparait.


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Au-dessus de la couche D, le prochain niveau d'ionisation est appelé couche E. On le trouve à des altitudes entre 100 et 125 km. Du fait que les électrons et les ions se recombinent assez rapidement ici, le niveau d'ionisation chute rapidement après le coucher du soleil. Bien qu'une petite quantité d'ionisation résiduelle persiste, la couche E disparait pratiquement la nuit. La couche la plus importante pour les communications à longue distance est la couche F. Durant le jour elle se scinde souvent en deux sous-couches que l'on nomme F1 et F2, comme on le voit sur la figure 3. La nuit, les deux sous-couches se fondent en une unique couche F. L'altitude de la couche F varie considérablement en fonction du moment de la journée, de la saison et de l'état d'activité du soleil. L'été, la couche F1 peut être à 300 ;km, avec la couche F2 à 400 km ou plus. L'hiver, ces chiffres peuvent être de 150 km et 200 km respectivement. La nuit, la couche F est généralement autour de 250 à 300 km. Ces chiffres varient considérablement cependant et ne doivent être considérérés que comme des approximations.


Comme avec les couches D et E, le niveau d'ionisation dans la couche F décroit la nuit. La vitesse de recombinaison est beaucoup plus faible cependant car cette couche se situe plus haut, dans une région où la densité de l'air est beaucoup plus faible. (NDT : le libre parcours moyen des électrons étant plus grand, il mettent plus de temps avant de recontrer l'ion qu'ils vont neutraliser). Du fait que l'ionisation demeure durant la nuit, elle peut encore affecter les signaux radio.

Le soleil et l'ionosphère

Il n'est pas surprenant que les variations solaires affectent l'ionosphère. Un facteur majeur est le nombre de tâches visibles. Les tâches apparaissent à la surface du soleil comme des zones sombres. Ces tâches peuvent être vues quand on projette l'image du soleil sur un écran ou une feuille de papier blanc. Les tâches affectent l'ionosphère par ce que les zones autour de ces tâches émettent de grandes quantités de rayonnement ultraviolet, principal facteur d'ionisation. (Note : Ne jamais regarder directement le soleil, même à travers des verres sombres ou noircis. Procéder ainsi peut conduire à une altération irréversible de la vision).

Le nombre de tâches varie, grossièrement, en conformité avec un cycle de 11 ans. Cela signifie que les conditions ionosphériques, et donc de propagation radio, varient en synchronisme avec ce cycle. Au point bas du cycle, les bandes HF au-dessus de 20 MHz environ ne permettent plus la propagation ionosphérique. Au maximum du cycle de 11 ans et à son voisinage, les fréquences de 50 MHz et plus peuvent être utilisées avec succès.

Ondes de sol et ondes d'espace

Les signaux, dans les bandes ondes moyennes et ondes courtes, voyagent selons deux moyens de base : les ondes de sol et les ondes d'espace. Les ondes de sol surviennent quand le signal s'étend depuis l'émetteur, dans toutes les directions. Au lieu de voyager en ligne droite (et n'être pas reçu au-delà de l'horizon visuel), les signaux radio ont tendance à suivre la courbure de la terre. Ceci a pour cause les courants induits à la surface du sol, lesquels ralentissent le front d'onde dans le voisinage du sol. Il en résulte une inclinaison des fronts d'onde au niveau du sol, les rendant capables de suivre la courbure de la terre et de voyager au-delà de l'horizon.

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Avec quelques exceptions, la propagation par onde de sol est généralement utilisée pour des signaux en dessous de 2 ou 3 MHz. Elle n'est pas beaucoup utilisée à des fréquences plus hautes car l'atténuation croit avec la fréquence et au-dessus de ces fréquences, la couverture devient progressivement moins fiable. Ceci est démontré par le fait que les stations de broadcast en ondes courtes sont seulement audibles sur de courtes distances via l'onde de sol. En comparaison, les stations en ondes moyennes sont audibles sur des distances beaucoup plus grandes. Une station de broadcast AM de forte puissance typique peut avoir une zone de couverture de 150 km et plus. La zone de couverture est affectée par des facteurs variés, incluant la puissance de l'émetteur, le type d'antenne et la nature du terrain sur lequel les ondes voyagent.

Les signaux quittent aussi la surface de la terre et voyagent vers l'ionosphère. Comme on peut le constater, une partie de ceux-ci sont retournés vers la terre. Ces signaux ont étés nommés ondes d'espace (sky wawes) pour des raisons évidentes.

La couche D

La première couche qu'un signal atteint est la couche D. Cette couche agit comme un atténuateur, spécialement aux fréquences basses. En fait, l'atténuation varie comme l'inverse du carré de la fréquence. Ainsi, doubler la fréquence réduit l'atténuation par un facteur quatre. C'est la raison pour laquelle les signaux de fréquences basses sont empêchés d'atteindre les couches plus hautes, excepté la nuit, quand la couche D disparait.

Les signaux sont atténués quand ils traversent la couche D par ce qu'ils excitent la vibration des électrons libres, provoquant des collisions des électrons avec des molécules. Ceci consomme de petites quantités d'énergie, d'où dissipation d'une quantité proportionnelle du signal radio.

On peut voir que l'atténuation dépend du nombre de collisions, lequel dépend d'un certain nombre d'autres facteurs. Un des plus évidents est le nombre de molécules de gaz présentes. Une plus grande quantité de molécules signifie plus de collisions, donc une atténuation accrue.

Les niveaux d'ionisation sont aussi importants tout comme la fréquence du signal radio. Quand la fréquence augmente, la longueur d'onde devient plus courte et les collisions entre électrons libres et molécules de gaz diminuent. Il en résulte que les signaux de basse fréquence sont beaucoup plus atténués que ceux de fréquences plus hautes. Ceci étant, les signaux de fréquences hautes subissent néanmoins une réduction de leur force.

Les couches E et F

Comme pour la couche D, quand les signaux entrent dans les couches E et F ils forcent les électrons libres à vibrer. Ici, la densité de l'air est beaucoup plus basse et il y a moins de collisions. Il en résulte une moindre déperdition d'énergie et ces couches affectent les signaux radio d'une façon différente. Plutôt que collisionner les molécules de gaz et dissiper de l'énergie, les électrons ont tendance à re-rayonner le signal. Du fait que le signal voyage dans un milieu où la densité des électrons est croissante, plus il progresse dans la couche, plus il est réfracté au loin de la zone de plus haute densité d'électrons. Aux hautes fréquences, cette réfraction est souvent suffisante pour courber les signaux vers le sol, ainsi la couche apparait comme ayant réfléchi le signal. (NDT : On peut faire une analogie entre la densité électronique et ce qu'on appelle en optique l'indice de réfraction).

Ces "réflexions" sont affectées par la fréquence et l'angle d'incidence des ondes radio. Quand la fréquence augmente, la réfraction décroit jusqu'à ce qu'une fréquence soit atteinte où les signaux traversent la couche et se propagent vers la suivante. Finalement, on atteint une fréquence où les signaux traversent toutes les couches et continuent à se propager dans l'espace externe.

Influence de la fréquence

Durant le jour, les signaux des ondes moyennes se propagent seulement via l'onde de sol du fait que la couche D absorbe les signaux qui atteignent l'ionosphère. Quand la fréquence augmente, l'atténuation décroit jusqu'à un point où les signaux traversent la couche D et atteignent la couche E. Là les signaux sont réfléchis, renvoyés vers la couche D et reviennent vers le sol à une distance considérable de l'émetteur.

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Si la fréquence croît encore, la réfraction par la couche E devient moins efficace. Finalement, les signaux peuvent atteindre la couche F1 où ils sont réfléchis, à travers les couches D et E, jusqu'à atteindre le sol. Du fait que la couche F1 est plus haute que la couche E, les signaux réfléchis par la couche F1 atteidront une distance plus grande.

Si l'on accroit encore la fréquence, les signaux traverseront la couche F1 pour atteindre la couche F2. Par ce que c'est la couche la plus haute, la distance atteinte par les signaux sera la plus grande. La distance de saut maximale pour la couche E est d'environ 2000 km. Pour la couche F2 elle peut atteindre 4000 km, un gain significatif.


Sauts multiples

Des distances considérables peuvent être atteintes grâce aux réflexions sur les couches E ou F mais cela n'explique pas comment des signaux peuvent se propager jusqu'aux antipodes. En fait la propagation à l'échelle du globe requiert plusieurs réflexions. Quand les signaux reviennent vers la terre depuis l'ionosphère, la surface terrestre agit comme un réflecteur et les renvoie à nouveau vers l'ionosphère, où ils seront à nouveau réfléchis vers la terre. Par le moyen de ces bonds successifs, les signaux peuvent voyager tout autour du globe, quelques fois dans plusieurs directions et aussi revenir à leur point de départ.

La nature du sol a aussi un effet. Les régions de déserts sont des réflecteurs médiocres mais les océans sont très efficaces. Cela signifie que les signaux qui ricochent sur l'Océan Atlantique, par exemple, seront plus forts que ceux réfléchis sur des régions telles que le Sahara.

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En plus des pertes introduites par les réflexions à la surface de la Terre, les signaux sont atténués chaque fois qu'ils traversent la couche D. En fait l'atténuation due à la couche D revêt une importance particulière si l'on se souvient que les signaux traversent la couche D deux fois pour chaque échappée vers les couches E ou F. Hormis le fait que les trajets des fréquences élevées sont davantage susceptibles d'utiliser la couche F2 et donc requièrent moins de réflexions, ces trajets souffrent aussi moins de l'atténuation par la couche D. Cela signifie que (toutes choses égales par ailleurs) un signal à 28 MHz, par exemple, sera reçu plus fort qu'un signal à 14 MHz, si la propagation est possible à ces deux fréquences.


Distance de saut et zone de silence

Distance de saut et zone morte sont des termes importants associés à la propagation ionosphérique. La distance atteinte, à la surface de la Terre, par un signal qui a été réfléchi par l'ionosphère est appelée distance de saut ou skip, comme le montre la figure 8.

Il existe aussi une région connue sous le nom de zone de saut ou zone morte (NDT : ou zone de silence). Par suite de l'atténuation subie, l'onde de sol n'est reçue que jusqu'à une certaine distance de l'émetteur. L'onde voyageant par l'ionosphère peut ne pas être réfléchie avant d'avoir atteint une distance au delà du point où l'onde de sol s'est déjà évanouie. Le résultat est une zone où aucun signal ne peut être reçu. C'est la zone morte ou zone de silence . Cet effet est particulièrement prononcé pour les fréquences hautes, où l'onde de sol s'évanouit rapidement et pour lesquelles la distance de saut peut être de 1500 km ou plus.

Bibliographie

Ian Poole est aussi l'auteur de plusieurs livres que l'on peut obtenir auprès de l' ARRL

  • Your guide to Propagation, édité par la RSGB
  • Short Wave Listener's Guide, édité par Newnes
  • Basic Radio Principles, édité par Newnes
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Vers 1924 les connaissances relatives à la propagation des ondes radioélectriques étaient encore modestes et on devait parfois se contenter d'analogies simplistes. Illustration extraite de LA TSF, Encyclopédie par l'image, Librairie Hachette.

    

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