CEBISTE ET HAMTEUR (2ième Épisode)


Nous entrerons maintenant dans la deuxième partie de ce radio roman de Cébiste et Hamteur. Est-il besoin de vous dire que cette histoire, inventée de toute pièce, est le résultat de certaines observations et discussions entendues ici et là sur les différentes bandes de la radio amateur et pas nécéssairement sur le répéteur actuel.
 

Peut-être que la fin de cette histoire ne vous plaira-t-elle pas, mais ce serait une fin logique considérant les tendances de la société actuelle à remplacer l'humain par des machines. Il n'en tiendra qu'à vous de lui donner une fin différente.
 

Et comme on le dit souvent dans toute histoire de ce genre, les lieux et les personnages de ce roman sont les seuls produits de mon imagination et toute ressemblance avec la réalité n'est que pure coïncidence. Pensez-vous?
 
 
 

CEBISTE ET HAMTEUR
 
 
 

On se souvient sans doute que nos deux amis, Cébiste et Hamteur, avaient réussis, après bien des péripéties, à passer leurs examens pour l'òbtention de la license de radio amateur.
 

On se souvient aussi de la chaleureuse... réception qu'ils avaient reçue du chef des hiboux, l'ami Jacques, VE2BTN. Cébiste ne s'en était jamais remis, de cette réception si... chaleureuse, alors que son ami Hamteur avait accepté avec un peu plus de philosophie et d'humilité les remarques de Jacques.
 

Tous ces désagréments, plutôt mineurs vous en conviendrez, avaient conduit Cébiste à abandonner la radio amateur et à retourner faire le tour de la roulette. Il n'avait pas la corde de la patience très longue, notre pauvre ami...
 

Mais pendant son absence, les choses ne s'étaient pas améliorées sur le tour de la roulette, loin de là. Ce qu'il avait éprouvé sur les bandes radio amateurs pendant son court séjour, c'était de la p'tite bière à comparer avec ce qui l'attendait à son retour vers ses anciens copains.
 

J'en profite ici pour vous apporter la plus récente définition du mot copain. Je l'ai trouvée dans la dernière édition du dictionnaire des langages étranges, publié par un club du service radio général. COPAIN: COPINE: Langage désignant un individu ou une individuse, (au féminin) qui module convenablement avec un petit appareil appelé CB. C'est un terme réservé en exclusivité à ce service de radio.
 

Je poursuis donc, après cette courte parenthèse, le récit de ce qui est survenu pendant l'absence de Cébiste.
 

Les adeptes du tour de roulette s'était divisés en deux groupes pendant son absence. Le groupe du code Q, et le groupe du code 10. Les anciens copains de Cébiste qui avaient pu se procurer un appareil en SSB, (bande latérale unique), avaient le droit de se servir du fameux code Q emprunté aux amateurs, alors que les autres, les pauvres, qui étaient demeurés captifs de la désuète modulation d'amplitude, le AM, n'avaient pas le droits de se servir de ce fameux code Q. Ils n'avaient droit qu'au code 10.
 

Etait condidéré sacrilège, le fait d'utiliser le code Q en AM. Etait condidéré tout aussi sacrilège le fait d'utiliser le code 10 en SSB. Il semble que c'est la frontière qui séparait les hommes des enfants.
 

On avait même inventé un langage chiffré, qu'on avait baptisé les bons chiffres, pour se saluer; 73, salutations entre gens du même sexe; 88, salutations entre gens de sexe opposé; 51, des salutations à l'ensemble de la famille; 44, salutations aux enfants seulement, surtout si on est fâché contre les parents. On avait même inventé un bon chiffre expressément pour VE2BTN; 22, salutations aux animaux, du moins à ceux qui savent compter, avec pensée particulière aux wouf-wouf.
 

Ce chiffre ne s'adressait cependant pas aux cochons. La plus véhémente protestation concernant cet étrange langage était venue d'une association de gaies et lesbiennes. Il n'y avait pas de numéro pour eux. C'était pas juste! Toujours la charte des droits et libertés.
 

Mais cette situation avait un relent de déjà vu pour notre ami Cébiste. En effet, juste avant de quitter les ondes amateurs, avait-il été témoin d'une querelle semblable sur un répéteur local. On avait proclamé bien haut que ce qui séparait les hommes des enfants en radio amateur c'était le code morse. Rien de moins. Et les amateurs de sortir leurs clés et pratiquer à qui mieux mieux qui enverrait le message le plus savant en code morse tout en essayant d'évaluer à quelle vitesse la mémoire ancestrale était tombée depuis la dernière émission en morse.
 

Même VE2BTN avait sorti sa clé des boules à mites, mais les sons qui émanaient de son installation ressemblaient beaucoup plus aux beuglements d'une vache prise dans une clôture qu'à des signaux de codes morse. Heureusement pour les oreilles des amateurs, avides d'apprendre ce merveilleux mode de communication, Jacques a eu vite fait de régler ses problèmes de rouille.
 

Cette polémique sur le code morse n'avait duré qu'un temps car la plupart des clés qu'on avait sorties des boules à mites étaient rouillées à un point tel qu'elles étaient inutilisables. Mais cette querelle avait été alimentée par la désormais célèbre affaire du code Q.
 

Fallait-il ou ne fallait-il pas se servir du code Q en téléphonie. QSL, QSL avait répondu quelqu'un de la région du Saguenay. Négatif avait répondu un autre, de la région de Québec. Et de QSL en négatif, de positif en QSL,QSL, ça avait occasionné des interventions toutes aussi inutiles les unes que les autres à la grandeur de la province. Et c'est pas tout!
 

A travers les break seconde, les chaufferettes et les gazous, on avait inventé un micro-mitaine dont les anciens copains de Cébiste semblaient vanter les mérites. Un nouveau genre de microphone qui servait à moduler en même temps qu'il tenait les mains de l'opérateur à la chaleur.
 

C'était une des belles inventions de cette époque glorieuse, ou les contacts entre copains pouvaient s'effectuer par des températures sibériennes, les deux pieds gelés bien durs, mais les mains bien au chaud dans cette merveille qu'on appelait un micro-mitaine. Ca rendait surement aussi, la module plus chaude, si ce n'est plus chaleureuse. Mais ça ne dégelait pas les gueules de bois.
 

La définition qu'on avait donnée à la module, toujours trouvée dans le dictionnaire, cité plus haut, c'était: "parler dans un micro-mitaine pendant que l'émetteur est actif". La majorité de ces conversations aurait eu avantage à être faites dans un micro-mitaine mais à la condition que l'émetteur fut inactif, ou même carrément fermé...
 

Il existait aussi un autre genre de module: la module bourrée. C'était peut-être en souvenir d'un vieil ami, Jacques Bourré, qui étudiait le code morse depuis les 40 dernières années afin de passer sa licenses de radio amateur. La grosse license, comme on l'appelait dans certains milieux. Cette license, il ne l'avait pas encore au moment de mettre sous presse, en dépit du fait que la banque des questions de l'examen se promène librement dans la nature, accompagnée évidemment par les réponses...
 

Durant cette période, les petites boites noires avec les yeux verts et rouges s'étaient développées au point où l'arc en ciel au grand complet s'affichait maintenant sur le panneau avant. Il ne manquait plus que les oreilles de lapins et un écran de 2 pouces, et on aurait eu droit à une petite CBcouleur, à 40 canaux. Mais revenons à nos deux compères.
 

Ce qui avait vraiment fait déborder la coupe, et ramener Cébiste à ses tours de roulette et ses anciens copains, c'était l'impertinence d'un certain Gaston, qui osait s'identifier en phonétique locale plutôt qu'en phonétique internationale. VE2 deux fois deux, Cébiste n'avait jamais entendu cette phonétique à consonnance aussi étrange. VE2 Delta Foxtrot Delta, comme on aurait du dire en phonétique internationale.
 

Ce que ce sacripan de Gaston avait pu le confondre, notre pauvre Cébiste. Deux fois deux, deux multiplié par deux, ça fait quatre. Ses lettres seraient donc DFQ. Non, ça se peut pas. Deux plus deux, ça fait encore quatre. Serait-ce D avec le signe plus, suivi d'un autre D. Ah oui, ses lettres sont DPD, ou D avec la lettre X, suivie d'un autre D, ça serait DXD alors, ou encore D moins D. Ca ne peut être que DMD. Quel imbroglio! Quel problème! Malheur de misère...!
 

Ce dilemne insurmontable pour un gars qui n'a pas encore sa license supérieure, il ne l'avait jamais accepté. Et toutes les interventions que cette phonétique locale avaient déclenchées c'était trop pour ce qu'il pouvait endurer. Ou peut-être comprendre!
 

J'ai dit phonétique locale, mais le terme exact serait plutôt, phonétique municipale, et comme le Québec compte quelques milliers de villes et de villages on était pas sorti de l'auberge...Cébiste ne se sentait pas le courage d'apprendre quelques milliers de codes municipaux différents, lui qui avait eu toutes les misères du monde à apprendre les 26 lettres de l'alphabet morse qu'il avait de toute façon oubliées et abandonnées en chemin. Il avait bien raison d'ailleurs, d'être à ce point frustré. Il ne semblait pas très heureux parmis les amateurs!
 

Enfin, après quelques interventions musclées et plusieurs flèches (quelques une de ces flèches étaient même empoisonnées) décochées aux intervenants qui avaient pris un peu trop la part de Cébiste et pas assez celle de Gaston, la polémique avait pris fin, faute de munitions, ou peut-être à cause d'une intervention musclée du titulaire du répéteur qui était venu dire aux belligérants qu'il était "ben fatigué" d'entendre ce vieux disque, de cesser ces enfantillages et qu'il serait peut-être temps de se consacrer aux choses sérieuses.
 

Mais quelles choses sérieuses, me direz-vous? Existerait-il sur cette fréquence, des choses plus sérieuses que deux fois deux? Un réseau sur les soucoupes volantes, ou les OVNI, peut-être? Ou encore, un réseau sur la croissance personnelle? Bien sûr que non puisque ces réseaux existaient déjà et qu'ils étaient parmis les plus populaires de la fréquence étant animés de main de maître, le premier par un expert en petits bonhommes verts, et autres problèmes domestiques ésotériques du genre, et le deuxième par un intellectuel en conscientisation planétaire locale. Comment peut-on être planétaire et local en même temps. (Pléonasme vicieux qu'ils appelaient ça à l'école).
 

Avez-vous pensé un peu à ce qui aurait pu arriver s'il avait fallu que ces deux réseaux en viennent à se mélanger dans un conflit d'horaire intempestif. Je n'ose même pas y penser! C'est pour le coup que Raël lui-même en aurait perdu ses Héloim et Sigmund Freud se serait retourné dans sa tombe. Et je ne parle pas ici de Richard Glen, l'affaire étant présentement sub-judice.
 

Après tout, ces deux là, n'étaient-ils pas les vrais pères l'un des soucoupes volantes, l'autre de la psychologie moderne.
 

C'était à en perdre son latin et même le souvenir de ses ancêtres. Tiens, les ancêtres! Un réseau sur les ancêtres peut-être? Mais c'est seulement ça qu'on a sur la fréquence, des ancêtres! Et ils sont assis sur leur "ancêtreté" comme une vieille fille sur son trésor, nos vieux ancêtres. Et ils nous brandissent leur "ancêtreté" comme un fusil pointé sur un gérant de banque.
 

Cébiste n'avait plus le goût, de toute façon, d'entendre parler des ancêtres et il était déménagé, vous savez où, juste au moment où AIK ne commence ses émissions justement à la recherche de ceux-ci!
 

Pourtant, nos ancêtres, ils méritaient beaucoup plus que du mépris de sa part. On en avait de ces bons vieux amateurs qui étaient encore assez lucides, comme Jean-Paul, VE2OI, pour nous orienter dans la bonne direction quand nous avions perdu le nord, alors que d'autres, construisaient encore des émetteurs en CW comme l'ami Aurèle, VE2DW, au cas ou ce mode d'émission redeviendrait à la mode.
 

On lui avait dit, à Cébiste, de respecter ses ancêtres, mais il était trop jeune pour comprendre. A 20 ans, la vieillesse, c'est toujours une réalité lointaine, vous savez. A 20 ans, on se croit immortel et invincible. Et surtout, on croit tout savoir! Donc, il avait vendu pour la 12e fois tous ses équipements et il était disparu quelque part entre le tour de la roulette et les micro mitaines qui tiennent les pouces bien au chaud.
 

Si on pouvait donc inventer un gadget qui tiendrait aussi la cervelle à la chaleur!
 

Entre temps, son ami Hamteur, si vous avez assez de mémoire pour vous en souvenir, avait convolé en juste noces avec la secrétaire du club local. Et ils avaient tous les deux, ensembles, sans l'aide de leurs radios, établis assez de contacts locaux pour construire la base d'un club de radio amateur privé. Trois beaux enfants dans l'espace de quatre ans. Faut le faire, surtout à notre époque où les équipement de radio amateurs sont hors prix. Toujours les fameuses lois de l'offre et de la demande.
 

Vous vous rendez compte! Equiper tous ces beaux petits amateurs en herbe de radios portatifs qu'ils pourraient porter fièrement à leur ceinture en allant s'inscrire à la garderie ou à la maternelle. De quoi faire capoter la maitresse d'école et mobiliser le conseil scolaire au grand complet. Quel courage il avait ce petit couple!
 

Mais ces petits contacts locaux, sans radio, tous plus amusants les uns que les autres, il va sans dire, n'avaient en rien diminués leur ardeur pour les activités radio amateur.
 

Hamteur s'était lié d'amitié avec VE2TRV, un gars articulé qui écrivait des lettres en packet à la grandeur du Québec .
 

Et qu'écrivait-il, notre ami Michel, VE2TRV. Ecoutez bien ça, je vais vous lire une de ses lettres. Michel a intitulé ses lettres, des Boulet Rouge. Et c'est exactement ce qu'ils sont: des boulets rouges. Ecoutez bien! Hamteur m'en a fait parvenir une copie pour que je vous en fasse part sur un des nombreux réseaux du répéteur. Préférablement, a-t-il spécifié, sur le réseau des beaux dimanches.
 

Moi, j'ai préféré le réseau des hiboux. Parce que, d'après les derniers sondages BBM effectués sur la fréquence, le réseau des hiboux a une plus grosse cote d'écoute que les beaux dimanches. Ce que ce sondage ne disait pas, cependant, c'est que ça prenait sept réseaux des hiboux, pour égaler l'assistance d'un seul réseau des beaux dimanches. J'espère que Hamteur me comprendra et qu'il ne sera pas trop fâché contre moi d'avoir choisi le réseau des hiboux.
 

La première de ces lettres s'intitule "Laxisme et règlementation". Je commence.
 

En tapant ces lignes, j'écoute la fin du réseau des hiboux, sur VE2RXW, ou Jean-Guy, VE2AIK, a réservé un réseau sur les mesures à prendre pour enrayer les interférences malicieuses.
 

Ou plutôt, sur les mesures à prendre pour inciter le gouvernement à appliquer les lois existantes qui sont déjà plus que suffisantes pour décourager les activités illicites. A la condition que ces lois soient appliquées avec les sanctions appropriées.
 
 
 

VE2AIK propose et mettra en circulation une pétition demandant à notre ministère responsable de faire en sorte que les règlements qui existent présentement dans la loi sur les radio communications soient appliqués comme ils doivent l'être.
 

VE2TRV , et je continue la lecture de sa lettre, se dit cent pour cent d'accord avec cette pétition et poursuit en affirmant qu'il va la signer dès qu'elle sera mise sous son nez.
 

Je poursuis! J'encourage tous les amateurs de bonne conscience de signer cette pétition. Il est important que des mesures soient prises, et pas seulement par les radio-amateurs dans le dépistage de ces interférences, mais par une participation plus active des autorités dans ces dossiers, afin que nous ne perdions pas le contrôle de nos fréquences, dans les mains d'individus qui n'ont que le mal en tête.
 

Arrêtons ce laxisme, pendant que nous le pouvons.
 

Des amateurs sur le réseau critiquaient le gouvernement américain pour avoir imposé des amendes exorbitantes aux responsables d'interférences malicieuses. Ils ne voulaient pas que le gouvernement du Canada fasse de même à nos malfaiteurs. Pourquoi? Si on opère dans les règles, on n'a rien à craindre. Si nous agissons en amateurs responsables, il n'y a aucun danger d'écoper d'amendes ruinantes. Seraient-ils donc effrayés?
 

Je poursuis la lecture de la lettre de Michel. Récemment, j'ai eu le privilège douteux d'entendre un radio amateur d'expérience, assez en tous cas pour avoir un indicatif à deux lettres, donner une raison ahurissante pour justifier l'emploi de lettres d'appels tronquées. La raison que donnait notre homme: Ce n'était pas un contact formel. J'ai des nouvelles pour cet amateur. Rien ne justifie l'illégalité. Toutes les communications radio amateurs sont régies par les lois en vigueur, communications formelles ou non.
 

Ca me fait rager de voir des gens supposément expérimentés donner le mauvais exemple de cette façon et d'apporter des raisons qui ne tiennent pas debout pour justifier leur manque de discipline.
 
 
 

C'était le genre de lettre à plonger dans un bonheur profond, dans un nirvana intense, dans une vision de félicité éternelle vue à travers la boucane de sa pipe et les vagues de son café, l'ami Jacques, VE2BTN. Je continue.
 

Un autre amateur arrive sur le réseau en suppliant les autorités de n'être pas trop sévères. De donner une chance à ceux qui se font attrapper. C'est exactement ce qu'il faut éviter. A moins que ce ne soit un problème technique, la personne qui est prise sur le fait à causer des interférences malicieuses, volontairement, est une personne adulte et majeure donc soumise à toutes les responsabilités qui en découlent, et qui, de ce fait, agit en toute connaissance de cause.
 

Il n'y a pas a en faire un débat. Ce n'est pas lui, la victime. C'est d'ailleurs la triste tendance, de nos jours. Les malfaiteurs deviennent les victimes, et les autorités deviennent les malfaiteurs. Nous voulons des droits et encore des droits, mais nous ne voulons pas accepter les devoirs et les responsabilités qui en découlent.
 

Faire ce qu'on veut, quand on veut, mais si quelqu'un nous marche le moindrement sur le bout de la grosse orteil, on veut sa tête à tout prix. Et qu'il soit pendu sur la place publique.
 

Y a-t-il moyen d'éviter que celà n'arrive en radio amateur, de montrer que nous sommes encore capable de savoir vivre. Reste-t-il encore des valeurs dans cette société à laquelle nous appartenons.
 

Et cette lettre était signée, bien entendu, Michel, VE2TRV et son réseau des boulets rouges.
 

Hamteur en était rouge de joie, Enfin, un radio amateur, issu de la base, qui se tenait courageusement debout pour essayer un tant soit peu d'enrayer ce cancer qui menaçait dangereusement de se propager. Si les autorités avaient eus seulement la moitié de sa colonne vertébrale, comme tout serait merveilleux!
 

Je tiens ici à remercier notre ami d'avoir porté à ma connaissance ces bijoux de protestation et d'éducation que l'ami Michel, VE2TRV, se donne la peine d'écrire régulièrement.
 
 
 

Quelle fierté Hamteur ne ressentit-il pas à la lecture de la lettre de son ami Michel. Ce qu'il pouvait être fier, en cette minute, de faire partie de cette fraternité sans frontières, qui osait tenir tête au puissant gouvernement fédéral et à ses impotents ministres.
 

Hamteur avait été à la bonne école, comme on peut le constater.
 

Mais à travers sa dévotion pour le hobby et les nombreuses responsabilités qu'il avait acceptées d'assumer, plusieurs choses commencaient à lui taper majestueusement sur les nerfs. Il sentait de l'électricité dans l'air chaque fois qu'il se présentait sur le répéteur local. Ou la chicane était bien engagée, ou des discussions interminables y prenaient place, alimentées par des commentaires anonymes qui fusaient de toutes parts et dont on ignorait la provenance.
 

De temps à autre, on pouvait reconnaitre les auteurs de ces "anonymités", mais la plupart du temps, ce n'était pas possible.
 
 
 

Notre pauvre ami Hamteur devenait hors de lui quand il entendait certains amateurs se prendre pour des justiciers en oubliant de s'identifier. Ils croyaient, les pauvres, que l'anonymat est un signe de maturité et de bravoure, et que bien caché dans le confort de son foyer, derrière son micro-mitaine, on peut dire et lancer sur les ondes, n'importe quoi à n'ìmporte qui bien à l'abri des représailles.
 

Ou bien encore, émettre une porteuses pour empêcher quelqu'un de s'exprimer librement, comme on en a tous le droit dans une société aussi démocratique que la nôtre, quelle que soit l'opinion de notre interlocuteur. Ca prend vraiment une personne courageuse, pour faire cette légère pression du pouce sur un micro-mitaine.
 
 
 

Mais ce qui le mettait le plus en colère, c'était les maudits pitonneux. Il avait formé une équipe de recherches avec quelques amis, et, après de nombreuses nuits blanches, ils avaient réussi à en débusquer un, bien caché sous le Blvd Métropolitain, qui s'amusait à couper les raccordements téléphoniques, et à placer une porteuse sur les conversations en cours.
 

La moutarde était alors montée au nez de Hamteur et ses amis qui en avaient perdu leur calme, et ils avaient sorti, plutôt cavalièrement de son camion, notre mono-neurone en lui flanquant quelques bonnes taloches bien placées et pas du tout silencieuses.
 

Ce faisant, ils avaient jetés par terre toute la preuve accumulée si patiemment, rendant le travail des derniers mois complètement inutile. Nos amis ne savaient sans doute pas qu'il n'est pas permis, du moins au Canada, de se faire justice soi-même, et que même si un suspect est pris la main dans le sac, il est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire.
 

Dans ce cas ci, il était bien évident que notre mono-neurone fautif était innocent, mais pas dans le sens légal du terme.

Comme on peut le voir, Hamteur était de plus en plus impliqué dans la communauté radio-amateur. Impliqué à un point tel qu'il s'était porté volontaire à son club local pour organiser le field day du 25 juin.
 

Il n'avait pas eu trop de difficulté à recruter des installateurs d'antennes, des monteurs de tentes, des transporteurs de café, enfin, tout ce qu'il faut pour organiser un gros party. Tout fut parfait jusqu'à la dernière minute du field day qui fut, comme on s'en doute, couronné d'un énorme succès. Mais aussitôt les opérations terminées, notre pauvre ami se retrouva à peu près tout seul pour démonter tout cet attirail. J'ai dit à peu près tout seul, car sa femme lui avait donné un bon coup de main, tout en tenant le p'tit dernier par la main en même temps qu'elle surveillait les deux plus vieux.
 

Il faisait nuit quand tout fut soigneusement emballé et rapporté au local du club. Parlons en, d'implication! Pour avoir du fun, les volontaires ne manquent jamais. Pour le reste, on repassera...
 

Ca ne vous fait pas un peu penser à la vraie vie, tout ca?
 

Hamteur avait touché à peu près à tout ce qui concernait la radio amateur. Il ne lui manquait plus que la consécration suprème, faire le grand sault dans l'association provinciale. Il lui semblait qu'il y avait là, un énorme travail à accomplir, et aussitôt dit aussitôt fait, il posa sa candidature au poste de directeur de sa région.

Aussi bien vous dire que les signatures d'appui à sa candidature ne furent pas difficiles à trouver.
 

Il avait trouvé plus de secondeurs qu'il n'y avait de lignes disponibles dans le bulletin de présentation. Comme toujours, la demande dépassait l'offre, et il fut élu sans opposition à la grande satisfaction des amateurs passifs qui regardaient passer le train, sans avoir le goût d'y monter pour faire le voyage.
 

Et c'est là que ses problèmes commencèrent vraiment. Ce qu'il en entendit, du chialage. A la moindre interférence, c'était la faute de RAQI. Si les fauteurs de troubles n'étaient pas punis, c'était la faute de RAQI. RAQI devrait poster des policiers partout au Québec et passer des jours et des nuits à courir après les malades. RAQI devrait faire ceci, RAQI devrait faire celà. Et ceux qui chialaient le plus fort n'avaient jamais été membres de l'association. Et c'étaient pas tous de nouveaux amateurs.
 

Ils se pétaient les bretelles d'être amateurs depuis plus de 20 ans. Ce qu'ils se gardaient bien de dire par contre, c'est quelle sorte d'amateurs ils avaient été durant ces trops longues années. Et quel exemple ils avaient donné aux nouveaux par leur comportements... Je ne vous en dirai pas plus. Il y a des chapeaux qui sont en train de s'enfoncer jusqu'aux oreilles...
 

A tout hasard, notre ami accepta de faire partie du comité du plan de fréquence de l'association. C'était le comité qui suscitait le plus de commentaires et les plus âpres discussions.
 

Les autres comités semblaient fonctionner relativement bien. Le journal sortait régulièrement, et devenait de plus en plus intéressant. Restait donc le comité du plan de fréquences.
 

Après de nombreuses consultations, et des études poussées sur la propagation des ondes à différentes fréquences, le comité accouchait d'une proposition qui avait déjà été acceptée dans le reste du Canada ainsi que par les Américains. Au Québec, société distincte s'il n'en fut jamais, ce fut plus compliqué.
 

Des amateurs avaient mis en service des répéteurs un peu partout sans demander son avis au comité de coordination de fréquences, et certains de ces répéteurs étaient si mal coordonnés que les interférences devenaient invivables dans plusieurs district de ce beau grand Québec.
 

Allez donc faire comprendre ça aux quelques amateurs de la belle province, pour qui le bien commun passe très loin derrière les préoccupations de leur petite gloire personnelle. Il y avait même deux amateurs dans le bout de Québec qui avaient mis en onde un répéteur de 900 watts. Ils étaient voisins, et pouvaient se parler en direct. Mais ils utilisaient une machine puissante de 900 watts. Dans la magnifique armée des amateurs québécois, ils étaient tous les deux, les seuls à avoir le pas.
 

Un autre, amateur, toujours au Québec, je ne vous dirai pas à quel endroit, avait à lui tout seul une quinzaine de license de répéteurs différentes. Allez donc savoir pourquoi? Avait-il prévu qu'une dérèglementation plus poussée lui permettrait un jour de louer du temps d'antenne aux amateurs et ainsi devenir millionnaire? Dieu seul le sait et peut sonder les reins et les coeurs!
 

C'est à ce genre de problème que notre ami Hamteur avait été confronté depuis qu'il avait mis les pieds dans la grosse machine de l'association provinciale et il s'était frappé la tête bien souvent à essayer de faire entendre raison à tout ce beau monde. Mais il continuait de s'impliquer de plus en plus, aidé en celà par sa gentille épouse, toujours fidèle à ses côtés.
 
 
 

Les années passèrent sans apporter de grands changements sinon pour le pire. Par son acharnement, notre ami Hamteur avait réussi, par la persuasion, à fermer deux ou trois répéteurs inutiles et à faire accepter par la majorité le fameux plan de fréquences. Ca n'avait pas été sans peine!
 

Les trois petits Hamteur avaient grandis et étaient à leur tour devenus radio-amateurs. La situation sur les différentes fréquences n'avait pas trop dégénéré bien que ça ne s'était pas amélioré non plus.
 

On avait à peu près réussi à contenir le déferlement que la dérèglementation avait apporté au point ou c'était encore possible de faire de beaux contacts et de nouer de grandes amitiés.
 

Hamteur était devenu vieux. Hé oui, c'était déjà son tour. Et au fil des ans, il s'était bien promis d'acheter un condo en Floride et de disparaitre, le temps d'un hiver, pour ne pas dire le temps d'une paix. Et c'est précisément ce qu'il avait fait. Fini la pelle, fini la souffleuse. Mais même rendu en Floride, il avait essayé de contacter sa famille par le 20 mêtres, mais ça n'avait pas été possible. Il y avait décidément beaucoup trop de mondes sur les fréquences, et c'était devenu presqu'impossible de faire de beaux contacts sur ces bandes HF. Il avait abandonné.
 

Le passe temps de la radio amateur avait lui aussi pris un coup de vieux. Beaucoup de choses avaient changées. Les autorités avaient de moins en moins de colonne vertébrale et de plus en plus de laxisme. La tendance des années 70-80 à tout égaliser par la base était devenue une pratique normale et nos dirigeants ne s'en privaient pas. L'exellence était devenue une denrée rare et la qualité presqu'un un défaut.
 

La technologie avait, elle aussi, évolué très rapidement. Les répéteurs sur les montagnes étaient devenus presqu'inutiles, forcant à une retraite prématurée des gars comme Moïse et le seigneur TAE. Seuls, les répéteurs faciles d'accès, dans des salons bien éclairés et bien chauffés étaient demeurés en onde. Mais eux aussi, leurs jours étaient comptés.
 

Les premiers répéteurs touchés par ces nouvelles technologies furent comme on s'en doute, les répéteurs à auto-patch. On n'avait plus besoin de ces machins là car n'importe qui pouvait dorénavant se promener avec son téléphone personnel accroché à sa ceinture. Les laboratoires Bell-Northern avaient mis au point une technique qui permettait de rejoindre n'importe qui, n'importe où, à la grandeur de la planète rendant inutiles la symphonie du touch-tone sur les fréquences amateurs.
 

Le temps faisant son oeuvre, les amateurs furent les premières victimes de ces techniques nouvelles.
 

On était rendu à l'aube de l'années 2050. La grande majorité des amateurs opérait maintenant sur les satellites et sur internet où on retrouvait les mêmes discussions qu'on avait rencontrées sur les bandes VHF et UHF. Mais le problème sur les satellites était moins grave car on y retrouvait en même temps que la confusion des langues, la confusion des idées.
 

Les répéteurs qui avaient au fil des ans retransmis l'intelligence des hommes et des femmes par la parole, étaient eux aussi devenus désuets. Et muets. Les amateurs ne se contactaient plus en phonie, mais se parlaient exclusivement en numérique. D'un ordinateur à l'autre. Ca manquait de chaleur humaine, mais au moins il était plutôt rare d'entendre les ordinateurs se chicaner.
 

C'est la façon qu'ils avaient touvée pour mettre fin aux incessantes discussions qui prenaient la place de tout autre conversation. Depuis pas mal longtemps, dès qu'un amateur ouvrait la bouche pour effectuer un contact, un autre intervenait pour lui redresser ses torts et la discussion reprenait de plus belle.
 

Il n'y avait plus de mots qui avaient droit de cité. Dès qu'un mot, une phrase étaient prononcés, ce mot ou cette phrase étaient scrutés, examinés, décortiqués par une armée de linguistes, amateurs il va sans dire, qui se jetaient sur le coupable et le mettaient en pièces.
 

Certains amateurs s'étaient procurés des logiciels de traduction de l'anglais au français, mais comme ces logiciels n'étaient pas au point, ils traduisaient le plus souvent de l'anglais à la confusion. La tour de Babel en plus moderne.
 

Le mot le plus électrisant, celui qui déclanchait la fureur populaire à tout coup, c'était le mot REPETITRICE. Devait-on faire confiance au Larousse, au Bécherelle, au Petit Robert, au Gros Robert, au P'tit malin ou au gros machin pour en établir une définition valable qui ferait enfin l'unanimité dans la communauté?
 

Certains voulaient que leurs émissions fussent retransmises

par des ré-émetteurs, d'autres par des relais, d'autres par des répéteurs, mais la plupart s'en fichaient royalement.
 

Mais dès que cette mécanique tombait en panne, quel que soit le nom qu'on avait décidé de lui donner, on avait vite fait de pousser sur le bouton panique et de faire en sorte que les responsables quels qu'ils soient, soient bien vite avertis que leur maudite machine ne marchait plus. Et on trouvait alors le moyen de lui trouver d'autres noms, tout aussi catholiques les uns que les autres, qu'on allait chercher dans les tiroirs de la sacristie la plus proche.
 

Dire que toute cette chicane aurait pu être évitée si le gouvernement, encore une fois, avait mis ses culottes et avec l'aide de ses nombreux fonctionnaires instruits, avait adopté tout de suite le bon terme. Mais, vous en conviendrez, c'eut été trop facile, et ça n'aurait pas mobilisé la moitié du parlement. Pas assez payant, en tous cas, pour le syndicat des fonctionnaires. Motion rejetée. Et, comme c'est souvent le cas, le bon peuple avait, encore une fois, hérité du problème.
 

La tolérance avait perdu tous ses droits, et la fraternité humaine qui avait depuis toujours été l'apanage de ce beau hobby était depuis longtemps disparue.
 

La tour de Rougemont aurait pu tomber une autre fois que personne ne s'en serait aperçu. Au fait, existait-elle encore, cette tour? Nul n'aurait pu le dire! On avait bien vu quelques écologistes de green peace monter là-haut pour protester contre cette structure enlaidissante, mais ils n'avaient pu convaincre les autorités de la démolir.
 

Et les répéteurs, à défaut de retransmettre des mots, des idées et des connaissances, disparaissaient les uns après les autres dans un silence où les humains n'avaient plus leur place, remplacés qu'ils étaient par des machines sans âme.
 

Un jour, ces machines, s'ennuyant sans doute de leurs maitres d'autrefois, se mirent à se parler entre elles, grâce à leur convertisseur vocal et leur appendice numérique.
 

Ces machines avaient mis au point un code vocal si compliqué et si ampoulé, encore pire que celui des fonctionnaires du ministère de l'éducation, que les humains n'avaient jamais été capables de le décoder, encore moins de le comprendre. Seule, la communication numérique demeurait accessible et déchiffrable, par un amateur bien équippé.
 

On avait même retrouvé, sur une montagne lointaine, un répéteur oublié depuis longtemps, et dont on avait perdu la trace.
 

Ce répéteur avait été installé par quelques amateurs qui voulaient avoir leurs autopatch privés, et leurs répéteurs personnels, vers la fin des années 90. Et ils l'avaient tout bonnement oublié sur la montagne, n'ayant plus personne à qui téléphoner pour savoir s'ils devraient apporter à la maison, une pinte de lait ou un pain crouté.
 

Il était toujours en fonction, mais il s'était recyclé et retransmettait le silence. C'était très beau à entendre. Et ca ne cassait pas les oreilles.
 

De toute façon, personne ne se souciait plus de rien, jusqu'au jour ou un technicien, affairé à réparer un TNC de packet, pour le mettre au musée, se mit en frais de lire les messages que les machines s'échangeaient entre elles.
 

A sa grande stupéfaction, voici ce qu'il put lire: QSL, QSL, QRT, 73. 88.
 

A toutes les 100 lignes, un message disait ceci en surimpression et en vidéo inversé: Attention! Attention! Message prioritaire à tous les ordinateurs du réseau! Faites vous pas pogner par VE2BTN.
 

QSL, QSL, QRT, 73, 88. les bons chiffres, 10-4.
 
 
 
 

Ainsi prend fin cette histoire exceptionnelle de nos deux amis. Je ne saurais écrire de suite à ce roman. Toute bonne chose devant avoir une fin, et c'est dans l'hilarité la plus profonde que je dois mettre un point final à ce récit.
 

Je devrai bientôt, avec mon seigneur TAE, reprendre le bâton du pèllerin, et retourner voir sur le mont Sinaï si les tables de la loi peuvent être récupérables.
 
 
 

Nous vous en ferons un rapport détaillé lors d'un prochain réseau, alors que nous retrouverons nos amis dans une histoire futuriste qui s'intitulera, "Les amateurs au paradis". D'ici là, soyez sages, digérez bien, ne déconnez pas trop et si vous le faites, faites le en direct, là où l'auditoire sera moins nombreux. Et surtout, mettez de la joie, de l'amitié et de l'humour dans vos contacts avec vos confrères amateurs. Et comme le disaient si bien les joyeux troubadours, à la merveilleuse époque ou les émissions de radio étaient écrites par des humains, soyez heureux.
 

Jean-Guy Renaud VE2AIK 1994.
 

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