Banaba 2004 DXpedition

On peut faire de la radio et ne pas mourir idiot

Last update
2010-11-02

Trop souvent nos collègues qui écrivent à propos des DXepeditions dans les colonnes de nos magazines préférés se bornent à en relater les avatars de l'organization et concluent par un froid bilan des QSO réalisés. Rendons hommage à Michel Monteil, F5RVO, pour son article sur l'île de Banaba dans Radio-Ref d'Avril 2004. Voilà bien une preuve que la radio et la culture ne sont point incompatibles. Pour ceux qui n'auraient pas lu cet article, j'en fais ici un bref résumé, ou plutôt une adaptation selon mon propre style. Le récit des méfaits que les puissances impérialistes ont fait subir à la paisible population de cette petite île est hallucinant. Il s'agit d'une des plus grandes catastrophes humaines et écologiques de notre époque.

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Banaba est une petite île du Pacifique, mesurant environ 3 km de long et située par 1° Sud et 170° Est. Elle est rattachée depuis 1979 à la république de Kiribati (anciennement Iles Gilbert) mais se trouve très excentrée à plus de 400 km de la capitale, Tarawa. Ainsi elle a toujours eut une culture et des traditions qui lui sont propres. Jusque vers 1900, les Banabans vivaient en paix sur leur île, subsistant de la pêche, de la cueillette et de la production des nombreux cocotiers. L'Angleterre y exerçait depuis 1892 un protectorat distant et peu contraignant, l'île étant considérée, du fait de son éloignement et de ses faibles ressources agricoles et minières, comme présentant peu d'intérêt économique. Tout le monde ignorait, à ce moment là, que le sol était constitué de phosphate très pur, un engrais naturel très recherché avant l'apparition des engrais de synthèse.

C'est donc vers 1900 qu'un nommé Albert Ellis (plus tard annobli en sir Albert Ellis, sans doute pour services rendus à l'humanité), employé de la compagnie minière australienne Pacific Island Trading Company, fit analyser à Londres, un échantillon de roche provenant de l'île Nauru située à 400 km de Banaba. Il s'avéra que cet échantillon était constitué de phosphate de haute pureté. Nauru étant colonie allemande, on décida de prospecter dans les îles voisines dont Banaba (que les Anglais avait renommé île Océan, c'est tellemment plus simple pour les colonisateurs de tirer un nom au hazard plutôt que de s'informer auprès des habitants, du nom de l'endroit ! ). Il s'avéra que le sol de Banaba recelait des quantités importantes de phosphate de très bonne qualité. Aussitôt connus ces résultats, l'Angleterre réaffirma solidement des droits de souveraineté (probablement divins, comme il se doit pour un empire) et l'exploitation des phosphates commença.

Comme cela se pratiquait à l'époque, les indigènes furent d'abord, en échange de quelques articles de pacotille, conviés à signer un accord concédant à la compagnie minière le droit de creuser le sol et de l'emporter. Par la suite, voyant disparaître la terre fertile et les cocotiers qui les nourrissaient, ils ne furent plus d'accord. L'occupant de droit divin les contraignit alors par la force. La demande en phosphate étant forte, la compagnie minière devenue entre temps British Phosphate Company (BPC) et dont le capital était détenu conjointement par les gouvernements anglais, australien et néozélandais, décida d'augmenter la production en important de la main d'oeuvre de Chine et des îles voisines. La main d'oeuvre importée fut bientôt aussi nombreuse que la population indigène, ce qui conduisit à une multiplication des incidents inter-ethniques. Les Banabans voyaient disparaître progressivement, avec le sol de leur île, les arbres qui les nourrissaient. Là où la végétation avait été florissante, il ne restait que les couches inférieures de corail, lesquelles sont infertiles. Ce qui avait été un petit paradis devenait progressivement un désert.

Nous arrivons ainsi à la deuxième guerre mondiale. Après le bombardement japonais sur Pearl Harbor, les cadres (les blancs... normaux, blancs comme aurait dit le regretté Coluche) de la BPC furent évacués vers l'Australie. Banaba et ses habitants furent abandonnés à leur triste sort, lequel devait s'avérer encore pire que ce qu'ils avaient déjà connu. L'armée japonaise occupa Banaba comme la plupart des autres îles du Pacifique. Les habitants furent déportés vers Kosrae, Nauru et Tarawa, à l'exception de 350 personnes gardées pour servir de main d'oeuvre esclave. Les impérialismes se suivent mais ce sont toujours les mêmes populations qui trinquent. Sans doute pour éliminer les témoins de leurs méfaits, deux jours avant la fin de la guerre les japonais exécutèrent ces 350 personnes. Il y eut cependant un rescapé, M. Kabunare, dont le témoignage, à la fin de la guerre, permit de faire condamner le commandant des forces japonaises d'occupation.

Les hyènes étant chassées, voici le retour des chacals. La BPC revient sur le théatre de ses exploits et pousuit l'exploitation des phosphates après déportation sur une île éloignée, Rambi située à plus de 1500 km, des Banabans qui avaient osé revenir sur leur terre natale. Ceux-ci étaient considérés comme gènants pour terminer le saccage et la désertification de Banaba. En décembre 1945 on regroupa sur l'île Rambi tous les Banabans que l'on avait précédemment dispersé dans l'archipel des Kiribati, il survivait 703 personnes. On les logea sous des tentes, on leur donna des rations alimentaires pour deux mois et on les abandonna à leur triste sort. Les typhons qui sévissent dans la région décimèrent cette petite population dès le premier hiver. La plupart des enfants et des personnes agées ne survécurent pas.

Pendant que les derniers Banabans tentaient de survivre à 1500 km de chez eux, la BPC ne perdait pas de temps et en profitait pour épuiser les derniers mètres cubes de phosphate avant d'abandonner cet île complètement ravagée et inhabitable. Le forfait fut consommé en 1980. Sur les 695 hectares de l'île, seuls 60 ont étés épargnés, sans doute l'exploitation en était moins rentable. Tout le reste est une ruine minérale parsemée de blocs de corail pouvant atteindre 25 mètres de haut. A ceci s'ajoute un monceau de déchets industriels constitué par tout le matériel d'extraction de la BPC, dont la valeur a été largement amortie et qui a été abandonné sur place.

Depuis 1980 une centaine de Banabans sont revenus sur la terre de leurs ancêtres et essaient d'y survivre dans des conditions fort difficiles. Cette tragédie humaine et écologique n'a jamais fait la une des médias.

-- RLEB, Mai 2004

Pour en savoir plus sur Banaba visitez la page web de Jane Resture
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File : banaba.html - Robert L.E. Billon, 2004-05-17 - Last update: 2011-02-22